(Québec) Permettre uniquement aux personnes ayant un handicap « neuromoteur » grave et incurable d’accéder à l’élargissement de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir pourrait être jugé discriminatoire et mener à des contestations judiciaires, préviennent l’Office des personnes handicapées du Québec et le Barreau. Cette notion, qui fait débat, devrait être étudiée dans un « forum » parallèle à la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 11, proposent les libéraux.

La députée du Parti libéral du Québec (PLQ) Jennifer Maccarone a proposé mercredi à la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, d’approfondir la question délicate des handicaps neuromoteurs, qui ne sont pas définis par son projet de loi. À l’instar de l’ex-députée péquiste Véronique Hivon, qui témoignait mardi en commission parlementaire, Mme Maccarone juge qu’il faut « prendre le temps d’écouter tous les experts et toutes les personnes intéressées par la question de l’accès à l’aide médicale à mourir pour que cette loi puisse refléter le plus justement possible les valeurs et la volonté de l’ensemble des Québécois ».

« Ce projet de loi touche à des éléments complexes et sensibles, dont certains sur lesquels nous n’avons jamais débattus dans l’histoire de l’Assemblée nationale », a affirmé la libérale.

Mercredi, au deuxième jour des audiences publiques du projet de loi 11, l’Office des personnes handicapées du Québec a également demandé au gouvernement de « définir ou circonscrire [une] liste de diagnostics médicaux qui [définissent] la notion de handicap neuromoteur ».

« Selon la compréhension de l’Office, l’intention du gouvernement serait de faire référence à certains diagnostics tels la paraplégie d’origine traumatique, la quadriplégie d’origine traumatique, la paralysie d’un membre d’origine traumatique, l’amputation d’origine traumatique, la paralysie cérébrale, la malformation spinale et paralysie, la parésie, les troubles chromosomiques, les déficiences multiples incluant un trouble neuromoteur », a-t-il ajouté.

Or, « l’Office ne dispose d’aucune donnée ni d’aucun résultat de recherche démontrant que ce groupe de personnes handicapées présente des caractéristiques particulières au regard de souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables qui les différencient des autres personnes handicapées ayant des incapacités importantes et qui pourraient être éventuellement admissibles à l’aide médicale à mourir ».

« Cibler ainsi ce groupe spécifique est potentiellement discriminatoire à l’égard d’autres segments de cette population en vertu des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés et donne ouverture à des recours devant les tribunaux si cette solution ne s’appuie pas sur une démarche rigoureuse et inclusive à moyen terme », a ajouté l’Office.

Le Barreau du Québec a également présenté mercredi un avis similaire, plaidant pour que la loi québécoise respecte les dispositions prévues au Code criminel, qui ne fait pas de distinction entre handicap et handicap neuromoteur concernant l’accès à l’aide médicale à mourir.

L’ordre professionnel a également prévenu les parlementaires que les demandes anticipées afin de recevoir l’aide médicale à mourir, que le projet de loi de la ministre Bélanger souhaite permettre et baliser, ne sont actuellement pas permises par le Code criminel. Le Barreau suggère à Québec différentes options – comme l’élaboration d’un projet pilote avec Ottawa – afin de trouver une voie de passage qui permettrait aux professionnels de la santé qui prodigueraient ce soin de ne pas courir le risque d’être plus tard poursuivis au criminel.

Le projet de loi 11 en bref

  • Le gouvernement propose d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladies graves et incurables, comme l’alzheimer, et aux personnes qui ont un handicap neuromoteur grave et incurable. Il propose aussi de permettre aux citoyens de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir.
  • Le projet de loi ne dresse pas une liste des troubles ou maladies qui seraient désormais admissibles. Il écarte également les troubles mentaux de l’élargissement prévu pour accéder à ce soin.
  • Québec propose également d’imposer aux maisons de soins palliatifs d’offrir l’aide médicale à mourir. Selon l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec, 25 des 35 maisons de soins palliatifs du Québec l’offrent déjà.
  • Le projet de loi 11 fait aussi tomber le critère de fin de vie imminente des conditions qu’une personne doit satisfaire pour obtenir l’aide médicale à mourir. Il permet aussi aux infirmières praticiennes spécialisées de l’administrer.