(Ottawa) La Cour suprême du Canada a statué qu’une peine minimale obligatoire de quatre ans pour avoir tiré avec une arme à feu sur une maison est inconstitutionnelle, car elle pouvait équivaloir à une peine cruelle et inusitée.

Dans un jugement connexe vendredi, la Cour suprême a déclaré que deux autres peines minimales, toutes deux impliquant des infractions de vol à main armée, ne représentent pas une peine excessive et sont donc constitutionnelles.

La Cour suprême a également confirmé et développé le cadre permettant d’évaluer les contestations de la constitutionnalité d’une peine minimale obligatoire en vertu de la disposition de la Charte des droits et libertés contre les peines ou traitements cruels et inusités.

Le plus haut tribunal du pays s’est penché sur la cause de Jesse Dallas Hills, qui avait plaidé coupable à quatre chefs d’accusation découlant d’un incident survenu en mai 2014 à Lethbridge, en Alberta.

L’accusé avait brandi un bâton de baseball et tiré sur une voiture avec une carabine de chasse au gros gibier, brisé la vitre d’un véhicule inoccupé et tiré sur une maison où se trouvaient un couple et ses deux enfants.

M. Hills avait consommé de grandes quantités de médicaments sur ordonnance et d’alcool, et il a déclaré qu’il ne se souvenait pas des évènements.

Il a fait valoir que la peine minimale de quatre ans de prison en vigueur à l’époque pour avoir déchargé imprudemment une arme à feu en direction d’une maison ou d’un autre bâtiment était exagérément disproportionnée et constituait donc une peine cruelle et inusitée, en vertu de la Charte des droits.

Le juge chargé de la détermination de la peine en première instance s’était rangé à cet avis et il avait condamné M. Hills à trois ans et demi d’emprisonnement.

Mais la Cour d’appel de l’Alberta avait infirmé l’invalidité constitutionnelle de la peine de quatre ans de prison et elle a rétabli cette peine.

En accueillant l’appel de M. Hills, la Cour suprême a convenu que cette peine minimale obligatoire de quatre ans était exagérément disproportionnée. Le plus haut tribunal rappelle qu’une jeune personne pourrait très bien décharger un fusil de paintball, par exemple, en direction d’une maison dans le cadre d’un jeu, pour passer le temps ou pour faire un mauvais coup.

« La peine minimale obligatoire ne peut être justifiée uniquement par la dissuasion et la dénonciation, et la peine montre un mépris total pour les normes de détermination de la peine », a écrit la juge Sheilah Martin au nom de la majorité du tribunal.

« La peine d’emprisonnement obligatoire aurait des effets délétères importants sur un jeune contrevenant et cela choquerait la conscience des Canadiens d’apprendre qu’un contrevenant peut être condamné à quatre ans d’emprisonnement pour avoir tiré avec un pistolet de paintball sur une maison. »

Quoi qu’il en soit, le gouvernement libéral avait déjà abrogé cette peine minimale obligatoire particulière, entre autres, après l’audition de la cause en Cour d’appel de l’Alberta.

Application en deux étapes

Dans un jugement connexe portant sur deux autres affaires albertaines, la Cour suprême a déclaré que les peines minimales obligatoires pour deux infractions de vol à main armée ne constituaient pas une peine cruelle et inusitée.

La première infraction, le vol qualifié commis avec une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée, est passible d’une peine minimale obligatoire de cinq ans d’emprisonnement.

La seconde infraction porte sur un vol qualifié avec une arme à feu ordinaire, ce qui était passible d’une peine minimale obligatoire de quatre ans au moment de l’audition de l’appel, mais cette peine minimale a depuis été abrogée.

Une majorité de la Cour suprême a déclaré que le Parlement avait le droit d’édicter des peines minimales obligatoires qui signalent qu’il est tout simplement inacceptable de ne pas tenir compte de la vie et de la sécurité d’autrui dans le maniement des armes à feu.

Il existe également un besoin de dissuasion générale lorsqu’une personne met en danger la sécurité d’autrui en brandissant une arme à feu, a ajouté le tribunal.

Le cadre applicable aux contestations des peines minimales obligatoires en vertu de l’interdiction de la Charte contre les traitements cruels nécessite une enquête en deux étapes, a déclaré le plus haut tribunal du pays.

Premièrement, un tribunal doit déterminer une peine appropriée et proportionnée pour l’infraction en respectant les objectifs et les principes de détermination de la peine du Code criminel.

Le tribunal doit alors se demander si la disposition en question l’oblige à imposer une peine qui est manifestement disproportionnée par rapport à la peine adéquate et proportionnée, a déclaré la Cour suprême.

Cet exercice consiste à examiner la portée et l’étendue de l’infraction, les effets de la peine sur le contrevenant, ainsi que la peine et ses objectifs.

La juge Sheilah Martin a indiqué que l’évaluation en deux parties peut se concentrer soit sur le véritable contrevenant devant le tribunal, soit sur une autre personne dans un cas « raisonnablement prévisible », par exemple un jeune tirant avec un pistolet à air comprimé ou un fusil de paintball sur une maison.

« Un scénario hypothétique raisonnable doit être construit avec soin », a-t-elle averti.

Mais Mme Martin a déclaré que le désir exprimé par certains membres de la Cour d’appel de l’Alberta d’exclure l’utilisation de scénarios raisonnablement prévisibles du cadre de la cour est « complètement contraire à la fois à la jurisprudence et au principe ».