Le monde des affaires déplore le peu d’efforts consentis par la Ville de Montréal pour réduire ses dépenses en ces temps difficiles. Résultat : les contribuables écopent, tant ceux du secteur résidentiel que du secteur non résidentiel.

« Dans un contexte économique difficile, le budget de la Ville de Montréal déposé [mercredi] est préoccupant, tant pour les particuliers que pour les entreprises. La décision de hausser les taxes foncières globales de 4,6 % – et surtout de 4,9 % pour le secteur résidentiel – pèsera très lourdement dans les finances des Montréalais. […] On cherche en vain dans le budget déposé [mercredi] un exercice de réduction des dépenses de la part de la Ville », dit, dans un communiqué, Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

Au téléphone, M. Leblanc en rajoute. « Pourquoi la Ville a-t-elle versé de doubles bonis aux cadres ? Pourquoi n’y a-t-il pas de gel d’embauche ? Pourquoi voit-on des hausses d’effectif en 2024 ? », se demande-t-il à voix haute.

Vice-président du comité exécutif, Benoit Dorais a défendu les choix budgétaires en conférence de presse. « On ne voulait pas diminuer les heures d’ouverture des bibliothèques », a-t-il donné en exemple.

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La mairesse Valérie Plante au côté du vice-président du comité exécutif, Benoit Dorais

De son côté, la mairesse Valérie Plante a défendu sa décision politique d’offrir la gratuité des transports en commun aux 65 ans et plus, une dépense de 34,3 millions. En parallèle, les revenus tirés de la taxe foncière relative au financement des transports en commun passent de 11 à 50 millions, en un an.

Pour ce qui est de la gestion de la dette qui correspond à 108 % des revenus de la Ville en 2024, Michel Leblanc voit venir le goulet d’étranglement. La dette sert à financer les immobilisations.

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Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Quand l’économie allait bien, l’administration municipale s’est servie de sa marge de manœuvre en augmentant son endettement. La marge n’existe plus au moment où l’économie est sur pause.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

« On voit l’impact : la Ville doit se tourner vers les autres gouvernements pour trouver l’argent pour les infrastructures à l’hippodrome », a-t-il ajouté.

Fardeau fiscal

Autre source d’irritation pour le milieu des affaires, la mise sur pause en 2024 de la stratégie de réduction du fardeau fiscal non résidentiel. Encore aujourd’hui, la taxation non résidentielle pèse quatre fois plus que la taxation résidentielle, souligne François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

« Bien que la hausse soit légèrement moins élevée pour les commerces, l’écart demeure gigantesque. Leur porte-monnaie n’est pas extensible et ici, au lieu d’amoindrir le choc, l’administration Plante vient amplifier le problème », dit-il dans une déclaration écrite. Le propriétaire d’un immeuble commercial de 900 000 $ paie 24 000 $ de taxes au niveau municipal, comparativement à 6000 $ pour le propriétaire d’un duplex.

Même son de cloche de la part de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal (ASDCM), qui regroupe les commerçants de rues marchandes de Montréal comme la rue Sainte-Catherine.

« Cette augmentation des charges fiscales risque de fragiliser la stabilité financière des entreprises locales, déjà mise à l’épreuve par les défis économiques actuels », a indiqué dans un communiqué Sébastien Ridoin, DG par intérim de l’ASDCM.

Des fonctionnaires rémunérés 40 % de plus que dans le privé

L’embauche de fonctionnaires ne passe pas. Le nombre d’employés municipaux a gonflé de 1500 depuis 2020, pour atteindre l’équivalent de 25 000 personnes.

« La Ville ferait mieux de revoir ses dépenses en termes de rémunération ; à la place, on voit une augmentation nette d’environ 400 nouveaux postes, critique Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Quand on regarde le rapport de l’Institut de la statistique du Québec, on est aux alentours de 40 % plus élevés que des emplois similaires dans le secteur privé. L’administration en place gagnerait à s’attaquer à cette question d’une rémunération globale très élevée, plutôt que d’augmenter le fardeau fiscal auprès des Montréalais. »