« C’est une tragédie ! », laisse tomber le prêtre qui célébrera les funérailles de la petite Mariia Legenkovska, 7 ans. Mariia, c’est cette fillette qui se rendait à l’école en marchant comme tant d’autres élèves de la province. Mais sa vie a été fauchée, mardi, par un automobiliste qui l’a percutée et qui ne s’est jamais arrêté après la collision.

Volodymyr Kouchnir, le prêtre de la cathédrale orthodoxe ukrainienne de Sainte-Sophie, a reçu un appel dans les heures qui ont suivi le délit de fuite. C’était Galyna Legenkovska, la mère de Mariia, qui voulait organiser les funérailles et l’enterrement de sa fille, ici, à Montréal.

PHOTO FOURNIE PAR VOLODYMYR KOUCHNIR

Volodymyr Kouchnir, prêtre de la cathédrale orthodoxe ukrainienne de Sainte-Sophie

M. Kouchnir n’avait rencontré la mère et ses trois enfants qu’une seule fois avant cet appel, lors d’une messe dominicale. C’est que la famille a fui la guerre en Ukraine, cet automne. Le père, comme tous les hommes ukrainiens, a dû y rester pour défendre son pays contre l’invasion russe.

« Ils ont assisté à la messe un dimanche, les quatre ensemble, mais ce n’était pas facile pour eux de venir régulièrement parce que la mère a un travail », explique au téléphone le prêtre de l’église située rue de Bellechasse, près du boulevard Saint-Michel. Depuis son arrivée à Montréal, Galyna travaille comme femme de ménage dans un hôtel, précise-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Mariia Legenkovska

La mère et ses deux autres enfants, un garçon et une fille, sont bouleversés, explique M. Kouchnir. Ils viennent de débarquer dans un nouveau pays et ils parlent à peine le français et l’anglais. En plus, la sœur et le frère ont assisté à la collision, complètement impuissants.

C’est horrible ! C’est inimaginable ! C’est très difficile pour cette mère de famille et pour le père qui est loin.

Volodymyr Kouchnir, prêtre de la cathédrale orthodoxe ukrainienne de Sainte-Sophie

La famille s’est d’ailleurs recueillie avec le prêtre, mercredi. « Ils ont fui la guerre pour trouver un endroit sécuritaire. C’est terrible, ce qui leur arrive », poursuit M. Kouchnir, visiblement ébranlé.

L’automobiliste accusé

Dans l’après-midi de mardi, le conducteur qui aurait heurté Mariia s’est rendu dans un poste de police de la Rive-Sud de Montréal. Mercredi, Juan Manuel Becerra Garcia, un homme de 45 ans, a finalement été accusé de délit de fuite mortel au palais de justice de Montréal, où il a eu recours aux services d’un interprète en espagnol.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Policiers dépêchés mardi à l’intersection des rues Parthenais et de Rouen

La Couronne, représentée par MAlexandre Gautier, s’est opposée à sa remise en liberté.

« C’est quelqu’un qui n’a pas d’antécédents criminels. Il a pleinement collaboré avec les policiers », a pour sa part expliqué l’avocat de l’accusé, Me Éric Coulombe.

« Nous souhaitons offrir toutes nos sympathies à la famille [de la victime]. C’est sûrement un évènement troublant, nous allons travailler avec elle pour la suite des choses », a ajouté la Couronne.

« C’est très difficile pour eux »

Le Congrès des Ukrainiens Canadiens (CUC) a aussi offert son soutien aux Legenkovska dès que l’identité de la victime a été connue, mardi en soirée. « Cette famille s’est dit que l’Ukraine n’était plus un lieu sûr pour une mère et trois enfants. Le Canada leur a ouvert ses portes. Et pendant ce temps, le père, il est sur le champ de bataille et il défend le pays », note Michael Shwec, président de la section québécoise du CUC.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES LA PRESSE

Rassemblement à la mémoire de la petite Mariia Legenkovska, mardi soir, au parc des Royaux, près du lieu du drame

« Les enfants ont commencé à fréquenter l’école de leur quartier. La mère s’est trouvé un emploi parce qu’elle voulait être active pour la société et être maître de sa vie », explique-t-il.

« Et là, elle reçoit cette nouvelle juste avant Noël. Sa fille est décédée et celui qui l’a frappée ne s’est même pas arrêté. C’est très difficile pour eux », poursuit-il.

Si tu frappes quelqu’un, arrête ta voiture, voyons !

Michael Shwec, président de la section québécoise du Congrès des Ukrainiens Canadiens

Michael Shwec doute que le père de Mariia puisse quitter l’Ukraine pour assister aux funérailles. Malgré tout, la famille a décidé d’enterrer la fillette ici, au Québec. « Leur but, c’est que le père puisse les rejoindre, un jour. Mais la petite ne sera plus là quand ce moment va arriver. »

Campagnes de sociofinancement

Des collègues de Galyna Legenkovska ont quant à eux lancé une campagne de sociofinancement, mercredi, pour soutenir la famille et l’aider à payer les frais funéraires, notamment.

Viviane Charron raconte qu’elle a été choquée quand elle a vu l’histoire du délit de fuite aux nouvelles. « Et quand on a su que ça touchait une membre de notre équipe, ç’a juste été naturel de l’aider », dit-elle.

« De fuir la guerre, de se ramasser ici avec les enfants, et de vivre cette tragédie, c’est impossible de rester insensible », ajoute-t-elle, précisant que Galyna est une employée appréciée de ses collègues.

Mercredi, le Collectif citoyen pour l’apaisement de Sainte-Marie, qui milite pour une circulation automobile moins dense dans le quartier où Mariia est morte, a également lancé une campagne de sociofinancement. Dans les deux cas, les dons sont amassés via le site GoFundMe.

Une marche aura également lieu, vendredi à 7 h 45, entre le parc des Royaux et l’école Jean-Baptiste-Meilleur où Mariia faisait partie d’une classe d’intégration comme sa sœur et son frère aînés.

« Marcher à l’école, ça ne devrait pas être une fatalité ! », soulignent les organisateurs de cette initiative.