Des résidants de La Prairie montent aux barricades pour protester contre un projet d’entrepôt sur un terrain qui se trouve sur le territoire de la municipalité voisine, Saint-Philippe, parce qu’ils craignent d’en subir les désagréments. Une situation que le maire de La Prairie qualifie de « mini-Northvolt ».

« On est opposés au projet, et on est surtout opposés à l’utilisation de notre voie de service par des camions pour accéder au site. La grogne de la population s’amplifie et on craint de se retrouver avec un mini-Northvolt », dit Frédéric Galantai, maire de La Prairie, en référence aux citoyens qui contestent l’installation d’une usine de batteries à Saint-Basile-le-Grand.

L’affaire est complexe, parce que le terrain en question se trouve à l’intersection des territoires de trois villes. Il fait partie de Saint-Philippe, mais il faut passer par La Prairie pour y avoir accès, puisque l’autoroute 30 représente une barrière infranchissable – aucun pont ne passe par-dessus l’autoroute pour le relier à Saint-Philippe. Le terrain se trouve enclavé dans le territoire des deux municipalités voisines.

Le zonage, qui y permettait le développement résidentiel, est en voie d’être modifié pour « industriel léger » par le conseil municipal de Saint-Philippe. Le changement a déjà été accepté par la MRC du Roussillon, le 31 janvier, malgré l’opposition du maire de La Prairie.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le maire de La Prairie, Frédéric Galantai

Pourquoi ? Le propriétaire du terrain, Groupe Maison Candiac, y prévoyait la construction d’un nouveau quartier résidentiel comportant 1800 maisons et appartements. Mais pour la municipalité de Saint-Philippe, il aurait été difficile d’y fournir les services municipaux (enlèvement des ordures, loisirs, déneigement, etc.) en raison de l’accès difficile.

« On a donc proposé au propriétaire de changer le zonage pour “industriel léger”, d’autant plus qu’il nous faut diversifier nos sources de revenus, puisque nos revenus de taxes viennent à 80 % du secteur résidentiel », explique Martin Lelièvre, directeur général de la Ville de Saint-Philippe.

À la suite du changement de zonage, le propriétaire du terrain prévoit y établir un centre de distribution comportant trois ou quatre bâtiments, selon les documents qu’il a présentés à la municipalité, poursuit M. Lelièvre.

500 emplois et des grenouilles

Le président de Groupe Maison Candiac, Maryo Lamothe, n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue, alors que nous tentions d’avoir plus de détails sur le projet.

Selon la vitesse de construction, Saint-Philippe pourrait en tirer des revenus de taxes de 4 millions par année, puisque les propriétés industrielles peuvent être taxées trois fois plus que le résidentiel, dit le directeur général, qui évoque la création possible de 500 emplois.

Le développement du terrain doit se faire en préservant l’habitat de la rainette faux-grillon, cette minuscule grenouille menacée de disparition qui est protégée par un décret fédéral.

« Le pourtour du terrain sera protégé à 46 % par une zone tampon de 100 mètres, c’est énorme ! », souligne Martin Lelièvre. « La végétation sera conservée, une butte sera aménagée ainsi qu’un réseau cyclable. »

Mais à La Prairie, on ne voit pas les choses du même œil. Des résidants du secteur se préparent à protester contre le projet, dont ils ont été informés il y a moins de deux semaines.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Isabelle Pronovost, résidante de La Prairie opposée au projet

« Il y aura du bruit, de la circulation de camions, ça aura un gros impact sur notre quiétude », déplore Isabelle Pronovost, résidante de La Prairie depuis 17 ans, dont la cour arrière donne sur le terrain visé. « On ne connaît pas la hauteur des bâtiments, mais ça va certainement nous bloquer la vue. »

Inconvénients majeurs

Devant la grogne, le conseil municipal de La Prairie a adopté une résolution pour s’opposer au changement de zonage. Mais la décision est entre les mains de Saint-Philippe.

« Ce projet n’amène que des inconvénients majeurs pour nos citoyens », dit Frédéric Galantai, maire de La Prairie.

Il pourrait y avoir une cinquantaine de camions par jour. Ça va affecter surtout une centaine de familles dont les propriétés sont directement adossées au projet.

Frédéric Galantai, maire de La Prairie

Comme les camions devront utiliser la voie de service située à La Prairie pour accéder au futur centre de distribution, M. Galantai a demandé un avis juridique pour savoir s’il était possible d’interdire le camionnage sur cette route, ce qui empêcherait tout développement industriel et commercial sur le site.

Mais selon le directeur général de Saint-Philippe, cela est interdit. « La Loi sur les cités et villes dit qu’une ville ne peut pas enclaver une autre ville. Ils n’ont pas le droit de nous empêcher d’accéder à notre terrain », dit-il, ajoutant que les discussions se poursuivent entre les élus des deux villes.

Si un ensemble résidentiel était allé de l’avant à cet endroit, les désagréments auraient été encore plus importants, fait-il remarquer. « Avec 1800 portes, ça aurait été comme une deuxième ville, imaginez le flot de circulation et l’impact sur l’habitat naturel ! »

Ce lundi soir, Saint-Philippe tient une consultation publique sur le projet. Dès mardi, le conseil municipal devrait adopter le deuxième projet de règlement sur le changement de zonage, pour le rendre effectif.