Les accidents de travail causés par des clients agressifs envers les employés de la Société de transport de Montréal (STM) augmentent depuis la fin de la pandémie, montrent les données obtenues auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Au moins 60 lésions attribuables à de la violence causée par un client ont été reconnues par la CNESST pour l’année 2022, soit davantage qu’au cours des deux années précédentes. C’est presque autant qu’en 2019 (64), alors que l’achalandage de 2022 n’était qu’à 70 % du niveau prépandémique.

Les données de 2023 ne sont pas encore disponibles, la CNESST les diffusera pour l’ensemble des travailleurs québécois le 28 avril.

La STM, de son côté, a déjà admis que les agressions contre ses employés avaient augmenté de 2022 à 2023, de 6 %. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg, puisque seules les agressions reconnues par le Code criminel, comme les voies de fait, les menaces et le harcèlement, sont incluses dans ses données.

Les violences infligées par la clientèle ont fait bondir les réclamations d’employés à la CNESST, montrent les données fournies par la STM cette semaine.

Sur les 348 agressions déclarées à la STM en 2023, 160 ont fait l’objet d’une réclamation à la CNESST. Elles ne seront évidemment pas toutes acceptées par la Commission, mais elles représentent une hausse de 45 % par rapport à 2019 (110 demandes d’indemnisation).

Les données de la CNESST, elles, reflètent seulement les cas acceptés comme accidents de travail par la Commission. Il faut que la lésion (blessure ou maladie) ait été diagnostiquée par un des professionnels de la santé reconnus (médecin, infirmière praticienne spécialisée, dentiste, optométriste, pharmacien) et qu’un client en soit la cause principale.

Depuis cinq ans, 279 accidents de travail ont été attribués aux violences de la clientèle à la STM. Dans 92 % des cas (258), c’est de la violence psychologique, et non physique qui était en cause. La violence psychologique inclut notamment les cris, insultes et menaces, l’intimidation et la simulation de gestes de violence.

Avec plus de 237 millions de déplacements enregistrés en 2022, la STM est, de loin, le plus gros service de transport en commun urbain au Québec. C’est aussi elle qui enregistre le plus d’accidents de travail dus à la violence de la clientèle (83 % en cinq ans). Les sociétés de transport de l’Outaouais, de Laval et de Longueuil suivent loin derrière, avec moins de 20 accidents de travail chacune.

Campagne de sensibilisation lancée

Les trois quarts des agressions recensées par la STM contre ses employés concernent des chauffeurs d’autobus et des constables spéciaux, avait révélé la société de transport le mois dernier.

Les cas indemnisés par la CNESST représentent seulement une partie des problèmes imputables à la violence des clients, souligne le syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro, agents de station et chauffeurs du transport adapté (section locale 1983 SCFP-FTQ).

À peu près autant [de membres] sont rendus du côté de l’assurance collective » pour « épuisement professionnel à force d’être bousculés verbalement par la clientèle.

Le syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro, agents de station et chauffeurs du transport adapté (section locale 1983 SCFP-FTQ)

La STM a lancé une campagne de sensibilisation lundi, pour inciter la clientèle à respecter ses employés. « Léna aime aider les gens, pas les propos méprisants », indique l’une des affiches montrant une constable.

IMAGE FOURNIE PAR LA STM

Une affiche de la campagne de sensibilisation lancée le 16 avril par la Société de transport de Montréal (STM).

La société de transport n’est pas en mesure de détailler l’impact financier des accidents de travail causés par les violences de la clientèle, mais « au-delà des coûts, on a des employés qui ne peuvent pas travailler », a rappelé une porte-parole de la STM, Isabelle Tremblay, en entrevue téléphonique. « S’il y a moins d’agressions, il y a moins d’absentéisme, ça aide. »

La campagne de sensibilisation a été créée en réponse à une recommandation du comité paritaire syndicat-employeur.

Elle « pourrait avoir un impact » sur l’absentéisme « dans un an ou deux », espère le syndicat des chauffeurs d’autobus, pour qui cette campagne répond à une demande de longue date.

Du côté des constables spéciaux, il y a beaucoup de cas de « blessés » lorsqu’un employé se cogne en maîtrisant une personne, ou reçoit un crachat ou du sang, mais « pas nécessairement un arrêt de travail à chaque fois », note le président de la Fraternité des constables et agents de la paix de la STM-CSN, Kevin Grenier.

Quant à la violence psychologique, elle « n’entraîne pas beaucoup d’arrêts de travail » parmi ses membres, peut-être en raison de leur formation, mais « toujours gérer de la misère humaine » devant laquelle « on est un peu impuissant » n’est pas sans conséquence.

« Les gars et les filles, je leur lève mon chapeau, ils sont toujours présents au travail, mais il y en a dont tu vois qu’ils sont usés. Ça joue beaucoup sur le moral. »

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

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