Depuis plus de quatre ans, Stéphanie Labelle et ses voisins doivent composer avec la poussière, le bruit et le va-et-vient de la machinerie lourde devant chez eux, dans le quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal, où un chantier de réfection de conduites d’eau accumule les problèmes et les retards.

« Je suis désemparée, on ne sait pas ce qui se passe. L’entrepreneur et la Ville se lancent la balle, ils mettent chacun la faute sur l’autre, pendant qu’on se trouve au milieu de tout ça et qu’on n’a pas d’information », a déploré Mme Labelle, en entrevue mardi près de l’énorme trou creusé devant sa porte, rue Grand Trunk, où il n’y a eu aucune activité depuis janvier.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Il s’agit du « chantier le plus difficile de la Ville de Montréal pour l’eau », a affirmé la responsable du service de l’eau, Maja Vodanovic.

Lundi soir, la citoyenne a lancé un cri du cœur lors de la séance de questions du conseil municipal. En larmes, elle a dénoncé le manque d’informations transmises aux résidants du secteur affectés par les travaux.

« Est-ce raisonnable, madame Plante, d’avoir des travaux directement devant chez soi pendant aussi longtemps sans être correctement informé ? », a-t-elle demandé, interpellant la mairesse. « Ça fait quatre ans, c’est inacceptable ! La poussière, le bruit, le nombre de nuits que je n’ai pas dormi à cause des travaux devant chez nous, c’est infernal ! »

Stéphanie Labelle a lancé une pétition et recueilli près de 250 signatures de résidants excédés demandant des comptes à la Ville, notamment une indemnisation pour les inconvénients qu’ils doivent endurer.

« Le chantier le plus difficile »

En lui répondant, la responsable du service de l’eau, Maja Vodanovic, a admis qu’il s’agissait du « chantier le plus difficile de la Ville de Montréal pour l’eau ». Les travaux ont un an de retard, a-t-elle ajouté mardi en point de presse.

Mme Vodanovic a évoqué des problèmes avec l’entrepreneur responsable du chantier, Duroking. « Il y a un inspecteur du service de l’eau qui est là tous les jours, mais malgré ça, on a toujours des non-conformités sur le chantier qui doivent être corrigées », a-t-elle expliqué.

Devant le conseil municipal, Stéphanie Labelle a évoqué le fait que la Ville avait acheté des tuyaux des Émirats arabes unis, plutôt que ceux d’un fournisseur local, selon les propos d’un responsable du chantier. Ces tuyaux se seraient brisés, ce qui a obligé la reprise des travaux.

Cet élément fait partie des problèmes, a révélé Maja Vodanovic. « Mais je ne peux pas commenter davantage au cas où ça serait judiciarisé », a-t-elle ajouté.

Depuis le début des travaux préparatoires pour ce chantier, en octobre 2019, les résidants ont reçu une succession d’avis de travaux, avec des échéanciers qui n’ont jamais été respectés.

Quelques exemples :

Décembre 2022 : « Des délais liés à des situations imprévues au niveau des ouvrages souterrains jumelés à des retards dans l’approvisionnement des matériaux nous obligent à reporter la date de fin des travaux. »

Mai 2023 : « Des difficultés techniques nous ont obligés à suspendre le chantier ces deux dernières semaines. À la suite d’analyses, des travaux correctifs devront être réalisés. D’ici à ce que ces travaux soient possibles, les excavations de la rue Grand Trunk seront remblayées ou protégées, entre la rue D’Argenson et le square Tansey. »

Octobre 2023 : « Dès la semaine du 16 octobre 2023, le chantier reprendra sur la rue Grand Trunk. En effet, à la suite d’analyses, des travaux correctifs doivent avoir lieu. Veuillez noter que le tronçon sera asphalté temporairement d’ici la fin de l’année 2023. »

Janvier 2024 : « Des enjeux d’approvisionnement survenus en décembre nous ont empêchés de compléter les travaux sur la conduite d’eau, nous obligeant à maintenir trois excavations. Le chantier pourra reprendre dès la réception des matériaux. »

La mairesse Valérie Plante a reconnu que la Ville aurait dû mieux informer les citoyens du secteur des problèmes rencontrés. « La question des communications est primordiale. On sait très bien que, quand on ne sait pas ce qui se passe, ça nous joue dans la tête et dans les tripes, il n’y a rien de pire dans la vie », a-t-elle répondu à Stéphanie Labelle.

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Stéphanie Labelle a lancé une pétition et recueilli près de 250 signatures de résidants excédés demandant des comptes à la Ville.

Pour montrer aux résidants qu’il y avait une lumière au bout du tunnel, Maja Vodanovic a indiqué que les travaux allaient reprendre dans dix jours pour quatre à cinq semaines, avant le remblayage du chantier et l’asphaltage, qui devrait être réalisé à la fin du mois de juin.

Y aura-t-il une indemnisation pour les personnes incommodées ? « On va voir avec notre contentieux si on peut répondre à cette demande », a-t-elle répondu.