Si les Farfadaas ont bloqué le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La-Fontaine deux fois plutôt qu’une pendant la pandémie, c’est parce que les leurs ont été « battus », « attaqués royalement », « matraqués au hasard » et « gazés » par les policiers lorsqu’ils manifestaient pacifiquement contre les mesures sanitaires au centre-ville de Montréal.

C’est la « pierre angulaire » de la défense des quatre membres et ex-membres du groupe d’opposition aux mesures sanitaires, accusés de méfait et complot, pour les évènements qui se sont déroulés en mars 2021.

Steeve Charland, Mario Roy, Karol Tardif et Tommy Rioux, qui se représentent sans avocat, ont tous admis avoir participé au blocage du pont-tunnel, en immobilisant plusieurs véhicules sur trois voies de large pendant environ cinq minutes après une manifestation au centre-ville. M. Roy avait aussi bloqué l’infrastructure une première fois le 20 décembre 2020, de la même manière, et pour les mêmes raisons.

M. Roy, qui avait initialement annoncé qu’il ferait témoigner une cinquantaine de personnes pour sa défense, a fait défiler trois membres et ex-membres des Farfadaas à la barre, tous venus expliquer comment leurs participations à des manifestations anti-mesures sanitaires se sont terminées en queue de poisson lorsque les policiers de l’antiémeute sont intervenus.

C’est en réaction à cette brutalité policière alléguée que les Farfadaas ont décidé de bloquer le tunnel après leur manifestation au centre-ville. La décision « spontanée » a impliqué un cercle très restreint de personnes, a affirmé la conjointe de M. Roy, Nadia Leblanc-Bertin, appelée à la barre comme témoin. Cette dernière a aussi affirmé que le jour du blocage, les véhicules à bord desquels prenaient place les Farfadaas se sont immobilisés uniquement parce qu’un homme armé d’un marteau s’est attaqué à eux en frappant sur leurs véhicules. Elle s’est ravisée par la suite, après que la Couronne lui a montré des images vidéo montrant clairement que les Farfadaas ont d’abord bloqué la circulation, et que l’homme au marteau est intervenu après.

Christiane Breard, connue sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme Katou Katou, a quant à elle décrit l’évènement dans le tunnel comme un « genre de manifestation ». Il n’y a jamais eu d’invitation lancée aux autres personnes pour participer au blocus, et personne n’a informé, ni même demandé, à Mme Breard si elle voulait y participer. « J’ai compris que c’était ça rendue dans le tunnel », a-t-elle témoigné.

L’artisan Richard Lajoie, un ancien Farfadaa surnommé Pappy, qui était responsable de la confection des articles promotionnels vendus par le groupe militant tout au long de la pandémie, est quant à lui venu dire qu’il a été « attaqué royalement », menotté et « battu » par les policiers lors de la manifestation de décembre 2020.

À plusieurs reprises, le juge Jean-Jacques Gagné a questionné la pertinence des questions posées par M. Roy aux témoins, ainsi que celle des preuves vidéo qu’il a cherché à présenter. « Je comprends qu’il y a eu un message qui a voulu être passé [par le blocage du tunnel] », a dit le juge.

« Je n’ai pas à décider s’il y a eu de la brutalité policière […] je n’ai pas à décider du bien-fondé de vos prétentions. On n’ira pas là », a-t-il toutefois insisté, soulignant aux accusés qu’ils doivent se défendre d’un chef d’accusation de méfait, et qu’ils ne sont pas devant lui pour faire le procès du travail des policiers.

« M. Roy, restez focus sur les éléments en litige, et ça va bien aller », a dit le magistrat.

Luttes fratricides

Les luttes fratricides au sein des Farfadaas ont paru encore plus évidentes à ce deuxième jour du procès.

En début d’après-midi, un des coaccusés, Tommy Rioux, a demandé au juge l’expulsion de la salle d’audience d’un ancien Farfadaa influent qui était venu assister au procès, en évoquant des raisons personnelles.

En guerre ouverte contre le leader du groupe Steeve Charland sur les réseaux sociaux, Richard Lajoie s’est quant à lui présenté à la barre des témoins avec un chandail portant l’inscription « On veut voir les livres ». M. Lajoie affirme depuis l’automne que les Farfadaas ont caché des centaines de dollars de dons récoltés par ses membres à Gatineau, pendant le blocus des camionneurs au début 2022. « On demande à Sa Seigneurie Steeve Charland de rendre publics les livres comptables de l’organisation », s’est expliqué M. Lajoie pendant la pause.

Deux anciens membres des Farfadaas, André Desfossés et Patrick Dupuis, ont déjà plaidé coupables à des accusations diminuées de méfait pour cet évènement. Dans les couloirs du palais de justice, M. Roy a traité André Desfossés de « traitre » et de « pas-de-couilles » parce qu’il n’est pas allé au « bout de ses revendications » en décidant de plaider coupable.

Le procès se poursuit ce mercredi.