(Ottawa) Le gouvernement Trudeau a l’intention de modifier les critères concernant l’ajout de délinquants sexuels au registre national, mais il entend que les récidivistes et les personnes reconnues coupables de crimes sexuels graves contre des enfants soient toujours automatiquement inscrits dans la base de données.

Un projet de loi déposé par le représentant du gouvernement au Sénat fait suite à une décision de la Cour suprême du Canada l’an dernier qui a jugé inconstitutionnel d’ajouter au registre toute personne reconnue coupable d’une infraction sexuelle.

Le projet de loi modifie le Code criminel afin de limiter l’inscription automatique aux récidivistes et aux auteurs d’infractions sexuelles graves contre des enfants. Les autres personnes reconnues coupables de l’un des crimes énumérés dans la loi peuvent éviter d’être ajoutées si elles peuvent démontrer qu’elles ne présentent pas de risque pour la communauté.

Il élargit également les crimes couverts par le registre pour inclure le partage non consensuel d’images intimes et l’extorsion. La nouvelle législation exigerait que les délinquants sexuels enregistrés fournissent un préavis de 14 jours avant de voyager.

Le ministre de la Justice, David Lametti, a déclaré que les changements rendront le système de justice pénale plus réactif aux divers besoins des victimes et des survivants.

« Les délits sexuels comptent parmi les formes de violence les plus odieuses et les plus dégradantes. Ils ont un impact dévastateur sur les survivants qui sont de manière disproportionnée des femmes et des filles », a-t-il affirmé.

Une obligation qui allait « trop loin »

Le registre national des délinquants sexuels a été créé en 2004, mais l’ancien gouvernement conservateur a apporté des modifications en 2011 qui ont supprimé le pouvoir discrétionnaire des procureurs et des juges quant au moment où il doit être utilisé, ce qui signifie que toute personne qualifiée était automatiquement tenue de s’inscrire.

Il a également créé un enregistrement obligatoire à vie pour les personnes reconnues coupables de plusieurs crimes sexuels dans le cadre d’une même poursuite.

En octobre dernier, le plus haut tribunal du pays a estimé que l’enregistrement obligatoire promulgué avec une modification du Code criminel en 2011 était allé « trop loin », car il visait des personnes qui ne représentaient pas un risque accru de récidive.

La contestation a été présentée par un homme qui a plaidé coupable en 2015 d’avoir agressé sexuellement deux femmes lors d’une fête à la maison en 2011.

Il a été condamné à six mois de prison, trois ans de probation et une inscription à perpétuité au registre des délinquants sexuels.

En vertu de la nouvelle loi, les juges disposeront d’une liste de facteurs pour guider le pouvoir discrétionnaire d’ordonner un enregistrement à vie pour les personnes.

Les victimes auront leur mot à dire

Si adoptée, la pièce législative obligerait également les juges à demander aux procureurs s’ils ont sollicité l’avis d’une victime lorsqu’ils ont demandé une interdiction de publication. Cette disposition répond à une revendication de longue date des groupes d’aide aux victimes.

Les juges devraient également demander aux victimes si elles souhaitent continuer à recevoir des informations sur leurs dossiers après le prononcé de la peine et s’assurer que leurs souhaits sont consignés dans le procès-verbal des procédures judiciaires.

Les juges imposent souvent des interdictions de publication pour protéger l’identité des plaignants dans des infractions sexuelles à la demande de la Couronne, mais certaines victimes d’agression sexuelle disent avoir dû se battre pour contrôler l’utilisation de leur propre nom.

En décembre, un comité parlementaire a recommandé des modifications au Code criminel afin que les victimes soient informées avant qu’une interdiction de publication ne soit imposée et qu’elles aient la possibilité de s’y soustraire.

« Cette décision permet aux survivantes d’avoir leur mot à dire sur les interdictions de publication. (Il) est attendu depuis longtemps, et je suis heureuse de voir (le) changement », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Le ministre Lametti a déclaré qu’il croit fermement que les nouvelles dispositions ne violeront pas la Charte canadienne des droits et ne seront pas annulées par la Cour suprême.

« Ces modifications proposées aujourd’hui renforceront notre système judiciaire en aidant à garantir que les victimes et les survivants sont protégés, que leurs droits sont respectés et que leurs voix sont entendues », a-t-il dit.

Si la nouvelle législation n’est pas adoptée d’ici le 29 octobre, les tribunaux ne pourront pas ordonner l’inscription des personnes au registre national.

« À la lumière de cela, je suis convaincu que tous mes collègues parlementaires partagent mon engagement à faire en sorte que cette situation ne se produise pas, a soutenu M. Lametti. Les Canadiens s’attendent à ce que nous travaillions ensemble et rapidement pour préserver le registre national des délinquants sexuels en adoptant le projet de loi S-12. »

Le ministre libéral a dit qu’il avait eu des conversations informelles avec des collègues des partis opposés et qu’il avait hâte de débattre de la loi une fois qu’elle serait approuvée au Sénat.