Dans la tourmente depuis deux semaines au sujet de leurs dépenses jugées excessives, l’actuelle présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) et sa prédécesseure devront répondre ce vendredi matin aux questions des élus municipaux, tandis que certains remettent en question l’utilité de l’organisme.

Ce qu’il faut savoir

L’actuelle présidente de l’OCPM et sa prédécesseure ont facturé et approuvé des dizaines de milliers de dollars en dépenses de repas et de voyages ces dernières années.

Elles devront répondre aux questions des élus en commission municipale ce vendredi.

Dominique Ollivier, qui présidait le comité exécutif dans l’administration de Valérie Plante, a démissionné dans la foulée de cette controverse.

La mairesse demande à l’actuelle présidente de l’OCPM, Isabelle Beaulieu, et à son secrétaire général, Guy Grenier, de démissionner.

Isabelle Beaulieu, qui préside l’organisme depuis février 2022, et Dominique Ollivier, qui l’a dirigé de 2014 à 2021, comparaîtront devant la Commission sur les finances et l’administration, composée d’élus de Montréal et des villes de l’agglomération, pour défendre leur gestion financière.

Les deux femmes, qui sont des amies et ex-partenaires d’affaires, y seront questionnées sur leurs dépenses, révélées par les médias de Québecor. Elles ont facturé et approuvé pendant plusieurs années des dizaines de milliers de dollars en frais de repas et de voyages, des dépenses difficiles à justifier, ce qui a choqué la population et les élus.

Mme Ollivier a notamment dépensé près de 18 000 $ au restaurant en quatre ans, dont un repas d’huîtres à Paris de 347 $ avec un collaborateur et ex-partenaire d’affaires. Une mission en Afrique a coûté 23 000 $ aux contribuables. Et Mme Beaulieu s’est acheté des écouteurs à 900 $ avec des fonds publics.

Dominique Ollivier a démissionné lundi de la présidence du comité exécutif de la Ville à la suite de ce scandale et a proposé elle-même de se présenter devant la commission, où seule Isabelle Beaulieu avait été convoquée au départ.

La mairesse Valérie Plante, qui avait d’abord réitéré son appui à Mme Ollivier au début de la controverse, a répété à plusieurs occasions que Mme Beaulieu ainsi que Guy Grenier, secrétaire général de l’OCPM, n’avaient plus la confiance de son administration, laissant entendre qu’ils devraient démissionner.

Un an de salaire

« Cette utilisation des fonds publics est indéfendable et nécessite des changements urgents dans la gouvernance et la mission de l’organisme », a répété jeudi son cabinet, dans une réponse écrite aux questions de La Presse. « Un grand ménage doit se faire dans l’OCPM, et ceux qui doivent payer le prix de cette mauvaise gestion devraient être les dirigeants, pas la population. »

Mais les deux dirigeants semblent s’accrocher à leurs postes.

Le contrat d’embauche d’Isabelle Beaulieu stipule que, si le conseil municipal devait résilier son mandat de quatre ans avant février 2026, elle aurait droit à un an de son salaire de 154 000 $, sauf en cas de « faute grave ».

Remise en question

Cette polémique nuit à l’image de l’OCPM et incite certains observateurs à s’interroger sur sa pertinence.

Des consultations publiques sur des projets importants pourraient très bien être menées par des fonctionnaires municipaux ou confiées à des firmes externes au besoin, comme c’est le cas dans plusieurs villes, selon la professeure du département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM Danielle Pilette, spécialiste de la politique municipale. « On pourrait très bien fonctionner sans cet organisme », dit-elle.

Montréal embauche parfois, d’ailleurs, des entreprises privées pour certaines consultations.

« Dans les arrondissements, il y a des consultations pour des plus petits projets qui sont faites à l’interne », note aussi Mme Pilette.

Un problème important qui mine l’OCPM est l’absence de suivi sur sa performance, dit-elle.

Il n’y a pas juste les dépenses qui ont été laissées à l’abandon, sans surveillance. Il y a aussi l’évaluation des résultats.

Danielle Pilette, professeure spécialiste de la politique municipale

Mais selon Fanny Tremblay-Racicot, professeure en administration municipale et régionale à l’École nationale d’administration publique (ENAP), il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il est vrai que les recommandations de l’organisme, à la suite des consultations publiques, ne sont pas toujours suivies par les élus, comme ce fut le cas pour l’avenir de la voie Camillien-Houde, sur le mont Royal.

« Mais ce n’est pas l’office, le problème, dans ce cas, ce sont les élus qui ne l’écoutent pas », observe-t-elle.

Un organisme indépendant comme l’OCPM favorise la participation du public, mais il ne s’agit que d’une instance consultative, poursuit Mme Tremblay-Racicot. « Les élus ne s’engagent pas à respecter l’opinion qui va émaner du rapport des commissaires à la suite du processus. »

Cependant, les consultations peuvent permettre d’améliorer un projet, suivant les commentaires du public, fait-elle remarquer.

Lorsque des consultations sont menées par les fonctionnaires, il peut être difficile pour eux d’aller à l’encontre des décisions de la Ville, souligne aussi Maude Marquis-Bissonnette, professeure à l’ENAP et ex-conseillère municipale de Gatineau. « C’est très utile d’avoir un organisme indépendant », dit-elle.

La mairesse Valérie Plante, de son côté, a fait savoir qu’elle croyait toujours en l’utilité de l’OCPM, malgré la controverse. « Le coup de barre qui est nécessaire dans l’OCPM ne doit pas détruire sa mission fondamentale de porter les aspirations des Montréalais », a déclaré son attachée de presse, Catherine Cadotte. « La consultation des Montréalais et les recommandations qui en découlent sont importantes pour opérer le dialogue essentiel entre la population et les instances démocratiques. »