Alors que notre garde-manger est sous la pression de l’urbanisation, la mairesse Catherine Fournier souhaite augmenter la superficie des terres cultivées dans l’agglomération de Longueuil.

Dans sa ligne de mire : 180 hectares en friche situés à Saint-Hubert et à Brossard qui ne peuvent pas être remis en culture en raison d’un moratoire décrété il y a 20 ans pour protéger les cours d’eau de la pollution au phosphore, un fertilisant issu du lisier. Pour y parvenir, elle demande à Québec une refonte de son Règlement sur les exploitations agricoles (REA).

Depuis 2004, il est interdit d’agrandir les superficies cultivées dans plus de 557 municipalités – dont celles de l’agglomération de Longueuil – où les bassins versants sont jugés trop dégradés.

« Il y a quand même un élément de vigilance à garder en tête du côté du gouvernement du Québec, mais en même temps, si on garde le statu quo, [on perd] pas mal de terres qui ont un potentiel incroyable de nourrir la population locale en culture maraîchère », a déclaré la mairesse en marge d’une conférence de presse à l’hôtel de ville, où elle a présenté le nouveau Plan de développement de la zone agricole (PDZA) de l’agglomération de Longueuil.

Longueuil compte 9141 hectares de terres agricoles protégées, soit 32 % de son territoire. Environ la moitié de la zone agricole permanente est actuellement exploitée par 47 fermes. Un peu plus de 2000 hectares sont de propriété municipale.

On sait qu’on vit en ce moment une crise importante en agriculture, et ce que les producteurs nous disent, c’est que tous les gestes pour favoriser la remise en culture c’est un geste qui [aident] les agriculteurs au Québec.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

La majorité des hectares identifiés pour une remise en culture sont de propriété municipale. Avec un tel assouplissement législatif, la mairesse Fournier aimerait promouvoir une agriculture maraîchère de proximité sur des terres considérées comme étant très fertiles.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Une importante concentration de parcelles prioritaires identifiées pour la remise en culture est située dans le secteur du chemin Chambly, à Saint-Hubert.

Toutes les terres qui étaient en friche avant l’adoption du moratoire doivent le rester. Le REA ne vise cependant pas la culture des bleuets, des canneberges, des fraisiers, des framboisiers, des arbres et des vignes.

Cours d’eau eutrophisés

Deux grands bassins versants traversent l’agglomération : celui de la rivière Châteauguay et celui de la rivière Richelieu. Le territoire compte 153,4 km de cours d’eau, dont 62 % sont situés en zone agricole.

Le REA vise à protéger l’environnement des sources de pollution qui découlent des pratiques agricoles.

Un bassin versant est considéré comme étant dégradé lorsque la concentration médiane de phosphore totale à l’embouchure dépasse 0,030 mg par litre d’eau, soit le critère d’eutrophisation.

Le PDZA rendu public hier par l’agglomération de Longueuil fait état d’une analyse de quatre cours d’eau réalisée en 2019 par l’organisme de bassin versant COVABAR qui montre que trois d’entre eux dépassaient cette norme.

Avec un assouplissement, y aurait-il des critères pour éviter d’augmenter la pollution des cours d’eau ?

« Ça va être le rôle du gouvernement d’aller chercher l’équilibre là-dedans, d’assouplir le règlement tout en s’assurant que les milieux naturels sont protégés, que les meilleures pratiques sont adoptées parce que les meilleures pratiques elles existent, ç’a bougé depuis 20 ans. Est-ce que le statu quo c’est la solution ? Non, mais il faut clairement que ce soit bien encadré pour ne pas qu’on aille à l’autre extrême », a-t-elle répondu.

Bandes riveraines non conformes

Le PDZA révèle aussi les résultats d’une recension de 108 kilomètres de bandes riveraines en milieu agricole. Ces zones tampons protègent les cours d’eau contre le lessivage des pesticides et engrais. Résultat : 53 kilomètres ne respectent pas la réglementation provinciale.

Depuis 1987, la Loi sur la qualité de l’environnement exige la conservation d’une bande minimale de 3 m à partir de la ligne des hautes eaux. Si cette distance n’atteint pas le bord du précipice, il faut conserver un minimum de 1 m de talus au bout du champ.

« On va accroître notre réglementation en ce qui a trait aux bandes riveraines », a mentionné la mairesse en conférence de presse, sans toutefois préciser de quelle manière.

L’agglomération de Longueuil vise par ailleurs à remembrer de petits lots agricoles à Saint-Hubert morcelés avant les fusions municipales.

Des spéculateurs ont mis la main sur certaines terres en espérant qu’on puisse [éventuellement y faire] du développement résidentiel et immobilier. Évidemment, il n’en est pas question, donc on souhaite soutenir le remembrement de certaines terres lorsque c’est possible.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

Déjà, la Ville de Longueuil a pu acquérir 688 lots pour motif de non-paiement de taxes municipales. « Il reste encore 1182 lots à remembrer, ce qui représente un peu moins de 300 hectares », a souligné la mairesse.

Appelé à réagir, le gouvernement du Québec nous a fait parvenir une déclaration écrite commune du ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, et du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne.

« Les pratiques agricoles et les connaissances ont beaucoup évolué depuis la mise en place du moratoire sur les superficies en culture il y a 20 ans. C’est notamment pour cette raison qu’il a été annoncé que le REA serait revu. Le chantier en cours est l’occasion de nous adapter en faisant une place aux meilleures pratiques agroenvironnementales tout en assurant un meilleur état de santé des écosystèmes. »