C’est un tramway qui sera finalement recommandé au gouvernement Legault pour remplacer le REM de l’Est plutôt que le tracé souterrain à 36 milliards proposé l’été dernier, a appris La Presse. La facture serait réduite au moins de moitié pour atteindre environ 13 milliards.

Plusieurs sources bien au fait du dossier ont confirmé l’information au cours des derniers jours sous le couvert de l’anonymat, n’étant pas encore autorisées à en parler publiquement.

Un rapport de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) sera remis au gouvernement fin janvier ou début février pour détailler cette nouvelle proposition. Mais selon nos informations, beaucoup de discussions ont déjà eu lieu en coulisses quant à la nécessité de choisir le tramway au bout du compte, plutôt qu’un train léger automatisé semblable au Réseau express métropolitain (REM).

Selon nos sources, ce changement permettrait de faire fondre le coût total estimé aux alentours de 13 milliards. Le tramway proposé compterait 31 kilomètres de rails et 28 stations, éloignées entre elles de 1,1 kilomètre en moyenne.

Les coûts de construction de ce réseau, qui serait en partie dans l’empreinte de voies existantes, au niveau du sol, frôleraient les 5 milliards, selon l’estimation actuelle. C’est en ajoutant tous les frais contingents, comme les provisions pour risques et les frais de financement, qu’on en arrive à une facture globale de 13 milliards.

Il s’agit d’une réduction draconienne par rapport à la plus récente mouture du « Projet structurant de l’Est » (PSE) appelé à remplacer le défunt REM de l’Est, réseau proposé à l’origine par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra.

Dès juillet, La Presse avait révélé que la facture finale de la plus récente mouture du PSE atteignait 36 milliards. Ce premier scénario de l’ARTM envisageait un tracé souterrain de 34 km avec un achalandage de 29 000 passagers le matin.

Selon ce premier scénario, les trains automatisés auraient roulé de Pointe-aux-Trembles au cégep Marie-Victorin, dans Montréal-Nord, avec deux points de correspondance avec la ligne verte du métro, en plus d’un prolongement de quatre stations vers Rivière-des-Prairies, Laval et Charlemagne, dans Lanaudière, le tout sur une voie 100 % souterraine. Des secteurs où la desserte actuelle en transports en commun est défaillante.

Rapidement, François Legault s’était montré défavorable au projet, jugeant qu’un tel coût n’avait « pas de bon sens ». La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, avait aussi insisté sur le fait qu’un « effort d’optimisation » apparaissait « essentiel » pour pouvoir espérer mener à bien le PSE. Puis, en septembre dernier, Québec avait officiellement mis la hache dans l’idée d’un projet 100 % souterrain en raison de son coût trop élevé.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Circulation dans l’est de Montréal

Invitée à trouver une « proposition financièrement responsable », l’ARTM prévoyait alors livrer avant la fin d’octobre des études sur la possibilité d’un service rapide par bus (SRB), d’un tramway ou d’un système de transport léger sur rail (SLR). Ce processus a pris du retard, pour finalement aboutir en ce début d’année 2024.

Un premier projet pour l’agence des transports ?

D’après nos informations, les autorités envisagent que le tramway dans l’est de Montréal pourrait être le premier projet de la future agence des transports censée réduire les délais et les coûts.

Le gouvernement Legault espère déposer le projet de loi qui créerait cette agence en février prochain, en vue d’une adoption en juin. Objectif : que l’agence en question soit prête à opérer au mois de septembre. Sa création sera une priorité de la prochaine session parlementaire.

En entrevue avec La Presse en novembre, la ministre Geneviève Guilbault avait confié que l’expertise de CDPQ Infra devrait se trouver au cœur de cette nouvelle agence. L’arrivée de celle-ci fera en sorte qu’à Montréal, le rôle de l’ARTM, dont le travail a été critiqué plus d’une fois par le gouvernement, sera à tout le moins revu.

« À part la STM, qui a livré le métro dans les dernières décennies, qui a livré un grand projet de transport collectif dans l’histoire contemporaine ? C’est CDPQ Infra », avait fait valoir Mme Guilbault. Déjà, en plus du Réseau express métropolitain à Montréal, la filiale de la Caisse de dépôt et placement vient de recevoir deux mandats de taille à Québec : proposer un scénario de système de transport structurant, le projet de tramway ayant été mis sur la glace, et un autre pour le troisième lien.

Des signes précurseurs

L’idée d’un tramway avait déjà été évoquée l’été dernier par François Rebello, ancien député péquiste puis caquiste devenu conseiller du domaine ferroviaire pour l’ARTM, sur les ondes du 98,5 FM.

Il avait alors fait valoir qu’à l’opposé du REM, qui est automatisé, le tramway serait doté d’un conducteur humain, ce qui permettrait de dessiner un trajet comprenant des croisements à même les rues où circulent les voitures, et donc de réduire les coûts. À l’époque, l’ARTM avait recadré ses propos en soutenant que plusieurs options étaient encore à l’étude.

À ce moment, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avait toutefois accueilli froidement l’idée de transformer le Projet structurant de l’Est en réseau de tramway.

J’aime les tramways, notre équipe aime les tramways. Mais il ne faut pas oublier que c’est un mode de transport plus lent. Ça remplit d’autres fonctions. Il ne faut pas remettre en question le projet tel que présenté.

Valérie Plante, mairesse de Montréal, l’été dernier

On ignore encore quelles artères le tramway proposé emprunterait ou s’il se rendrait jusque dans Lanaudière. Certaines options de prolongement seraient toutefois déjà à l’étude, d’après nos sources. En septembre, le premier ministre François Legault s’était engagé, devant un parterre de gens d’affaires de la région, à faire aller le REM de l’Est jusque dans Lanaudière, en soutenant que la liaison vers le nord serait une « condition non négociable » pour la réussite du projet.

« Je veux vous dire aujourd’hui que je vous garantis, et c’est une condition non négociable ça aussi, que le projet qu’on espère déposer rapidement, il va se rendre dans Lanaudière », avait dit M. Legault, de passage à la Chambre de commerce de la MRC de L’Assomption, la région qu’il représente à l’Assemblée nationale comme député.

Avec la collaboration de Maxime Bergeron, La Presse