Dans le quartier Rosemont, Christian Dion possède deux plex – son « fonds de retraite », dit-il – où ses locataires de longue date paient des loyers bien en deçà des prix dans le quartier, assure-t-il.

Mais la hausse annoncée des taxes municipales le rend « nerveux », confie-t-il : sa facture grimpera d’environ 600 $ par année pour ses deux propriétés. Il craint de devoir augmenter le loyer de ses appartements, d’autant que l’explosion récente des taux d’intérêt lui coûte 1300 $ de plus par mois.

« Je ne suis pas pour refiler une hausse de 50 $ par mois à mes locataires, se désole M. Dion. C’est mon revenu de retraite, mais mes locataires aussi sont à la retraite. »

Mon but n’est pas de siphonner mes locataires qui sont de bonnes personnes, pas des millionnaires. Mais moi non plus, je ne suis pas millionnaire. Et là, je ne suis plus capable.

Christian Dion

L’homme de 63 ans, qui était mécanicien dans le secteur de l’aéronautique, dit avoir travaillé fort toute sa vie et avoir réduit son train de vie de plus de la moitié depuis sa retraite.

L’augmentation de son compte de taxes est d’autant plus difficile à avaler qu’il se dit inquiet de la gestion des finances à la Ville de Montréal. « Les élus disent qu’ils veulent augmenter les taxes ou couper les services, mais ils ne réduisent pas leurs dépenses », déplore-t-il.

« Ça va faire mal »

Depuis qu’il a ouvert son salon de barbier Plaza St-Hubert, en 2018, David Lechasseur a dû affronter des travaux qui ont éventré la rue, la pandémie de COVID-19, l’inflation des dernières années et, maintenant, une nouvelle hausse des taxes municipales.

« En ce moment, notre situation est stable. On est prudents avec les dépenses, parce que nos finances sont très serrées », explique le commerçant, copropriétaire du Savvy Barbershop & Tattoo et du garage de mécanique de moto et café Idle, rue Jean-Talon.

Alors que les prix de tous les biens et services augmentent et que le recrutement d’employés est difficile, hausser les tarifs risque de faire fuir la clientèle, dit M. Lechasseur.

« C’est une ligne très fine qu’on ne doit pas dépasser pour respecter ce que le consommateur peut payer », dit-il.

Pour ses deux commerces, la facture de taxes municipales atteint 14 000 $ par année. La hausse lui coûtera donc environ 700 $ pour la prochaine année.

« Ce qui rend la pilule difficile à avaler pour les entrepreneurs, c’est que le dernier scandale sur les dépenses municipales nous donne l’impression que la Ville gère mal ses finances », déplore-t-il.

Il rappelle aussi que plusieurs commerçants et entreprises devront commencer en janvier prochain à rembourser les prêts accordés par le gouvernement pendant la pandémie. « La hausse des taxes va affecter encore plus notre capacité de remboursement, fait-il remarquer. Ça va faire mal. »

« Sur une autre planète »

Pierre Riopel est propriétaire du duplex où il habite dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. « J’aime les huîtres, mais je ne peux plus m’en acheter », blague-t-il, en critiquant la hausse de taxes décidée mercredi par l’administration Plante. Elle s’élève à 5,2 % en moyenne pour les résidences de l’arrondissement.

« L’impression générale que j’ai, c’est que tout le monde se serre la ceinture. Et on a une administration qui est sur une autre planète. Je ne perçois aucune espèce de tentative de réduire les coûts, de réduire les dépenses », a-t-il asséné, quelques heures après la présentation du budget. « Je donne un exemple : le déneigement des pistes cyclables l’hiver, alors qu’il n’y a personne sur les pistes cyclables. »

M. Riopel entend bien refiler à son locataire la proportion de l’augmentation foncière qui s’applique à l’appartement

Il calcule que la hausse de taxe décidée mercredi devrait lui coûter seulement quelques dizaines de dollars. « Mais ça s’ajoute au reste, précise-t-il. Les frais de l’internet, les frais de cellulaire augmentent. On doit se serrer la ceinture, même si j’ai quand même de bons revenus de retraite. »

Taxes en baisse pour les commerces du centre-ville

Le restaurant Mister Steer sert des hamburgers sur la rue Sainte-Catherine depuis les années 1950. Son propriétaire, Jacques Gaspar, estime que les taxes foncières étouffent les commerçants du centre-ville. Sa facture s’élevait à plus de 250 000 $ cette année.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jacques Gaspar, proprietaire du restaurant Mister Steer, au centre-ville

En raison de la stagnation (voire de la baisse) de la valeur de certains immeubles commerciaux dans le quartier, les taxes foncières commerciales baisseront en moyenne de 0,9 % en 2024, selon la Ville de Montréal. Un cas unique à Montréal.

« Ça aide », mais ce n’est pas assez, assure M. Gaspar.

Si je vendais des diamants dans mon commerce, j’aurais de quoi payer cette facture. Mais je vends des burgers.

Jacques Gaspar, proprietaire du restaurant Mister Steer

Le commerçant remet en question l’ensemble du système de taxation basée sur la valeur des immeubles. « C’est irréel de regarder la valeur d’une bâtisse et d’augmenter en conséquence. Cette façon de valoriser une taxe n’est pas raisonnable », a-t-il dit. « Tant qu’ils ne changent pas cette méthode, ça va rester illogique. »