(Québec et Montréal) François Legault déplore de « graves lacunes de planifications » dans la transition informatique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), et demande une évaluation du travail du Conseil d’administration et du grand patron de l’organisme, Denis Marsolais.

« Il y a eu un problème de planification à la SAAQ. C’est clair. Et ce que je veux, dans les prochains jours, les prochaines semaines, c’est d’évaluer le travail du Conseil d’administration de la SAAQ, et du président de la SAAQ. Il y a eu de toute évidence une grave lacune de planification à la SAAQ », a lancé le premier ministre mardi lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale.

Il a ajouté « qu’on ne peut pas penser qu’on va fermer des bureaux pendant trois semaines, et que la journée qu’on va rouvrir, qu’il n’y aura pas un impact ».

M. Legault affirme que la société d’État a provoqué cette fermeture sans avoir présenté aucun plan de transition. Il a blanchi son ministre de la Cybersécurité et du numérique, Éric Caire, qui n’avait qu’un rôle « de conseil dans la transformation numérique autant pour les ministères que pour les sociétés d’État ».

La responsabilité de la SAAQ

« C’est la SAAQ qui a la responsabilité finale, incluant son département d’informatique », a conclu M. Legault. Son gouvernement a dû annoncer depuis la semaine dernière une série de mesures, notamment une période de grâce pour les automobilistes et camionneurs incapables de renouveler leur permis.

Mais plusieurs citoyens avaient de la difficulté à créer leur compte du Service d’authentification gouvernemental (SAG), dont Éric Caire est responsable. Les citoyens peuvent d’ailleurs, depuis lundi, créer leur compte directement dans une succursale de la SAAQ, en obtenant de l’aide sur place. Mais M. Legault et son gouvernement estiment que le problème se trouve davantage du côté des ratés de la plateforme SAAQclic.

Les partis d’oppositions n’ont pas acheté la version du gouvernement. Le chef par intérim du PLQ, Marc Tanguay souligne que le problème n’est toujours pas résolu. « À tous les jours, on apprend, des délais qui se prolongent et qui se prolongent. C’est l’annonce que ça va prendre encore plusieurs mois avant qu’une solution tangible soit mise en place », a-t-il déploré. Face à la défense du gouvernement, M. Tanguay se demande maintenant « à quoi ça sert d’avoir un ministre du Numérique ? », et reproche à M. Caire de n’avoir pas posé les bonnes questions à la SAAQ.

Pas de commission parlementaire

Le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi a questionné M. Caire sur les difficultés d’inscription au SAG, que gère son ministère. « Juste en mettant en ligne son système d’identité, il y a des milliers, des centaines de milliers de gens qui ne vont juste pas y arriver. Qu’est-ce qu’a prévu le ministre ? Rien », a-t-il lancé.

M. Caire a répliqué que « quand ce projet-là a commencé à déraper sur le déploiement, il y a des mesures qui ont été mises en place ».

C’est le premier projet d’une longue liste de projets. Et on parle, pour celui-là, d’un demi-milliard, ça fait 200 000 $ par jour pendant sept ans pour arriver à ce résultat. Combien de millions il faut gaspiller pour commencer à essayer de comprendre le problème ?

Haroun Bouazzi, député de Québec solidaire

Le Parti québécois de son côté n’a pas réussi à convaincre le gouvernement Legault d’étudier cet échec en commission parlementaire. Le député Joël Arseneau déplore que la CAQ « n’a aucune volonté d’aller au fond des choses ». « Le concept de responsabilité ministérielle se résume à ceci à la CAQ : c’est la faute des autres et le rôle du gouvernement se limite à faire du commentariat », a-t-il raillé.

Rappelons que la SAAQ avait été prévenue par des employés que la transition numérique devrait être plus « graduelle », selon leur syndicat.

Des camionneurs « préoccupés »

À l’Association du camionnage du Québec (ACQ), le président Marc Cadieux a avoué mardi avoir des préoccupations quant à l’application du décret ministériel annoncé hier par la ministre Geneviève Guilbault, qui permet aux camionneurs de « régulariser leur situation » avec la SAAQ jusqu’au 12 juin.

« On se demande si les autres administrations canadiennes et américaines vont reconnaître les reports du gouvernement. Le message qu’on lance à l’industrie, c’est de procéder aux renouvellements dans les délais normaux et usuels si cela est possible », affirme M. Cadieux.

Pour des milliers de camionneurs québécois, le régime de l’International Registration Plan (IRP) arrivait jusqu’ici à échéance le 31 mars. Le décret annoncé lundi par Québec leur donne jusqu’au 12 juin pour renouveler leur permis.

La porte-parole de la SAAQ, Anne Marie Dussault Turcotte, assure qu’un « mécanisme de partage de l’information » a été mis en place « via la Commercial Vehicle Safety Alliance (CVSA) et le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM) ».

Au cabinet de la ministre Geneviève Guilbault, on assure qu’un avis de prolongation sera transmis au dépositaire de l’accord international, « qui informera sans tarder les administrations ayant souscrit à l’IRP que le certificat d’immatriculation » demeurera valide jusqu’au 12 juin. « Les corps policiers de ces administrations seront invités à s’abstenir de prendre action à l’endroit des conducteurs professionnels québécois », a aussi promis l’attaché de presse, Louis-Julien Dufresne.

« C’est rassurant qu’ils aient ce genre de mécanisme, mais ceci dit, l’application de tout ça sur le terrain, ça reste une autre dimension. La préoccupation demeure que l’information se rende sur le terrain lui-même », a rétorqué Marc Cadieux.