Sur fond de tensions internes, un des cinq membres du groupe militant les Farfadaas, qui sont poursuivis pour méfait et complot pour avoir bloqué le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine en mars 2021, a plaidé coupable lundi matin à des accusations diminuées. Les quatre autres coaccusés, qui ont admis avoir participé au blocage du lien, tentent d’obtenir un verdict de non-culpabilité en se représentant sans avocat.

André Desfossés, qui a publiquement pris ses distances des Farfadaas et qui est en conflit ouvert sur les réseaux sociaux avec leur leader, Steeve Charland, a plaidé coupable à l’accusation de méfait dès l’ouverture du procès. « Je veux juste passer à autre chose », a déclaré l’homme de 59 ans. Le chef d’accusation de complot qui pesait contre lui a été abandonné sous conditions.

Dans les couloirs du palais de justice, le coaccusé Mario Roy a reproché à M. Desfossés de s’être « écartillé » face à la justice. « Non seulement, pour moi, c’est un traître, mais c’est aussi un pas-de-couilles », a-t-il dit.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE VIDÉO

André Desfossés

« Quand on attend un procès parce qu’on a des revendications à faire, il faut aller jusqu’au bout de nos revendications », a lâché Mario Roy.

Depuis l’automne, des membres influents du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires ont quitté ses rangs, en dénonçant le contrôle qu’exerce le « noyau », un conseil restreint de 12 personnes qui prend les décisions concernant les finances et les activités des Farfadaas.

Aucun des accusés (Steeve Charland, Karol Tardif, Mario Roy, Tommy Rioux et André Desfossés) ne portait sa veste de cuir des Farfadaas portant un logo « fuck Legault » en cour – symbole fièrement affiché par les membres tout au long de la crise sanitaire et même par les coaccusés pendant leurs premières comparutions.

M. Roy et les trois autres coaccusés, Steeve Charland, Karol Tardif et Tommy Rioux, ont choisi de se représenter sans avocat. Ils ont admis devant le juge qu’ils étaient bien les personnes qu’on voit, dans différentes vidéos déposées en preuve, bloquer le tunnel avec leurs véhicules pendant près de cinq minutes, le 13 mars 2021. Mario Roy a aussi admis qu’il avait déjà bloqué le tunnel une première fois, en décembre 2020, de la même manière, avec d’autres manifestants.

Certaines des vidéos, filmées par les coaccusés eux-mêmes, ont été téléchargées par les policiers à partir de comptes Facebook et Twitter de L’Observatoire des délires conspirationnistes et C’est normal au Québec, deux groupes satiriques qui se moquent quotidiennement des opposants aux mesures sanitaires. « Ces pages-là sont uniquement destructrices. Les deux bras me sont tombés quand j’ai su que les policiers ont pris les vidéos là », a déploré Karol Tardif, conjointe de Steeve Charland.

« Est-ce exact que ce sont des sites de la gauche radicale ? », a demandé Mario Roy au sergent-détective Adam Hogue, de la Sûreté du Québec, lors de son contre-interrogatoire.

« C’est peu pertinent qu’ils soient de droite ou de gauche », est alors intervenu le juge Gagné. « Ces sites-là, ce n’est pas leur crédibilité qui est en jeu. Je veux que ce soit clair. »

Patient et pédagogue, le magistrat est intervenu à de nombreuses reprises pour aider les coaccusés à mieux cadrer leurs questions lors des contre-interrogatoires des policiers venus présenter la preuve vidéo.

« Je suis souple et je vais continuer à l’être », a-t-il promis.

« Je voulais juste sortir de là. »

Mario Roy, qui a annoncé qu’il fera témoigner trois personnes mardi, affirme dans une des vidéos que le blocage du tunnel a été fait « en hommage aux victimes de la brutalité policière d’aujourd’hui ». Il entend plaider que le blocage du tunnel était parfaitement légal, puisqu’il s’est déroulé dans le cadre d’une manifestation.

Vanessa Morency-Lafortune, une utilisatrice du pont-tunnel qui revenait d’une visite chez ses parents, est venue témoigner de l’incident, lors duquel elle s’est trouvée coincée tout juste derrière les véhicules qui ont bloqué les voies : « J’avais peur. On ne savait pas ce qui se passait. On était coincés dans le tunnel, avec aucune porte de sortie. On ne savait pas si les gars en avant de nous étaient armés. C’est sûr que j’ai eu peur », a-t-elle témoigné. « Je voulais juste sortir de là. »

Le blocage du lien routier a subitement pris fin lorsqu’un homme armé d’un marteau, vraisemblablement frustré d’être coincé à l’arrière du convoi, est arrivé en trombe à pied et s’est mis à frapper sur les phares des véhicules qui bloquaient la voie. Les coaccusés ont souligné que cet individu n’a jamais été accusé de quoi que ce soit à la suite de l’incident. « J’ai offert l’opportunité à tous les accusés de porter plainte [contre l’homme au marteau], mais aucun n’a voulu le faire », a témoigné le sergent-détective Hogue.

Le procès se poursuit ce mardi. MMartin Bourgeois est l’avocat de la Couronne.