Après Longueuil, la Ville de Montréal réduira la population de cerfs de Virginie dans l’est de l’île, en abattant entre 138 et 147 bêtes l’automne prochain par arme à feu.

Un comité technique et scientifique a fait ces recommandations à la Ville, qui a annoncé mardi qu’elle irait de l’avant avec ce plan dans quelques mois.

Selon le dernier dénombrement réalisé le mois dernier par le ministère de l’Environnement, il y avait 140 cerfs au parc de la Pointe-aux-Prairies et 25 au Bois d’Anjou.

Or, pour respecter une densité de population de 5 à 7 cerfs par kilomètre carré, il faut en abattre 117 à 125 à la Pointe-aux-Prairies pour n’en conserver que 15 à 23, et 21 à 22 à Anjou pour en conserver 3 à 4.

La densité actuelle est de 45 bêtes par kilomètres carrés. La surpopulation de cerfs nuit à la biodiversité et entraîne la disparition de plusieurs plantes, tandis que des espèces envahissantes prolifèrent, a noté la responsable des Grands parcs au comité exécutif de la Ville de Montréal, Laurence Lavigne Lalonde, en conférence de presse. Le couvert forestier ne se régénère plus, ce qui met d’ailleurs en péril la santé des cerfs, qui ne trouvent plus assez de nourriture, en plus de nuire à d’autres espèces comme les oiseaux.

« Depuis 2021, il y a eu une hausse de 253 % de la population de cerfs », a-t-elle souligné. Quand on a commencé le processus, en 2021, il y avait 65 cerfs, mais maintenant, leur nombre a augmenté de façon exponentielle et on est dans l’obligation d’agir. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Collisions

La responsable des Grands parcs a aussi souligné que les collisions de voitures avec des cerfs dans l’est de l’île étaient de plus en plus fréquentes, ce qui pose des enjeux de sécurité : il y a eu 86 accidents du genre en 2022 et 2023, selon les données de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Les cerfs peuvent être des vecteurs de la tique causant la maladie de Lyme, ce qui en fait donc aussi un enjeu de santé publique, indique Jean-Pierre Tremblay, membre du comité d’experts et professeur au département de biologie de l’Université Laval

La Ville lance donc un processus d’appels d’offres pour confier la tâche d’éliminer les cerfs en surnombre à une firme spécialisée dans ce type de chasse urbaine, a-t-elle annoncé. L’opération devrait avoir lieu l’automne prochain.

Les élus montréalais craignent-ils les manifestations de certains militants pour les droits des animaux, étant donné la contestation judiciaire à laquelle Longueuil a dû faire face et les menaces qui ont forcé la mairesse Catherine Fournier à être mise sous protection policière ?

« Nous savons qu’il s’agit d’un sujet très sensible et émotif, mais avec les données que nous avons et les opinions scientifiques, nous croyons que nous prenons la meilleure décision dans les circonstances », a répondu Mme Lavigne Lalonde.

Longueuil change son fusil d’épaule

Par ailleurs, la Ville de Longueuil a profité de l’annonce de Montréal pour révéler qu’elle changeait sa méthode d’abattage des cerfs de Virginie en surnombre au parc Michel-Chartrand : plutôt que d’utiliser des arbalètes, les chasseurs mandatés par la Ville utiliseront des fusils à air comprimé.

Longueuil avait annoncé en décembre dernier qu’elle mènerait son opération d’abattage l’automne prochain pour éliminer une centaine de bêtes, après avoir eu gain de cause contre les opposants à la suite d’une décision de la Cour d’appel.

« Le comité d’experts nous a recommandé de procéder avec des tireurs professionnels, parce que notre objectif est de diminuer la souffrance animale pendant le processus, et assurer la sécurité des riverains aussi. Selon la littérature scientifique, c’est ce qui est le plus sécuritaire actuellement », dit Laurence Lavigne Lalonde au sujet de la décision de Montréal.

Déplacer les cerfs n’est pas une option, selon Jean-Pierre Tremblay. Attraper les bêtes leur causerait énormément de stress, ce qui risque de les tuer, explique-t-il. De plus, les cerfs ne pourraient être relâchés dans la nature et devraient être gardés en captivité, mais il serait difficile de trouver un site pour les recevoir.

La viande des cerfs abattus sera distribuée à des banques alimentaires de la région.

Pour éviter que le cheptel se remette à grossir dans les années suivantes, l’opération d’abattage sera suivie d’études sur la façon de stériliser les femelles et sur les déplacements des animaux, par l’intermédiaire du projet de recherche PARCS en santé, qui réunit notamment des villes de la Montérégie, le ministère de l’Environnement et le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Opposition

La SPCA de Montréal a déploré la décision de la Ville d’abattre des cerfs de Virginie, affirmant que la stérilisation et la contraception comme moyens de contrôle des populations d’animaux sauvages ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde.

« Nous estimons que le recours à des méthodes de gestion impliquant la mise à mort d’animaux, simplement parce qu’on les considère comme “nuisibles”, n’est plus socialement acceptable aujourd’hui. Nous tenons toutefois à saluer la volonté de la Ville d’employer des mesures de réduction de la fertilité à la suite de l’opération d’abattage », a déclaré MSophie Gaillard, directrice de la Défense des animaux et des affaires juridiques et gouvernementales à la SPCA de Montréal, par voie de communiqué.

L’opposition à l’hôtel de Ville a de son côté déploré que l’administration ait attendu avant d’agir, alors qu’elle avait en main les recommandations d’un groupe d’experts depuis 2021. « Pendant ce temps, les cerfs se sont multipliés et la situation s’est détériorée », a fait valoir Aref Salem, chef de l’opposition officielle.