Le sort de l’ex-député Harold LeBel est désormais entre les mains du jury, qui a été isolé lundi en fin de journée pour décider si l’homme de 60 ans est coupable d’agression sexuelle.

Les 12 jurés – 9 femmes et 3 hommes – auraient dû recevoir les instructions du juge dès lundi matin. Le procès a plutôt pris un tour inattendu au palais de justice de Rimouski. La plaignante a été rappelée à la barre in extremis à cause de nouvelles informations.

L’avocat de la défense a appris mercredi soir que la jeune femme participe à un documentaire de Québecor dans lequel elle entend révéler son identité. Selon MMaxime Roy, cela méritait d’être présenté aux membres du jury.

« Mercredi, je vous ai fait part que vous n’entendriez pas d’autre preuve. Cependant, je viens de rendre une décision par laquelle j’autorise les partis à procéder à la réouverture de l’instruction du procès », a indiqué lundi matin le juge Serge Francœur dans une décision rarissime.

La plaignante, qu’une ordonnance de la cour interdit d’identifier, a donc été soumise à de nouvelles questions de l’avocat d’Harold LeBel. MRoy estime que ces nouvelles informations entachent la sincérité de la plaignante.

Sortir de l'ombre

« Vous êtes consciente que durant le procès, plusieurs efforts ont été faits pour protéger votre identité ? », lui a demandé MRoy.

« Moi je n’ai rien fait de mal. J’ai été agressée sexuellement. La personne qui a des choses à se reprocher, c’est Harold LeBel. Je n’ai pas à porter ça sur mes épaules. Je n’ai pas à être celle qu’on voit devant les kodaks durant le procès. Ce n’est pas mon procès à moi », a répliqué la plaignante.

L’avocat d’Harold LeBel a cherché à comprendre pourquoi elle n’avait pas révélé sa participation à cette enquête journalistique aux membres du jury ou encore aux enquêteurs.

Elle a tout à fait le droit de participer à un documentaire. Mais pourquoi ne pas vous l’avoir dit ?

Me Maxime Roy, avocat de M. LeBel, s'adressant aux membres du jury

La jeune femme a indiqué qu’elle ne voyait pas la pertinence de le faire. Elle a expliqué que cela faisait partie de son cheminement, et qu’après avoir cherché à tout prix à protéger son identité du public, elle se sentait maintenant prête à la dévoiler.

« Je veux transformer ces évènements traumatisants en quelque chose de positif, peut-être même pour la société en expliquant le processus judiciaire », a-t-elle dit.

Elle a par ailleurs mentionné que son identité avait filtré en décembre 2020 lors de l’arrestation de M. LeBel, puisque certains journalistes avaient donné des indices et qu’un commentateur l’avait même nommée en ondes.

Elle ne serait pas la première plaignante dans une cause d’agression sexuelle à dévoiler son identité à l’issue du procès. Récemment, la documentariste Léa Clermont-Dion avait choisi de garder l’anonymat tout le long du procès pour agression sexuelle de l’ex-journaliste Michel Venne. Elle était sortie de l'ombre après le verdict.

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La procureure de la Couronne a fait valoir au jury que la participation de la plaignante à un documentaire avait peu à voir avec le cœur de l’affaire.

Selon elle, la jeune femme n’a pas tenté de cacher l’affaire, elle n’a tout simplement pas été questionnée à ce sujet.

« Le sujet n’a pas été abordé d’aucune façon. Pourquoi ? Est-ce que c’est parce que ce n’est pas pertinent avec la culpabilité ou l’innocence de l’accusé ? », demande MManon Gaudreault.

Le jury passe de 14 à 12 membres

Le juge Francœur a donné ses directives au jury en après-midi. Il a rappelé les principes de la présomption d’innocence et fait un survol de la preuve.

Le magistrat avait d’abord sélectionné 14 jurés, pour prévenir un ajournement à cause d’infections à la COVID-19 par exemple. Mais aucun des jurés n’a été malade durant les deux semaines du procès. Lundi, un tirage au sort a éliminé deux d’entre eux, ramenant leur total à 12.

Harold LeBel est accusé d’agression sexuelle. La plaignante l’accuse d’avoir tenté de l’embrasser un soir d’octobre 2017, d’avoir dégrafé son soutien-gorge puis de l’avoir touchée alors qu’elle était allongée pétrifiée dans un lit de l’appartement rimouskois de l’ex-député du Parti québécois.

L’ancien politicien a plutôt décrit un baiser consensuel et affirme que rien de plus ne s’est produit.

Les jurés devront apprécier les témoignages des deux principaux intéressés, mais aussi des messages envoyés par M. LeBel à la plaignante et présentés en preuve.

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