Une vingtaine d’armes de poing, dont une mitraillette, des milliers de munitions, plus de 65 dispositifs permettant de transformer des pistolets en armes automatiques, des chargeurs à haute capacité, près de 100 kilogrammes de cocaïne, 600 000 comprimés de méthamphétamine, des dizaines de kilogrammes de crystal meth… Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) aurait porté un dur coup à une ligne d’approvisionnement des Hells Angels de la section de Montréal, a appris La Presse.

« L’organisation ciblée fait partie des hautes sphères du crime organisé montréalais et avait établi des liens avec différentes organisations à travers le continent. Les têtes dirigeantes sont associées aux bandes de motards hors-la-loi », affirme Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du SPVM.

« Les clients identifiés au Québec sont de plusieurs souches différentes, ce qui démontre qu’elles ne refusent pas de faire affaire avec d’autres organisations », ajoute l’officier.

Des dispositifs sophistiqués

Les enquêteurs de la Division du crime organisé du SPVM, en collaboration avec la section Gun & Gang de la police de Toronto, la Police régionale de York, la Police régionale d’Halton et la Police provinciale de l’Ontario (OPP), ont effectué 20 perquisitions mercredi soir et dans la nuit de mercredi à jeudi dans la région de Toronto, à Montréal, à Longueuil et à Châteauguay.

Outre ce qui est décrit plus haut, les limiers ont également mis la main sur 100 000 $ en argent dans le cadre de cette enquête baptisée Atlas.

C’est à Toronto que toutes les armes à feu et les éléments qui y sont reliés ont été trouvés. Selon le commandant Francis Renaud, il est rare que la police trouve autant de dispositifs (appelés en anglais Glock switches) qui permettent de transformer un pistolet en arme automatique.

Autre fait rare, les policiers ont trouvé plusieurs chargeurs ronds – surnommés tambours – qui peuvent contenir jusqu’à 50 projectiles.

Un individu relié aux gangs de rue de Toronto, qui a des liens avec la découverte de ces armes, a été arrêté et devait comparaître dans la Ville Reine.

« Le projet Atlas a démontré non seulement qu’il y a des clients de Montréal qui s’approvisionnent en cocaïne à Toronto, mais aussi en armes à feu », explique le commandant du SPVM.

« C’est sûr et certain qu’il y a un distributeur à Toronto et ce qu’on pense, c’est qu’une partie des armes à feu saisies là-bas était destinée au marché montréalais.

« C’est une autre démonstration que des organisations criminelles établies peuvent être approvisionnées par des gangs de rue. Comme quoi les gangs jouent dans les hautes sphères aussi », ajoute M. Renaud.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le commandant de la Division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal, Francis Renaud

Accusés de trafic

En tout, huit suspects, dont une femme, âgés de 24 à 35 ans, ont été appréhendés.

Les sept suspects du Québec, qui habitent tous à Montréal, sont Alexandre Daigneault-O’Brien, 33 ans, Keven Berthiaume, 30 ans, Maxime Charrette, 24 ans, Thierry Prévost-Chartree, 28 ans, Tommy Lévesque, 25 ans, Shahid Humayun, 25 ans, et Frédérique Tremblay, 32 ans.

Ils ont été accusés de trafic de stupéfiants, jeudi matin, au palais de justice de Montréal. Les actes qui leur sont reprochés auraient eu lieu entre le 8 janvier et le 27 mars 2024.

Daigneault-O’Brien avait été arrêté avec une vingtaine d’autres individus en avril 2019, à l’issue d’une enquête de la police de Châteauguay et de la Sûreté du Québec.

Lors de perquisitions, les policiers avaient notamment mis la main sur 18 kilogrammes de cocaïne, des sommes totalisant 237 650 $ et une dizaine d’armes prohibées.

Daigneault-O’Brien avait ensuite été condamné à 48 mois d’emprisonnement.

D’après nos informations, au moins un des accusés aurait des liens avec un membre des Hells Angels de Montréal.

Moins chère à Toronto

Les 97 kilogrammes de cocaïne découverts par le SPVM représentent la plus importante saisie de cocaïne réalisée par le corps policier en 10 ans, depuis que les enquêteurs de l’équipe antigang avaient mis la main sur 94 kilogrammes importés au Québec avec l’aide d’une douanière corrompue, dans le cadre d’une enquête visant un clan de la mafia en 2013.

Le kilogramme se vendrait environ 26 000 $ actuellement dans la région de Montréal.

Ainsi, seulement en cocaïne, la valeur totale de la drogue saisie s’élèverait à 2,5 millions de dollars.

Le kilogramme se vendrait un peu moins cher à Toronto, ce qui expliquerait pourquoi des individus et des organisations criminelles du Québec utiliseraient fréquemment le corridor Toronto-Montréal pour s’approvisionner depuis la fin de la pandémie de COVID-19.

Depuis deux ans, le SPVM, en particulier la Division du crime organisé, a multiplié les opérations et les saisies contre des groupes criminels qui utilisaient ce corridor.

Un individu que la police considère comme un membre de la mafia montréalaise, Roberto Scoppa, fait actuellement face à une demande d’extradition aux États-Unis pour y être jugé pour trafic de drogue.

Selon la preuve recueillie par la police américaine, Scoppa aurait dit à de présumés complices durant l’enquête que le corridor Toronto-Montréal était « brûlé ».

Mais le commandant Francis Renaud ne croit pas que ce corridor soit tari, au contraire. « Je crois que la majorité de la cocaïne qui se retrouve à Montréal transite toujours par le corridor Toronto-Montréal », conclut-il.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.