Le 18 août 2016, Marie-Claude Hébert a rédigé une lettre dans laquelle elle affirmait vouloir arrêter de lutter. Elle l’a déposée sur sa table de cuisine, à côté de son testament, a quitté son appartement de Plessisville et n’a plus jamais été revue, ni vivante ni morte. Depuis plus de cinq ans, sa famille vit dans l’inconnu.

« Il persiste toujours un doute à savoir elle est où ? Est-ce qu’elle souffre ? De l’imagination, j’en ai beaucoup. J’ai fait plusieurs scénarios dans ma tête », dit tristement sa mère, Louise Faucher.

Chaque année au Québec, des dizaines de personnes disparaissent sans que leur famille ne sache si leur corps a été retrouvé et ce qu’il est advenu de leur proche, souvent des années après la disparition, ou même jamais.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE DE LA SQ

Personnes disparues répertoriées sur le site de la SQ

Autant à la Sûreté du Québec (SQ) qu’au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), on espère maintenant pouvoir retrouver plus de disparus et donner davantage de réponses aux familles.

La SQ a doublé, depuis octobre, les effectifs de son Équipe intégrée de coordination des disparitions et des enlèvements (EICDE), alors que le SPVM est en train de créer une équipe similaire totalement nouvelle.

Ces ajouts de ressources policières sur les disparitions découlent d’une annonce faite il y a près de dix mois par l’ex-ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.

Dans la foulée des recommandations du Comité consultatif sur la réalité policière, Mme Guilbault avait annoncé que le gouvernement débloquait 10 millions sur cinq ans pour améliorer la coordination des recherches de personnes disparues ou enlevées.

C’est le ministère de la Sécurité publique qui assumera en grande partie le salaire de ces nouveaux effectifs.

L’équipe bonifiée de la SQ est opérationnelle depuis le début de décembre et a déjà été impliquée dans une centaine de dossiers, dont la disparition médiatisée d’Eduardo Malpica, survenue en novembre dernier à Trois-Rivières.

Celle du SPVM devrait être opérationnelle à compter d’avril. Elle sera autonome et comptera 12 enquêteurs, une coordonnatrice et un lieutenant-détective dispersés dans l’île de Montréal.

15 000 disparitions par année

Bon an, mal an, il y a environ 15 000 disparitions par année au Québec, réparties environ en trois parties égales entre celles survenues sur le territoire de la SQ, sur celui du SPVM et sur ceux des autres corps de police municipaux et autochtones.

La plupart des personnes disparues sont retrouvées dans les sept jours, mais certaines ne sont pas revenues après 60 jours. Passé ce délai, il est rare qu’on les retrouve, et les policiers considèrent qu’elles ne reviendront pas.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE DE LA SQ

Personnes disparues répertoriées sur le site de la SQ

Les équipes de la SQ et du SPVM travailleront souvent en partenariat, mais leur mandat sera différent.

Le SPVM enquêtera sur les disparitions survenues sur son territoire alors que la Sûreté du Québec coordonnera les enquêtes de disparition et assurera le suivi dans les différents postes de la SQ et des corps de police autochtones et municipaux de la province, sauf à Montréal, en plus d’uniformiser les façons de faire partout au Québec.

« On établit la ligne conductrice du dossier », résume le capitaine Alex Grenier, patron de l’Équipe intégrée en coordination de disparitions et d’enlèvements de la SQ.

« Ça veut dire qu’au jour 1 de la disparition, les premières étapes qu’un patrouilleur doit faire, ce seront les mêmes partout et nous, on va s’assurer que toutes les démarches policières sont faites et qu’il y a une prise en charge adéquate du dossier. »

« Nous avons un outil informatique qui nous permet de suivre quotidiennement tous les dossiers de disparition au Québec. Si, après sept jours, un dossier de disparition n’est toujours pas réglé, c’est automatique, un coordonnateur va appeler le policier au dossier. Dans un cas où il y a des enjeux, l’équipe embarque dès le début », explique Alex Grenier, selon qui cette coordination permettra d’éviter qu’un dossier se retrouve sur le bureau d’un enquêteur parti en congé ou tombe entre deux chaises.

Des dizaines de corps non identifiés

Selon la SQ, il y a environ de 30 à 40 cas de personnes disparues qui ne sont pas retrouvées après 60 jours chaque année au Québec.

Il y a actuellement une quarantaine de corps ou de restes humains non identifiés de personnes disparues – les plus anciens remontent à la fin des années 1980 – qui sont expertisés au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, donc autant de familles dans l’inconnu.

Maintenant qu’il existe des technologies avancées permettant d’identifier des corps, comme l’ADN et les analyses dans des banques de données généalogiques, l’un des objectifs importants pour les équipes de disparitions de la SQ et du SPVM est de trouver des « concordances » et d’identifier de plus en plus de ces corps orphelins, pour donner des réponses aux familles, même des années plus tard.

« On va faire un suivi auprès des familles. On va mettre beaucoup d’efforts pour obtenir l’ADN, les fiches dentaires, n’importe quoi pour être en mesure de répondre aux questions des familles pour qu’au moins, elles soient capables de faire un deuil alors qu’actuellement, dans bien des cas, elles sont dans l’inconnu », affirme Jean-Sébastien Caron, commandant des Crimes majeurs du SPVM et patron de la future Équipe disparition, recherche de famille et enlèvement (EDRE).

« C’est important pour les familles d’avoir des réponses. Il n’y a rien de pire que de ne pas savoir. Je peux me mettre dans la peau d’un parent qui attend le retour d’un proche et, finalement, il apprend que le corps est à la morgue depuis trois ans. On veut éliminer ces situations-là », renchérit le capitaine Grenier.

« C’est très important que les policiers mettent des efforts. C’est très rassurant de savoir qu’ils continuent de chercher. Si jamais, un jour, je reçois un appel me disant que Marie-Claude a été retrouvée et identifiée, je vais pleurer, c’est certain. Mais cela va nous aider à cheminer dans le deuil. En sachant qu’elle est vraiment décédée, cela enlèverait beaucoup de questions et amènerait une paix d’esprit », conclut Mme Faucher.

Les membres de l’équipe intégrée de la SQ ont également comme mandats d’enquêter sur les enlèvements parentaux extra-provinciaux et de statuer sur le déclenchement des alertes AMBER et Silver, cette nouvelle alerte étant destinée à retrouver les personnes disparues ayant un trouble neurocognitif majeur.

Les policiers de l’équipe du SPVM enquêteront également sur les enlèvements parentaux.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

En savoir plus
  • Des dizaines d’avis de disparition sur l’internet
    Il y a actuellement les fiches de 157 personnes disparues depuis plus de 60 jours sur le site du SPVM (la plus ancienne disparition remonte à 1954), 99 sur celui de la SQ (la plus ancienne date de 2003) et 315 fiches de personnes disparues et 46 fiches de corps ou de restes humains non identifiés, provenant uniquement du Québec, sur le site de Disparus-Canada, qui est géré par la GRC.
    sources : spvm, sq et Disparus-Canada
    De l’aide aux organismes
    Le ministère de la Sécurité publique a également donné de l’argent au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale pour l’ajout de deux postes et pour un contrat de services avec une odontologiste-médecin spécialiste de l’organe dentaire, des maxillaires et des tissus. Il verse également une somme de 100 000 $ par année, renouvelable pour trois ans, à l’organisme Enfants-Retour et à l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues, qui accompagnent les familles et font le lien avec les corps de police.
    source : Ministère de la Sécurité publique