(Montréal) L’incapacité du gouvernement du Québec à déployer son plan de réponse à la pandémie, alors que le nouveau coronavirus avait commencé à circuler ailleurs dans le monde au début de 2020, a entraîné des morts évitables dans les établissements de soins de longue durée, a soutenu lundi un avocat montréalais.

Patrick Martin-Ménard a demandé à un juge d’autoriser une action collective contre le gouvernement provincial au nom de tous les résidents des foyers publics de soins de longue durée qui ont connu des éclosions de COVID-19 au cours des deux premières vagues de la pandémie, et au nom des familles de ceux qui sont morts.

En omettant de mettre en œuvre un plan d’action déjà existant au début de janvier 2020, le gouvernement du Québec et ses autorités sanitaires ont manqué à leur devoir de diligence envers les résidants, a déclaré Me Martin-Ménard devant la Cour supérieure du Québec.

« Le plan de pandémie avait été adopté en 2006. Il donnait déjà une bonne idée de ce qui devait être fait en cas d’apparition d’une menace biologique pour protéger les personnes vulnérables », a déclaré Me Martin-Ménard aux journalistes lundi.

« Ce que nous prétendons ici, c’est que si ce plan avait été mis en place, comme il aurait dû l’être en janvier 2020, les établissements auraient eu le temps de se préparer à la pandémie et de préparer la clientèle vulnérable », a ajouté l’avocat.

Au contraire, a-t-il soutenu, la gestion de la pandémie « a donné lieu à beaucoup d’improvisation, à des décisions prises en catastrophe et à une gestion négligente, dans l’ensemble » de la situation.

Plus de 5000 personnes sont décédées dans les centres de soins de longue durée du Québec au cours de la période couverte par la poursuite proposée, soit entre mars 2020 et mars 2021.

Réponse tardive

Le plan québécois de réponse à la pandémie, a déclaré Me Martin-Ménard, demande au gouvernement d’émettre une alerte pré-pandémique aux établissements de santé lorsqu’il est confirmé qu’un nouveau virus se propage des animaux aux humains. Ce fait était connu dès le 6 janvier 2020 pour la COVID-19, mais la province n’a pas lancé d’alerte, a déploré l’avocat.

Le gouvernement n’a commencé à se préparer officiellement à l’arrivée de la pandémie qu’à la fin février, soit deux jours avant la détection des premiers cas dans la province. De plus, le plan demande au Québec de mettre en œuvre des mesures de prévention et de contrôle des infections et d’identifier les résidents les plus vulnérables.

Les premières directives du Québec concernant le système de santé ne faisaient aucune référence aux centres de soins de longue durée et aux personnes vulnérables, a rapporté Me Martin-Ménard.

Aucun plan spécifique n’a été communiqué au système de santé concernant la protection des centres de soins de longue durée avant la fin mars, a-t-il ajouté. Ce retard a fait manquer au Québec sa fenêtre de préparation, ce qui a entraîné des conséquences désastreuses.

« Une fois de plus, nous constatons que ce qui était prévu dans le plan n’a pas été mis en œuvre », a-t-il déclaré au tribunal.

Décès évitables

Au lieu de mettre le plan existant en place, a-t-il affirmé, le gouvernement a improvisé, déplaçant les patients des hôpitaux vers des centres de soins de longue durée dans le but de libérer des lits d’hôpitaux.

Ces centres de soins de longue durée n’étaient pas préparés à accueillir des patients supplémentaires et ne pouvaient pas prendre soin correctement des résidents après que le gouvernement a interdit les visites des soignants familiaux, a déclaré Me Martin-Ménard.

Dans un cas, a-t-il expliqué, une femme qui dépendait des visites de sa fille pour l’aider à manger est décédée peu de temps après l’interdiction de ces visites.

Le gouvernement a limité la capacité des patients de soins de longue durée à se rendre à l’hôpital s’ils étaient atteints de la COVID-19, mais la province ne s’est pas demandé si les centres de soins de longue durée avaient la capacité de traiter ces patients, a plaidé l’avocat.

« Tout cela a eu des conséquences très importantes, non seulement pour les personnes qui ont contracté la COVID-19, mais aussi pour celles qui ont été durement touchées par la privation de soins qu’elles ont subie en conséquence », a déclaré Martin-Ménard aux journalistes.

Jean-Pierre Daubois, principal plaignant de l’action collective, a relaté que sa mère a souffert d’un manque de soins. Anna José Maquet, 94 ans, est décédée au CHSLD Ste-Dorothée, à Laval, en avril 2020.

Même si Mme Maquet souffrait d’un trouble oculaire lié à l’âge et avait besoin d’aide pour se déplacer, elle était par ailleurs en bonne santé, a-t-il déclaré. M. Daubois a déclaré que sa mère s’était étouffée en buvant de l’eau et qu’au bout de trois heures, elle avait été soumise à un protocole de détresse respiratoire, ce qui, selon lui, avait entraîné sa mort.

Selon la poursuite, au moment du décès de Mme Maquet, elle était sous la garde d’une candidate infirmière qui n’était pas encore autorisée et qui aurait prodigué des traitements qu’elle n’était pas qualifiée pour administrer.

« Nous voulons que le gouvernement du Québec soit tenu responsable de ce manque de préparation, a déclaré M. Daubois aux journalistes au palais de justice de Montréal. Il y a eu une grave incompétence de leur part, nous voulons que cela change. »

Me Martin-Ménard a déclaré que l’action collective pourrait inclure plus de 10 000 personnes. L’indemnisation demandée dépendra du nombre de membres identifiés, a-t-il déclaré, ajoutant qu’elle pourrait s’élever à des centaines de millions de dollars.

Les avocats du gouvernement du Québec ont refusé de commenter l’affaire, lundi. Les avocats des établissements de santé du Québec doivent plaider jeudi, et les avocats du procureur général de la province doivent faire de même vendredi.