Après deux jours à tenter de démontrer que les deux blocages du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine par les Farfadaas étaient des manifestations pour dénoncer la brutalité policière, le coaccusé Mario Roy a lui-même mis à mal cette trame narrative, mercredi. Des documents qu’il a déposés en preuve montrent qu’il considérait un de ces blocus comme un « avertissement » destiné aux policiers, par lequel il réclamait entre autres l’arrestation du premier ministre François Legault et du DHoracio Arruda.

M. Roy a comparu à la barre des témoins au troisième jour du procès des quatre membres des Farfadaas accusés de méfait et de complot pour le blocage du tunnel le 13 mars 2021. Les trois autres accusés, Steeve Charland, Karol Tardif et Tommy Rioux, ne sont pas intervenus pendant son témoignage.

L’homme de 51 ans, qui a admis être l’organisateur du blocage du 13 mars, avait aussi organisé un blocage semblable, en décembre 2020, pour dénoncer la brutalité policière qui s’est produite, selon ses dires, lors d’une manifestation anti-mesures sanitaires qui s’était déroulée au centre-ville de Montréal quelques minutes plus tôt.

M. Roy a déposé en preuve un échange de textos qu’il dit avoir eu avec Jason Gauthier, enquêteur du Service de renseignement de la Sûreté du Québec (SQ), avant et après l’évènement. Il lui signalait qu’il avait été informé que les manifestants auraient plus de « 100 bonbonnes de poivre de Cayenne pour ours » pendant la manifestation au centre-ville pour se protéger des policiers, et qu’il était probable « qu’un pont ou tunnel [serait] bloqué si le SPVM [venait] gosser » les participants.

Après que la manifestation s’est conclue par plusieurs arrestations menées par la police antiémeute, M. Roy a décidé de bloquer le tunnel avec une poignée de complices. « Ne partez pas de guerre civile […]. On veut juste que les criminels comme François Legault soient mis en prison », demandait Mario Roy aux policiers, dans une vidéo qu’il a diffusée en direct sur Facebook pendant le blocage afin de les « saisir momentanément ».

« Le tunnel a été bloqué 4 minutes comme avertissement », a-t-il plus tard écrit à l’enquêteur du Service de renseignement de la SQ. « En agissant de la sorte, les policiers vont provoquer une guerre civile au lieu d’arrêter les corrompus qui ont infiltré le système judiciaire », ajoutait M. Roy plus tard dans cet échange.

Ces documents ont fait l’objet de plusieurs questions en contre-interrogatoire. « Avez-vous demandé l’arrestation du premier ministre et du DArruda lors de l’évènement du pont-tunnel ? », lui a demandé le juge Jean-Jacques Gagné, lors du contre-interrogatoire.

« Tout à fait », a répondu M. Roy. « La Sûreté du Québec savait que j’étais pacifique », a-t-il insisté.

Contre-interrogatoire

Cette affirmation a ouvert la porte à une série de questions du procureur de la Couronne, MMartin Bourgeois, au sujet des antécédents criminels de M. Roy, qui a notamment été reconnu coupable d’agression armée, de voie de fait, de menaces, d’entrave à un agent de la paix, de non-respect de condition, de tentative de fraude et de fabrication de faux documents entre 1992 et 2019. M. Roy a affirmé qu’il avait été condamné « injustement » dans toutes ces causes.

Selon lui, les accusations « ciblées uniquement contre les membres du noyau » des Farfadaas pour le blocage du tunnel sont « une shot politique ». Lui-même a été accusé parce qu’il était considéré comme une « menace potentielle » par le gouvernement après qu’il eut tenté de faire arrêter Horacio Arruda. « Il y avait une passe politique à mon égard », a-t-il affirmé.

Dans une explication échevelée, M. Roy a aussi tenté de démontrer que, le 13 mars 2021, une personne lui a fait des menaces de mort et qu’un homme armé d’un marteau qui a interrompu le blocage du tunnel en frappant sur les voitures de tête avait « un mandat » contre lui. Il a voulu déposer en preuve un article de La Presse faisant état d’une prétendue tentative de meurtre dont il dit avoir été victime dans le stationnement d’un restaurant en 2020. « Vous me perdez », lui a rétorqué le juge, lui rappelant à quelques reprises de se concentrer sur les actes d’accusation en litige.

M. Roy a eu, depuis 2010, une quarantaine de procès devant les tribunaux québécois, dans lesquels il se présente pratiquement toujours sans avocat.

Très pédagogue, le magistrat a commencé à montrer des signes d’impatience à son égard, lui rappelant à de nombreuses reprises qu’à ce stade du procès, il était à la barre pour témoigner, et non pas pour plaider sa cause. « Je ne parle pas beaucoup par rapport à vous, monsieur Roy. Quand je parle, j’aimerais que vous m’écoutiez », lui a-t-il demandé.

« Vous êtes le juge qui m’a apporté la meilleure assistance à ce jour », l’a alors félicité M. Roy.

Le contre-interrogatoire de M. Roy se poursuit jeudi.

Rectificatif : Une version précédente de ce texte laissait croire que Mario Roy demandait l’arrestation du premier ministre François Legault et du DHoracio Arruda pour éviter une guerre civile. C’est plutôt le comportement des policiers qui aurait pu, selon ses dires, provoquer une guerre civile.