Pris de court par le retour en masse des voyageurs après le creux de vague pandémique, Aéroports de Montréal proposera ce jeudi un plan « ambitieux » de 4 milliards pour régler les problèmes d’accessibilité qui ont tant fait rager les passagers d’ici et d’ailleurs à Montréal-Trudeau l’an dernier.

Ajout de stationnements, nouvelles portes d’embarquement, capacité du débarcadère triplée : le plan s’étalera sur quatre ans.

« Nous sommes engagés dans une course. […] En 2028, je vous en donne l’assurance, nous serons dans une autre réalité. Nous aurons fait un progrès énorme », plaidera ce jeudi le président-directeur général d’Aéroports de Montréal (ADM), Yves Beauchamp, dans un discours fort attendu devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et que La Presse a obtenu.

M. Beauchamp détaillera comment ADM compte s’attaquer aux problèmes qui minent l’aéroport depuis la pandémie et qui ont entraîné une congestion monstre aux portes de l’aéroport.

Il faut dire que les embûches s’accumulent à l’aéroport de Montréal. Les files d’attente en voiture ou en autobus s’allongent, tout comme les délais d’attente à la douane, ce qui cause beaucoup de frustration.

Et plusieurs observateurs craignent que le pire soit à venir : on attend quatre millions de voyageurs de plus en 2028.

« Les mois à venir ne seront pas toujours faciles », mettra en garde M. Beauchamp dans cette présentation attendue dans le milieu des affaires. Parce que le temps presse. Son groupe a « quatre ans pour être capable d’accueillir quatre millions de personnes de plus qu’aujourd’hui ».

INFOGRAPHIE LA PRESSE

En 2023, l’aéroport montréalais a enregistré un achalandage record de plus de 21 millions de passagers, un bond de 32 % par rapport à 2022 et de 4 % par rapport à 2019, année prépandémique. L’été 2023 avait été particulièrement achalandé, avec une augmentation de 8 % par rapport à la saison estivale de 2019. L’administration aéroportuaire s'attend à recevoir 25 millions de voyageurs d’ici 2028.

Des travaux majeurs

Pour répondre à ce défi, les infrastructures devront grossir. Déjà, à la fin de février, le nouveau stationnement P4 comportant 2800 places et quatre étages a été inauguré. D’ici 2026, un autre vaste stationnement étagé doit être construit sur le site de l’actuel P11, à l’est du terminal, près de l’axe Côte-de-Liesse. Il offrira environ 3000 places.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Au cours de l’année 2026, quand ce nouveau stationnement sera terminé, « nous allons démolir le stationnement étagé actuel de 5000 places qui approche de sa fin de vie utile », affirme M. Beauchamp. Cela libérera de l’espace et permettra de construire deux nouveaux débarcadères, de quatre voies chacun, le tout sur deux niveaux. Les accès routiers seront ensuite réaménagés en 2027 et en 2028.

« Par la suite, nous détruirons le débarcadère actuel pour en construire un nouveau, à quatre voies lui aussi. À terme, nous aurons ainsi presque triplé la capacité sur cette infrastructure », ajoute Yves Beauchamp, qui y voit « la solution pérenne aux enjeux de congestion sur le site aéroportuaire ».

IMAGE FOURNIE PAR AÉROPORTS DE MONTRÉAL

Ce à quoi pourrait ressembler l’aéroport Montréal-Trudeau d’ici 2035, une fois tous les aménagements terminés.

D’ici 2035, l’aéroport prévoirait aussi de nombreux aménagements, espaces et toits végétalisés, des places publiques et d’immenses traverses piétonnières, montrent des images qui seront rendues publiques par ADM ce jeudi. D’autres « projets d’envergure » sont aussi à l’étude sur cette période de 11 ans, dont un prolongement du terminal actuel de l’aéroport et la reconstruction du stationnement P5.

Vers une « jetée satellite »

L’aéroport lui-même sera aussi appelé à devenir plus vaste pour soutenir la demande croissante. D’ici 2028, ADM s’engage à construire une « jetée satellite », soit un nouvel aérogare en forme de jetée qui permettra à des avions de se garer à l’extérieur pour faire embarquer les voyageurs.

La structure serait située non loin des portes d’embarquement actuelles et permettrait un accès facile à l’aéroport. On ignore encore combien d’avions utiliseront cette nouvelle jetée en même temps, mais sa raison d’être sera de soulager le terminal principal.

