(Québec) « Le party, il est fini », selon le gouvernement Legault qui vient encadrer – et non interdire – les interpellations policières aléatoires pour éviter le profilage racial. Il demandera aux corps de police de rendre des comptes chaque année sur les interpellations de leurs agents, qui pourraient faire face à des sanctions disciplinaires si un geste discriminatoire est démontré.

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a déposé au Salon bleu mercredi son projet de loi qui rouvre la Loi sur la police, première étape pour lui d’une réforme du système policier.

Comme La Presse l’indiquait mardi, il encadre les interpellations aléatoires sans toutefois les interdire. En novembre dernier, Québec a d’ailleurs décidé de porter en appel un jugement de la Cour supérieure ordonnant la fin des interpellations aléatoires. Le projet de loi de François Bonnardel est une nouvelle mouture d’un texte législatif que sa prédécesseure Geneviève Guilbault avait déposé dans le précédent mandat et qui était mort au feuilleton.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

François Bonnardel

En vertu du projet de loi, « le ministre doit établir, à l’égard des corps de police et de leurs membres, une ligne directrice concernant les interpellations policières, y compris les interceptions routières ». Sa ligne directrice, qui sera édictée deux mois suivant la sanction de la loi, sera intégrée aux règlements internes des corps de police. Si un agent ne la respecte pas, il pourrait faire face à une sanction disciplinaire. La formation continue des policiers sera améliorée pour, entre autres, éviter le profilage racial.

« Pour nous, les interpellations et les interceptions sont importantes pour sécuriser la population, mais elles ne peuvent se faire avec un motif discriminatoire. C’est ça qu’on va établir dans les lignes directrices », a expliqué François Bonnardel lors d’une conférence de presse en compagnie de son collègue responsable de la Lutte contre le racisme, Chrisopher Skeete.

Or, dans son rapport déposé en décembre 2020, le Groupe d’action contre le racisme du gouvernement Legault, dont faisait partie Christopher Skeete, recommandait d’interdire les interpellations policières obligatoires.

Le ministre Skeete se défend de renier cette recommandation. « On vient interdire les interpellations aléatoires pour des motifs discriminatoires, ce qui est essentiellement le problème. On vient dire non seulement très clairement que ce n’est plus acceptable, mais on vient donner un peu de pouvoir derrière ça avec des sanctions », a-t-il soutenu avant de hausser le ton.

Être noir, ce n’est pas un motif (pour interpeller un citoyen), point. On est ailleurs, on est en 2023. C’est fini, là, il faut passer à autre chose. Le party, il est fini. Aujourd’hui, on vient dire à nos policiers qu’on les supporte dans leur travail quand ils le font bien. Puis ils font, à la vaste majorité, très bien leur travail.

Christopher Skeete, ministre responsable de la Lutte contre le racisme

Selon François Bonnardel, « il peut y avoir des cas de profilage venant de la part de certains membres des corps de police » mais « il n’y a pas de racisme érigé en système dans les corps de police ».

Le projet de loi précise également que les corps de police rendront des comptes annuellement sur les interpellations aléatoires, ce qui comprend les interceptions routières. Ils devront transmettre au ministre un rapport sur ces opérations.

Le texte législatif ajoute qu’un directeur de police doit, sur demande du ministre, lui soumettre « des états, des données statistiques et d’autres renseignements nécessaires afin d’évaluer l’état de la criminalité et l’efficacité de l’action policière », tout comme « des renseignements et des documents nécessaires à l’exercice de ses fonctions ». On introduit dans la Loi sur la police une disposition selon laquelle « dans la conduite des enquêtes et des interventions policières, [les corps de police] agissent en toute indépendance, hors de toute ingérence. »

Le projet de loi apporte des changements à la Commission de déontologie policière. Il prévoit des mesures d’accompagnement pour tout plaignant qui se dit victime de discrimination ou de profilage racial ; un agent de liaison en équité, diversité et inclusion lui apporterait de l’aide. Il aurait le choix de participer à un processus de conciliation avec le policier visé.

Le Comité de déontologie policière devient le Tribunal administratif de déontologie policière, qui obtiendra des ressources supplémentaires avec le budget Girard du 21 mars. En plus des sanctions déjà prévues à la Loi sur la police, le Tribunal pourra « imposer à un policier […] l’une ou plusieurs des mesures suivantes : suivre avec succès une formation ou un stage de perfectionnement, se soumettre à une évaluation médicale, participer à un programme d’aide ou de soutien ou à une thérapie en lien avec ses besoins, participer à un programme d’engagement communautaire ou à un stage d’immersion sociale et citoyenne, se soumettre à un plan d’encadrement ou participer à un programme de suivi administratif ».

Québec donne de nouveaux pouvoirs aux policiers pour agir plus rapidement lors de la disparition d’une personne. Ils auraient accès à davantage de renseignements personnels. « Sur ordonnance d’un juge, on va permettre aux policiers d’obtenir toutes les infos sur le cellulaire d’une personne disparue et de celle qui pourrait l’accompagner (comme) les transactions bancaires et les signaux GPS », a expliqué François Bonnardel, rappelant que « les premières heures d’une disparition sont extrêmement importantes ».

D’autres dispositions visent à améliorer le processus de libération conditionnelle des contrevenants.