Dans un geste plutôt inusité, le juge Jean-Jacques Gagné, de la Cour du Québec, a suggéré à la Couronne d’adopter une motion de non-lieu pour Tommy Rioux, l’un des quatre Farfadaas accusés de méfait et de complot pour le blocage du pont-tunnel Louis-Hippolyte La-Fontaine, en mars 2021.

Les trois autres accusés, Mario Roy, Steeve Charland et Karol Tardif, demeurent quant à eux accusés et devront présenter leur plaidoirie dès jeudi après-midi.

La suggestion du juge d’adopter une motion de non-lieu, qui n’a pas été contestée par le procureur de la Couronne Martin Bourgeois, est survenue alors que M. Rioux s’est présenté à la barre pour témoigner, au quatrième jour du procès.

Bien qu’il ait admis qu’il se trouvait dans le tunnel au moment du blocage, aucun des témoignages présentés depuis le début de l’instance n’indiquait que M. Rioux a été mêlé de quelque façon que ce soit à l’organisation du coup d’éclat, ni même qu’il savait que l’évènement allait se produire.

Les quatre coaccusés dans cette affaire se représentent eux-mêmes, sans avocat. Cette situation force le juge à les accompagner dans le processus judiciaire, sans toutefois les représenter, un rôle d’équilibriste délicat l’obligeant à intervenir régulièrement pour s’assurer de la légalité du processus.

« À ce stade, si M. Rioux était représenté par un avocat, celui-ci aurait présenté une requête de non-lieu », a souligné le juge. « Sur le chef d’accusation de complot, quant à moi, il y a absence totale de preuve, et sur le chef de méfait, il y a un élément manquant », a-t-il ajouté, sans spécifier quel élément.

Je suis super reconnaissant à l’égard du juge pour son côté pédagogue. Je ne me suis jamais senti [devant la Cour] comme une personne étiquetée comme un complotiste. Moi, je suis un humaniste, un hippie, je vis dans mon camion.

Tommy Rioux, à sa sortie de la salle d’audience

La Couronne a fini de contre-interroger Mario Roy en matinée, s’attardant aux motivations qui l’ont poussé à organiser le coup d’éclat dans le tunnel plutôt qu’ailleurs. « Manifester ne sert pas à grand-chose au Québec. On ne nous écoute pas », a-t-il affirmé.

« Mais pourquoi choisir un tunnel, à la noirceur, sous-terrain, sans banderole, sans pancarte si vous vouliez de la visibilité ?, lui a demandé le juge Gagné. Répondez à ça. Pensez-y ». M. Roy a alors expliqué qu’un ex-militaire qu’il connaît lui a déjà dit qu’il fallait aller « dans la veine » de la métropole pour avoir un impact.

Steeve Charland, qui se décrit comme le porte-parole des Farfadaas, et Karol Tardif, ont tous deux expliqué que l’évènement du tunnel visait à dénoncer la brutalité policière et se voulait pacifique. « La brutalité policière, à ce moment-là, était de pire en pire », a justifié Mme Tardif. « Si je vais [manifester] dans un champ de blé d’Inde, je n’aurai pas d’impact. »

« Où doit-on aller pour se faire entendre ? », a pour sa part demandé Steeve Charland.

« Ça a duré trois minutes. Avec toutes les fois où on voit le tunnel bloqué, je ne m’attendais pas à avoir une conséquence si grave », a-t-il ajouté.

« C’est clair que le but de l’opération, c’était de faire un coup d’éclat. C’est dans ce sens que j’y ai participé. Je ne pensais pas que ça irait si loin ».