Les finances de la Société de transport de Montréal (STM) feront encore plus mal que prévu. L’opérateur devra finalement abolir 255 postes pour équilibrer son prochain budget, soit plus du double que ce qu’elle estimait devoir faire à la mi-novembre. Son manque à gagner grimpera par ailleurs de 36 à 47 millions.

« Une réduction de 5 % de la masse salariale fait partie des mesures pour atteindre notre objectif », a confirmé vendredi la conseillère corporative de la STM, Amélie Régis, en précisant que cela correspondra à 255 postes devant faire l’objet de compressions.

Il y a deux semaines, La Presse avait révélé que la STM envisageait de supprimer quelque 120 postes, soit plus de deux fois moins que ce qui est aujourd’hui avancé. L’opérateur avait alors évoqué une réduction de ses dépenses d’environ 50 millions pour ne pas avoir à réduire le service dans le métro et les autobus.

Cette position avait toutefois été prise avant le budget de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui fixe les revenus des sociétés de transport dans la région métropolitaine. Cela a finalement été fait la semaine dernière, le 23 novembre. Résultat : les revenus des sociétés de transport augmenteront en moyenne de 3,2 % l’an prochain.

Bref, la STM a dû revoir sa position. En commission municipale, vendredi, le directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, a aussi confirmé que le manque à gagner de la STM augmentera de 11 millions en vertu du budget de l’ARTM. La société de transport s’attendait jusqu’ici à conserver un manque de 35,6 millions, ce qui signifie que ce chiffre atteindra dorénavant environ 46,6 millions.

« Le passé est garant de l’avenir. Et il faut se rappeler que le budget de la STM en 2023 [avait] un déficit de 78 millions », a expliqué M. Lamontagne, en jugeant la situation « relativement sécurisante ».

« Les Montréalais et Montréalaises doivent avoir l’heure juste et arrêter de se faire mentir », a de son côté déploré la mairesse de Montréal-Nord et membre de l’opposition, Christine Black, en référence aux variations dans les coupes et le manque à gagner.

On ignore toujours si les réductions de dépenses demeureront identiques, à 50 millions. Lors de son premier plan, à la mi-novembre, la STM avait évoqué que 30 de ces 50 millions toucheraient la suppression des 120 effectifs, ce qui suggère que cette dépense pourrait maintenant être appelée à évoluer à la hausse.

Plusieurs employés inquiets

Dans un communiqué publié jeudi, le Syndicat du personnel administratif, technique et professionnel de la STM (SCFP 2850) s’est quant à lui dit « profondément préoccupé par cette annonce », puisqu’il estime que ces coupes « affecteront principalement ses membres ».

« Notre objectif principal reste de minimiser l’impact de ces changements sur nos syndiqués ainsi que sur la qualité des services rendus à la communauté », a expliqué le président du groupe syndical, Stéphane Lamont, qui déplore qu’aucun plan officiel n’ait encore été communiqué aux membres du personnel.

Une rencontre a néanmoins été planifiée avec la direction la semaine prochaine pour discuter plus en détail de « ce plan de restructuration ».

« Il est important pour nous de préserver non seulement les emplois, mais aussi la qualité du service offert au public, et ce, malgré les défis financiers rencontrés. Nous sommes également conscients que nous devons considérer le contexte plus large de cet enjeu, notamment le bras de fer en cours concernant le financement des sociétés de transport entre Québec et les municipalités », a ajouté M. Lamont.

Les chiffres le montrent, disent des chercheurs

Dans une étude de HEC Montréal parue cette semaine, qui fait ressortir des coûts plus élevés des transporteurs québécois par rapport au Canada, on apprend par ailleurs que la part des chauffeurs et des autres emplois liés au transport demeure d’à peine 50 % à Montréal par rapport aux heures de travail rémunérées.

« Ça veut dire qu’il y a beaucoup d’heures aussi pour l’entretien et l’administration générale, plus qu’ailleurs en tout cas », explique l’un des chercheurs de l’étude, Robert Gagné, qui n’est « pas surpris » de voir que la STM doublera le nombre de ses coupes dans ce secteur.

Son groupe, aussi composé des chercheurs Jonathan Deslauriers, Anne-Gabrielle Gendron et Jonathan Paré, déplore que la STM ait remis en cause la méthodologie de l’étude cette semaine.

En excluant le service de la dette, les chercheurs obtiennent le « même chiffre que la STM, soit 6,87 $ » par kilomètre, dit M. Gagné. « Même en excluant le coût au service de la dette pour toutes les sociétés canadiennes, la conclusion reste la même : les sociétés de transport québécoises sont plus coûteuses que les organisations comparables au Canada », note-t-il.

Certes, Vancouver (7,63 $) et Toronto (7,36 $) coûtent plus cher en excluant la dette, « mais il est important de remettre le rapport dans son contexte : l’étude ne porte pas sur la STM spécifiquement, mais sur l’ensemble des sociétés de transport québécoises », conclut M. Gagné. Le constat, selon lui, reste très clair : « Il y a des enjeux importants quant à l’efficacité des sociétés de transport. »