(Québec) L’auteur de l’attaque meurtrière survenue lundi à Amqui aurait déjà été « identifié » comme étant à risque, a laissé entendre François Legault, qui demande aux gens « d’intervenir » lorsqu’ils constatent que « quelqu’un dans [leur] entourage […] montre des signes inquiétants ».

« Je ne veux pas arriver… aller dans ce cas-là, mais il semble que cette personne-là était peut-être identifiée déjà. Donc, y a-t-il quelque chose à faire quand on sait qu’il y a une personne qui est à risque ? D’agir plus rapidement, de ne pas être gêné de le faire pour le bien commun ? », a dit le premier ministre mardi en point de presse à l’Assemblée nationale.

« Je pense qu’on a une responsabilité collective, d’abord, d’identifier les personnes qui sont à risque et d’agir pour que ces personnes-là reçoivent des services. Et donc, oui, on ne peut pas… le gouvernement ne peut pas être dans chaque milieu à identifier chaque personne qui peut avoir des idées négatives », a également affirmé François Legault.

M. Legault a annoncé qu’il se rendrait à Amqui jeudi pour rencontrer la population de cette ville ébranlée par une attaque à la voiture-bélier qui a fait deux morts et plusieurs blessés, dont certains se trouvent toujours dans un état critique. Il invite également les chefs des partis de l’opposition à l’accompagner durant cette journée.

Il a également annoncé que le drapeau du Québec serait mis en berne ce mercredi sur la tour centrale de l’Assemblée nationale à la mémoire des victimes « de la tragédie d’Amqui ».

Réflexion collective

M. Legault estime qu’il faudra avoir une réflexion collective à la suite de ce drame, qui arrive quelques semaines après une attaque à l’autobus-bélier contre une garderie à Laval. « Il faut agir. Et puis, quand on voit quelqu’un dans son entourage qui montre des signes inquiétants, bien, il faut trouver une manière d’intervenir », a-t-il lancé.

En contrepartie, le gouvernement du Québec a le devoir de s’assurer « que les services sont facilement accessibles » et que de la publicité soit faite « pour que les gens n’hésitent pas à consulter ou à dénoncer ».

On voit que ce genre d’évènement là arrive de plus en plus souvent dans le monde. Ce n’est pas unique chez nous. Il faut bien analyser la situation. […] À court terme, il faut d’abord réconforter les personnes, mais il faut avoir une réflexion, puis être prudent aussi sur les conclusions.

François Legault, premier ministre du Québec

Selon les policiers, le geste serait prémédité et les victimes auraient été choisies au hasard. « C’étaient des piétons qui marchaient sur le bord de la 132 des deux côtés de la route, sur une certaine distance », a indiqué le sergent Claude Doiron, porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ).

Pandémie

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a fait un parallèle entre l’attaque de lundi et « l’autobus-bélier à Laval qui a tué des enfants ». « On devra faire un exercice par la suite pour essayer de comprendre, et pour essayer de rassurer la population. Je reste inquiet face à deux cas comme ça [lundi] et Laval », a-t-il dit. Il avait évoqué au matin l’idée de suspendre le permis de conduire de certaines personnes qui reçoivent un diagnostic de trouble de santé mentale, mais s’est rétracté par la suite, affirmant que ça ne faisait pas partie des plans du gouvernement.

Il s’est également demandé si la pandémie avait « exacerbé » les cas de santé mentale. « Je pense que oui. Je ne veux pas dire que c’est la faute de la pandémie, mais on dirait que ça a exacerbé plusieurs cas », a-t-il dit.

Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, n’a pas voulu dire si l’accusé Steeve Gagnon était en attente de services en santé mentale ou s’il était suivi par des spécialistes. Le lendemain de la tragédie de Laval, le mois dernier, il s’était empressé de révéler que le chauffeur de l’autobus qui a percuté une garderie n’était pas en attente de services et que rien ne laissait croire que Pierre Ny St-Amand y avait eu recours dans le passé. Le ministre avait par la suite essuyé des critiques de la part d’experts pour avoir, selon eux, enfreint la Loi sur la santé et les services sociaux en faisant de telles révélations.

« J’attends vraiment les résultats de l’enquête cette fois-ci […]. Je n’ai pas tous les détails », a affirmé Lionel Carmant mardi. S’il avait commenté publiquement le dossier de Pierre Ny St-Amand, c’est qu’« il y avait de la spéculation » alors.

La classe politique ébranlée

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a rappelé de son côté que « les demandes d’aide et la détresse psychologique ont augmenté » depuis le début de la pandémie. « Il faut sensibiliser les gens à l’importance de lever la main. Quand on connaît quelqu’un avec un problème de santé mentale, quand on vit un problème de santé mentale, nous, on veut vraiment que les gens lèvent la main le plus rapidement possible », a-t-il ajouté.

Les partis de l’opposition croient tout de même que l’attaque qui a eu lieu à Amqui force un débat de société. « On doit se pencher sur la haine, la place grandissante de la haine dans notre société », a déploré le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon. « Ça fait deux fois que de la violence aussi gratuite coûte des vies. On est prêts à se pencher sur toutes les options, mais il faut le faire également avec rigueur, là, c’est-à-dire qu’on ne peut pas juste lancer des solutions sans avoir étudié exactement de quoi il en retourne », a-t-il affirmé en point de presse.

Le chef par intérim du Parti libéral, Marc Tanguay, veut également une « réflexion collective ». « Ce qui est arrivé à Amqui, c’est bouleversant, ça vient bouleverser une communauté tissée serré, une communauté paisible. Ça amène nécessairement plein de questions. Qu’est-ce que, collectivement, on pourrait faire pour faire en sorte que de telles tragédies n’aient pas lieu ? On se rappelle ce qui s’est passé plus récemment à Laval, et maintenant, il y a Amqui », a-t-il déploré.

Il croit qu’il faut trouver des solutions pour éviter « d’échapper » des personnes, pour agir avant qu’elles ne commettent l’irréparable. « Rendu là, quand la personne, on l’a échappée collectivement, et elle est à bord de son véhicule et décide de faire ce qu’on a vu de très bouleversant [lundi], rendu là, je vous dirais qu’il est presque trop tard. Alors, il faut travailler en amont. Et puis, encore une fois, c’est un dossier délicat. On parle de santé mentale, mais je pense qu’on doit avoir une conversation là-dessus », a-t-il dit.

Est-ce qu’il y a un lien à faire entre ce genre de gestes et la pandémie qui a durement affecté la santé mentale de nombreux Québécois ? Le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc, croit de son côté qu’il « faut se poser ce genre de questions ». « Il faut traiter de front cet enjeu. Les gens du Québec s’attendent à ce qu’on en fasse plus pour la santé mentale », a-t-il dit.

Avec la collaboration de Fanny Lévesque et Tommy Chouinard, La Presse