C’est dans une tentative désespérée de baisser son niveau de testostérone, et ultimement de réduire sa peine d’incarcération, que Jody Matthew Burke a tenté de s’enlever les testicules en prison cette semaine. Son geste n’a pas fait broncher le juge Jean-Jacques Gagné, qui l’a déclaré délinquant dangereux et condamné à 15 ans de pénitencier au terme d’un procès qui s’est étalé sur six ans.

Burke, multirécidiviste reconnu coupable d’agressions sexuelles et de violence extrême contre son ex-conjointe Brigitte Jobin, comparaissait par visioconférence à partir du Centre de détention de Montréal (Bordeaux). Il a subi une ablation urgente de ses organes génitaux mardi, suivant des gestes d’automutilation qu’il s’est infligés la veille du prononcé de sa peine.

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L’ex-conjointe de Jody Matthew Burke, Brigitte Jobin

Son avocate, Me Véronique Talbot, quelques instants avant le prononcé de la peine, a précisé que Burke a fait ce geste pour réduire son niveau de testostérone, un élément important pour évaluer le risque de récidive d’un délinquant et pour lui accoler l’étiquette de délinquant dangereux. Burke voulait aussi signaler qu’il s’est « senti discriminé » parce que le Centre de détention de Montréal a refusé de l’envoyer dans une prison pour femmes.

Le juge Jean-Jacques Gagné a refusé de rouvrir la preuve.

« Monsieur Burke [était] prêt à tout pour réduire sa peine », a déclaré l’avocate de la Couronne, MJasmine Leduc, qui considérait ce rebondissement inhabituel comme une tentative de faire traîner le procès en longueur.

Burke, cheveux rasés et vêtu d’un pantalon et d’un t-shirt gris, a théâtralement tourné le dos à la caméra lorsque le magistrat a lu les dernières lignes de sa décision, le condamnant, en plus d’une longue peine de pénitencier, à 10 ans de supervision à sa sortie de prison.

La peine est au-dessus de la fourchette habituelle pour le type de crimes commis par Burke, a reconnu le juge Jean-Jacques Gagné. « Je suis conscient qu’elle est sévère et dure. » L’étiquette de délinquant dangereux est réservée à une minorité de criminels qui représentent un danger grave pour la société et qui ont peu de chances de réhabilitation.

Le magistrat s’est dit « incapable d’identifier des facteurs atténuants » dans l’historique de Burke, dans son profil clinique et psychologique, et même dans son intention de changer de sexe.

« Permettez-moi d’être parfaitement clair : Matthew Burke est un manipulateur hors pair », a-t-il souligné. « Son projet de changer de sexe est un enjeu qui relève des Services correctionnels, et pour lequel je n’ai pas d’expertise », a-t-il ajouté.

Burke avait tout caché à Mme Jobin de ses deux précédentes peines de prison pour violence conjugale et agressions sexuelles très similaires. Il a exercé sur elle un « contrôle presque absolu » et lui a causé des dommages corporels et psychologiques importants. « Mon rôle est de protéger la société et de protéger les femmes », a souligné le magistrat.

Mme Jobin, très émue lorsque le juge a prononcé les mots « délinquant dangereux », s’est dite satisfaite du jugement. « C’est un soulagement, et au-delà de mes attentes », a-t-elle déclaré.

« Il était temps qu’un juge dise : “ça suffit”, après trois récidives. Les peines sont souvent trop clémentes, et dans plusieurs cas, ça mène à un féminicide après », a dit Mme Jobin.

« La honte doit être du côté des abuseurs, et non pas des victimes », a-t-elle ajouté.

Le juge Jean-Jacques Gagné a souligné la force de caractère de Mme Jobin dans son jugement. « Les propos de Mme Jobin ont démontré une certaine retenue. On ne peut que souligner sa patience, sa résilience, son courage et, au-dessus de tout, sa modération », a-t-il écrit.