Après des années de flottement, Montréal s’apprête à investir près de 160 millions sur 10 ans afin de doter la métropole d’un centre animalier centralisé pouvant accueillir 7000 bêtes perdues, abandonnées ou dangereuses. Un changement qui coûtera « beaucoup plus cher », mais que l’administration estime nécessaire.

C’est l’organisme à but non lucratif Proanima qui opérera l’installation. Celle-ci devrait ouvrir ses portes début 2026 dans le « centre est » de la ville. C’est de cette base que Proanima offrira des services animaliers pour toute la ville.

« C’est quand même un gros contrat, mais c’est quelque chose qu’on a besoin de faire », a expliqué jeudi l’élue responsable du dossier, Maja Vodanovic, en entrevue avec La Presse. « C’est une bonne nouvelle. »

Quelque 15 000 animaux seraient abandonnés à Montréal chaque année. Des centaines d’entre eux sont euthanasiés.

Depuis une douzaine d’années, la Ville de Montréal tergiverse quant à la mise sur pied d’un service animalier centralisé. Un projet de mégarefuge pouvant accueillir 12 000 animaux a été annoncé en 2011, avant de changer d’emplacement prévu à deux reprises puis d’être carrément annulé en 2020. L’administration Plante évoquait alors l’établissement de plusieurs centres animaliers de proximité, puis de trois établissements pour toute l’île.

Mme Vodanovic demandera finalement au conseil municipal d’approuver un contrat prévoyant la construction d’un seul site, dont l’emplacement prévu reste à annoncer.

On pense qu’on va peut-être avoir besoin de deux [centres animaliers]. On va en faire un pour commencer, et quant au deuxième, on verra.

Maja Vodanovic, élue responsable du dossier

« On va voir comment ça avance », a-t-elle ajouté.

Proanima a refusé de commenter le dossier.

« Proanima va s’occuper de tout »

Le montant de 157,9 millions servira à construire ou aménager des locaux, mais aussi à payer l’ensemble des opérations.

« Les services attendus consistent, entre autres, à prendre en charge les animaux errants, abandonnés ou cédés, à apporter les soins nécessaires par une expertise spécialisée en médecine de refuge comme la stérilisation, à assurer les services requis impliquant des chiens à risque, à réunir les animaux perdus avec leurs propriétaires », indiquent les fonctionnaires municipaux dans des documents destinés aux élus du comité exécutif.

« Ça va être Proanima qui va s’occuper de tout, a expliqué Maja Vodanovic. Proanima devient la centrale. On va avoir un service téléphonique, un service d’urgence. Tout va être coordonné par eux et intégré pour tous les arrondissements. » L’organisme a déjà la responsabilité de la gestion des chiens dangereux pour toute la Ville de Montréal.

Si le centre animalier s’installe dans le « centre est » de la ville, c’est qu’« il s’agit du secteur où les admissions en refuge sont les plus importantes », expliquent les fonctionnaires.

Montréal compterait environ 353 000 chats et 115 000 chiens – 110 000 auraient été acquis pendant la pandémie de COVID-19. « Il y a eu une augmentation des abandons dans les refuges de 64 % », explique Maja Vodanovic. Proanima devra aussi prendre en charge des animaux exotiques ou inusités.

Centralisation

Le contrôle animalier est une compétence de chaque arrondissement depuis les fusions municipales. Mais en 2011, des allégations de maltraitance animale grave au sein de l’entreprise qui détenait la majorité de ces contrats, Berger blanc, sont diffusées par l’émission Enquête.

Depuis, plusieurs arrondissements ont cessé de faire affaire avec Berger blanc, mais les solutions de rechange se sont révélées difficiles à trouver. La SPCA a pris le relais dans plusieurs arrondissements de l’ouest de Montréal, mais seulement de façon temporaire. Certains arrondissements de l’Est font maintenant affaire avec des entreprises établies à l’extérieur de l’île.

La solution, selon les trois dernières administrations municipales : centraliser cette responsabilité à l’hôtel de ville. C’est ce que Maja Vodanovic demandera au conseil municipal d’approuver la semaine prochaine, en vue d’une attribution subséquente du contrat à Proanima.

Certains élus locaux risquent toutefois d’être difficiles à convaincre. Leur contribution financière au projet est beaucoup plus élevée que leur investissement actuel en contrôle animalier. Et ils seront, dans certains cas, à plusieurs kilomètres de ce nouveau centre.

« En ce moment, on paie très très peu. On paie à peu près 2 $ [par Montréalais par année] pour le service qu’on a. On va payer beaucoup plus cher. Ce qu’on va payer, c’est pas mal ce que paie la moyenne des villes canadiennes », a dit Mme Vodanovic. « Ce sont les donateurs de la SCPA qui ont donné 17 millions dans les dernières années et ont en fait financé le bien-être des animaux montréalais. »

L’élue se dit convaincue de ne pas voir émerger de nouveau scandale de maltraitance animale avec Proanima.

L’histoire jusqu’à maintenant

2011

Radio-Canada révèle que l’entreprise qui gère les services animaliers de la plupart des arrondissements maltraite des animaux. Le maire Gérald Tremblay annonce que Montréal va elle-même prendre en charge ce dossier et construire un vaste centre animalier.

2014

Denis Coderre annonce que ce centre animalier, qui devait être construit au parc Angrignon avant 2016, sera plutôt construit dans le quartier Saint-Michel d’ici 2018 pour 23 millions.

2020

L’administration Plante annonce qu’elle abandonne le projet d’installation centralisée et ouvrira plutôt des petits refuges dans plusieurs quartiers. Deux ans plus tard, le scénario de trois refuges pour toute la ville est évoqué.