(Québec) Jennifer Maccarone est « inquiète » et se sent « bousculée » dans l’étude du projet de loi 11, qui revoit les critères d’accessibilité à l’aide médicale à mourir. Elle martèle que le gouvernement doit tenir un forum d’experts avant de statuer s’il permet aux personnes ayant un handicap neuromoteur, ou plutôt à tous ceux qui ont un handicap, de demander ce soin ultime, s’ils répondent aux autres critères prévus par la loi.

Dans un point de presse hautement émotif, jeudi, la députée libérale de Westmount–Saint-Louis a rappelé que des groupes (incluant l’Office des personnes handicapées et le Barreau du Québec) ont affirmé que de ne permettre qu’aux personnes ayant un handicap « neuromoteur » grave et incurable d’accéder à l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir était discriminatoire. Ce critère, prévu dans le projet de loi 11 de la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, est d’ailleurs en contradiction avec le Code criminel canadien, qui prévoit l’accès à ce soin pour toutes les formes de handicaps.

« Je suis inquiète. Je veux faire mon travail comme parlementaire comme il faut. [Je me sens] bousculée, très émotionnelle. C’est très, très, très sensible », a dit d’emblée Mme Maccarone, dont les deux enfants sont autistes.

Mme Maccarone s’inquiète que des personnes ayant un handicap qui n’est pas neuromoteur et qui sont aptes à consentir à des soins n’aient pas les mêmes droits que tous les autres citoyens du Québec, s’ils respectent les critères établis pour avoir accès à l’aide médicale à mourir.

« J’ai vraiment peur au moment où moi, je ne serai plus là pour mes enfants, puis ils feront face à une telle décision, puis il n’y aura pas un accompagnement comme il faut. Puis j’ai l’horreur de penser de voir mes enfants qui sont en train de souffrir, puis [qu’ils n’auront] pas accès à tous les mêmes droits puis à tous les mêmes soins que les autres citoyens », a-t-elle dit.

« Nous avons une responsabilité envers tous les citoyens et citoyennes du Québec de prendre le pouls de la population, d’entendre les experts. Ce n’est pas une question de vouloir retarder l’adoption de cette loi ou le travail de ce projet de loi. Ça va être important de continuer le débat, de continuer à entendre les groupes, les citoyens en commission parlementaire, mais il faut avoir plus d’information, il faut entendre des experts », a renchéri Mme Maccarone.

Bélanger ne ferme pas la porte

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sonia Bélanger

Dans une brève mêlée de presse jeudi à Québec, la ministre Sonia Bélanger s’est dite « surprise » de la sortie de la députée libérale, avec qui elle siège ces jours-ci aux audiences publiques du projet de loi 11.

« Dans les différents groupes qu’on a rencontrés, certains nous ont proposé de pouvoir prendre un peu de temps pour discuter davantage. Alors moi, je dis ce matin : continuons nos travaux. On est en pleines consultations particulières. On a plus de 36 groupes qui viennent nous rencontrer », a-t-elle dit.

Mme Bélanger a ensuite assuré qu’elle n’avait pas d’échéancier pour adopter le projet de loi et qu’elle souhaitait poursuivre le travail transpartisan qui guide les lois adoptées au Québec sur ce sujet bien précis.

Concernant le forum d’experts demandé par le Parti libéral et par d’autres groupes, la ministre caquiste a affirmé qu’elle « ne ferme pas la porte », mais qu’il est encore trop tôt pour statuer.

LE PROJET DE LOI 11 EN BREF

  • Le gouvernement propose d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladies graves et incurables, comme l’alzheimer, et aux personnes qui ont un handicap neuromoteur grave et incurable. Il propose aussi de permettre aux citoyens de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir.
  • Le projet de loi ne dresse pas une liste des troubles ou maladies qui seraient désormais admissibles. Il écarte également les troubles mentaux de l’élargissement prévu pour accéder à ce soin.
  • Québec propose également d’imposer aux maisons de soins palliatifs d’offrir l’aide médicale à mourir. Selon l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec, 25 des 35 maisons de soins palliatifs du Québec l’offrent déjà.
  • Le projet de loi 11 fait aussi tomber le critère de fin de vie imminente des conditions qu’une personne doit satisfaire pour obtenir l’aide médicale à mourir. Il permet aussi aux infirmières praticiennes spécialisées de l’administrer.