Près d’une centaine de personnes ont manifesté dimanche leur appui à l’autrice Elise Gravel, dont les livres ont été retirés des rayons de la Bibliothèque publique juive de Montréal. L’écrivaine avait exprimé sa solidarité au peuple palestinien à travers des illustrations jugées antisémites par la direction de l’établissement.

« Elise Gravel est une grande autrice, et les enfants devraient pouvoir avoir accès à ses merveilleux livres », plaide Peggy Burns, un ouvrage coloré de l’écrivaine dans les mains.

Pancartes aux bras et keffiehs au cou, ils étaient une centaine plantés comme elle devant la façade de la Bibliothèque publique juive de Montréal en début d’après-midi, dimanche.

La semaine dernière, l’établissement a retiré les livres d’Elise Gravel de ses rayons en libre-service. La raison évoquée ? Des publications en solidarité à la Palestine jugées antisémites par la direction de la bibliothèque.

Une décision qui a suscité une vive contestation, du monde de l’édition jusqu’à l’Assemblée nationale.

« Nos auteurs ont un large éventail d’opinions et nous pensons qu’ils doivent pouvoir les exprimer », poursuit Peggy Burns, éditrice chez Drawn & Quarterly, qui imprime les ouvrages de Gravel en anglais.

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Peggy Burns, à gauche

« Elise exprime son opinion de manière responsable. Si elle fait une erreur, elle l’assume, s’en excuse et la corrige. Elle a le droit de faire ce qu’elle veut sur ses médias sociaux », ajoute-t-elle.

« J’aime bien les livres d’Elise Gravel », murmure Melek, timide. Tiens, justement, la fillette vient tout juste de terminer la lecture de l’un d’entre eux, Je veux un monstre !. « Ça parle d’une petite fille qui veut adopter un monstre… », résume-t-elle avec humour. « Ils veulent censurer des livres. Ça va trop loin », laisse tomber sa mère, Selima Driss. « C’est une autrice qu’on connaît depuis longtemps. On l’aime », poursuit-elle.

Plus loin, Bérangère Ruet distribue des livres de l’écrivaine aux quelques enfants présents. « Je trouve que c’est important de comprendre que critiquer le gouvernement israélien n’est pas de l’antisémitisme. La censure de ses livres, c’est une attaque. C’est dangereux », soutient la mère de famille, dont le mari est juif.

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La manifestation avait été organisée par Voix Juives Indépendantes, qui fait la promotion de la paix pour tous entre Israël et la Palestine.

« En tant que juive.fs, nous avons l’obligation, du fait de notre histoire, de nous opposer à toute forme de bannissement de livres. Les images des nazis brûlant nos livres nous rappellent encore et pour toujours combien la liberté d’expression est fragile », avait déclaré l’organisation dans un communiqué diffusé en marge de l’évènement.

La principale intéressée n’était pas présente à la manifestation au passage de La Presse. La semaine dernière, elle avait réagi à la controverse sur Facebook.

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Elise Gravel

« Je suis triste que l’accès à mes livres soit limité pour ces enfants, mais je tiens à préciser que je n’ai aucune colère contre la bibliothèque ni contre son personnel ou sa direction. Je comprends le climat toxique et les pressions sociales qui poussent les gens et les organismes à l’autocensure et à la censure », avait écrit Elise Gravel.

Désormais, les parents ou les enfants qui souhaiteraient emprunter un de ses ouvrages à la Bibliothèque publique juive de Montréal devront en faire directement la demande au comptoir.

Le problème ne tient pas à leur contenu « objectivement inoffensif », avait fait valoir une porte-parole de l’établissement à La Presse.

« Cette approche reflète notre engagement à répondre aux différentes préoccupations et sensibilités de la collectivité », avait-elle poursuivi.

Dans la foulée de cette affaire, une motion réitérant l’importance de « la liberté d’opinion, la liberté d’expression et la libre circulation des idées » a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Les élus y exprimaient également leur soutien à Myriam Daguzan Bernier et Cécile Gariépy, dont le livre, Tout nu !, a été brûlé au lance-flammes par une candidate républicaine au poste de secrétaire d’État au Missouri.