IMAGE FOURNIE PAR AÉROPORTS DE MONTRÉAL

Maquette de la future « jetée satellite »

« Du côté de l’aérogare, nous allons également procéder à l’amélioration des installations pour le traitement des bagages, le tout selon un séquencement bien défini par nos équipes », promet par ailleurs M. Beauchamp, qui compte aussi ajouter des stationnements d’avion éloignés pour attirer plus de transporteurs.

Notre plan de match est ambitieux, j’en conviens, mais nous savons que nous saurons réaliser ces travaux majeurs dans l’échéancier et dans le respect de notre capacité à payer.

Extrait du discours d’Yves Beauchamp, président-directeur général d’Aéroports de Montréal

Au total, ce plan nécessitera des investissements d’environ 4 milliards de dollars, une somme qui risque d’être financée en majorité par ADM. Cela dit, l’organisme ne ferme pas la porte à du capital privé, comme les fonds de pension, pour financer la construction d’infrastructures. « Nous sommes d’accord et croyons que cet outil de développement sera nécessaire dans l’avenir », écrit M. Beauchamp à ce sujet.

L’organisme ne cache pas non plus son intention de « varier les modes de réalisation en tenant compte de la complexité des enjeux, des interdépendances avec d’autres projets et du partage de risques avec les entrepreneurs ». En mars, La Presse révélait qu’une vaste réforme gouvernementale sur les modes de réalisation des chantiers se profile à l’horizon. Les modes « collaboratifs », qui partagent les risques financiers, sont appelés à se multiplier partout au Québec.

Un mur à éviter

Dans l’immédiat, la direction de l’aéroport compte offrir un accès gratuit à tous ses stationnements durant la saison estivale, et ce, pour une durée maximale de 40 minutes. Bon an, mal an, environ 25 % des voitures qui circulent sur le débarcadère principal sont occupées des gens qui tournent en rond jusqu’à l’arrivée d’un voyageur.

En mai, un débarcadère express sera implanté au nouveau stationnement étagé P4. Un deuxième débarcadère express doit aussi être aménagé près de la Côte-de-Liesse ce printemps. Les deux structures seront desservies par des navettes, avec des temps de parcours d’environ 5 minutes jusqu’au débarcadère principal.

D’ici 2027, l’arrivée de l’antenne du Réseau express métropolitain (REM) changera aussi la donne à l’aéroport. ADM envisage d’ailleurs de créer un lien direct entre l’aéroport et la station du REM des Sources, dès la fin 2024, au moyen de navettes. Le trajet prendrait une dizaine de minutes environ.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Voitures au débarcadère de l’aéroport Montréal-Trudeau

À l’Université de Montréal, l’expert en planification des transports Pierre Barrieau estime que l’aéroport Trudeau « est en train de devenir un aéroport d’importance internationale en termes de dessertes ». YUL compte en effet 157 destinations directes, dont 87 à l’international ; Séoul et Marrakech s’ajouteront en 2024.

« La question, c’est de savoir si l’équipement physique de l’aéroport va suivre. Et la réponse, pour l’instant, c’est malheureusement non. Tout est à ras bord et même plus. L’augmentation de la capacité à l’aéroport est fondamentale pour assurer sa compétitivité et son développement », juge M. Barrieau.

Il espère voir ADM « arrêter de faire des petites solutions pour les cinq prochaines années », mais plutôt donner « un véritable coup de pelle pour le prochain quart de siècle, avec un vaste plan de développement ». Un plus vaste « prolongement » de l’aéroport est d’ailleurs en préparation, selon nos informations.

« Il y a un mur devant nous, on ne sait pas trop à quelle distance, mais on sait qu’il est là. Il faudra faire des choix importants dans les prochaines années », juge quant à lui Jacques Roy, professeur spécialisé en gestion du transport à HEC Montréal. Il rappelle que « la capacité ultime, ce sera celle des pistes ». « Éventuellement, en heure de pointe, on va manquer de capacité au rythme où ça progresse », craint-il.

En savoir plus
  • 2800
    Nombre de valises qui sont traitées toutes les heures, en moyenne, à l’aéroport Trudeau. La capacité de la salle de bagages intérieure et internationale a augmenté de près de 30 % dans la dernière année.
    source : AÉROPORTS DE MONTRÉAL
    40 millions
    Investissements ayant permis cette année d’installer un nouvel appareil d’imagerie, un cinquième, et d’aménager une nouvelle salle de fouille avec 10 postes. Quelque 180 bornes d’enregistrement ont aussi été ajoutées.
    source : AÉROPORTS DE MONTRÉAL