Exploiter le métro, les autobus et les trains de banlieue coûte de plus en plus cher dans la région de Montréal, pendant que les revenus fondent. Pour le métro, le déficit a bondi de 268 % en cinq ans et pour les autobus, un trou béant de plus de 1 milliard devra maintenant être comblé, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

  • Les déficits sont en hausse fulgurante partout dans le transport collectif.
  • Le métro a vu son déficit bondir de 268 % en cinq ans.
  • Les autobus circulant dans le Grand Montréal, eux, cumulent plus de 1 milliard en déficit.

C’est ce qu’on apprend dans un document interne et confidentiel que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a présenté aux municipalités ces dernières semaines. Le constat y est clair : le coût pour exploiter les autobus, le métro, les trains de banlieue et le Réseau express métropolitain (REM) augmentent nettement plus rapidement que les revenus qui, eux, reculent.

Au total, la facture des opérateurs a augmenté de 511 millions depuis cinq ans, alors que les revenus ont diminué de 15 millions. En 2019, le réseau de transport collectif métropolitain a coûté 1908 millions. Les revenus avaient représenté à l’époque 1121 millions. Le déficit d’exploitation s’était élevé à 787 millions.

En 2024, l’ARTM évalue maintenant que le coût d’exploitation devrait s’élever à 2419 millions tandis que les revenus devraient reculer à 1105 millions. Bref, le déficit d’exploitation passera à 1314 millions. La baisse des revenus s’explique en grande partie par l’achalandage en baisse depuis la COVID-19, ce qui appelle, selon plusieurs, à une diversification des sources de revenus en transport collectif.

Un métro dans le rouge

À lui seul, le métro de Montréal affiche actuellement un déficit d’approximativement 120 millions de dollars, selon le document. De 2019 à 2024, les dépenses en exploitation y sont passées de 416 millions à 517 millions (+24 %) et les dépenses en immobilisation, de 89 millions à 138 millions (+55 %).

Pendant ce temps, les revenus tarifaires n’ont augmenté que d’à peine 18 millions, passant de 407 millions à 425 millions (+4,4 %). Les revenus dits « généraux », eux, ont bondi de 66 à 110 millions (+66 %), une hausse qui est toutefois loin d’être suffisante pour absorber les dépenses.

Bref, le déficit total est passé de 32 millions à 120 millions en cinq ans, une hausse de 268 %. En ce moment, les revenus du métro couvrent à peine 82 % des coûts.

Selon l’ARTM, la hausse du déficit dans le métro est notamment « due aux investissements dans le matériel roulant » pour le remplacement des trains Azur, mais aussi aux programmes de rénovation et d’entretien ainsi qu’au contexte inflationniste y étant associé.

Des bus et des trains fragilisés

La situation est encore moins reluisante dans les autobus du Grand Montréal, soit sur les territoires des sociétés de transport de Montréal, Laval et Longueuil, ainsi que sur les couronnes desservies par exo.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les réseaux d’autobus du Grand Montréal cumulent plus de 1 milliard en déficits.

Ensemble, ce parc d’autobus cumule plus de 1 milliard en déficits. Pendant que les coûts nets sont passés de 1,18 milliard à 1,45 milliard (+22 %) entre 2019 et 2024, les revenus tarifaires ont chuté de 458 millions à 358 millions (-27 %). Les revenus généraux, eux, ont augmenté de 19 millions à 30 millions.

Résultat : les revenus des autobus couvrent à peine 27 % de leurs coûts. C’est nettement moins que les trains de banlieue qui, avec des coûts nets de 227 millions et des revenus de 125 millions en 2024, couvrent 55 % de leurs coûts.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la situation des bus, souligne l’ARTM, dont la baisse de l’achalandage de manière générale, mais surtout le « transfert d’une partie des revenus tarifaires des autobus de la Rive-Sud vers le REM » ainsi qu’une augmentation importante des coûts liés au transport adapté, en particulier dans les services d’exo, sur les couronnes.

Le train de banlieue, lui, « reçoit moins de revenus généraux en raison d’un partage plus important entre le REM et le métro », note l’Autorité dans le document. Enfin, le REM, de son côté, présente pour le moment un déficit global de 26 millions. Avec des revenus totaux d’environ 57 millions et un coût global de 83,4 millions, le nouveau train léger de CDPQ Infra couvre environ 68 % de ses coûts.

Le monde municipal inquiet

Dans le monde municipal, on s’inquiète de l’augmentation des déficits, qui risquent de retomber sur les villes, à moins d’une aide supplémentaire du gouvernement du Québec, qui tient actuellement des audits de performance sur les sociétés de transport. À Montréal, par exemple, l’ARTM estime que la contribution de l’agglomération sera de 683 millions en 2024, en hausse de 22 % par rapport à 2019.

Sur la Rive-Sud, l’agglomération de Longueuil devrait sortir 103 millions, un chiffre là aussi en hausse d’environ 21 %, pendant qu’à Laval, ce serait 108 millions, un bond d’environ 36 % pour la municipalité de la banlieue nord.

Les couronnes ne sont pas en reste. Au nord, la contribution passera de 52,5 millions à 58 millions, un bond de 10 %, tandis qu’au sud, on passera de 30 millions à 36 millions, soit une hausse de presque 20 %.

Selon le président de la Table des préfets et élus de la Couronne Sud, Christian Ouellette, qui est aussi maire de Delson, « la situation actuelle, marquée par une projection de hausse des coûts sans une augmentation concomitante des services, met en évidence l’urgence de trouver de nouvelles sources de financement pérennes pour résoudre le problème persistant du sous-financement du transport collectif ».

« Étant donné que plusieurs municipalités ont un pouvoir limité de taxation, il devient impératif d’explorer des alternatives viables », ajoute M. Ouellette, qui assure que son groupe est prêt à collaborer pour identifier « des solutions innovantes et durables qui répondent aux besoins de la population ».