L’administration de Valérie Plante a renoncé à près de 30 millions de dollars d’argent fédéral en annulant un projet de bassin anti-inondation qu’Ottawa avait promis de financer, a appris La Presse.

L’opposition accuse la mairesse de laisser une fortune « sur la table » au moment où elle crie famine, alors que l’élue responsable se dit convaincue de pouvoir obtenir une subvention équivalente pour un projet de remplacement.

Le projet abandonné, jamais rendu public jusqu’à maintenant, consistait à construire des bassins de rétention pluviaux sous l’avenue McGill College.

Il s’agit d’une « portion du centre-ville vulnérable lors d’un orage exceptionnel », selon le ministère des Affaires municipales.

Les travaux auraient été réalisés entre la construction de la station souterraine du Réseau express métropolitain (REM), qui doit prendre fin en 2024, et la transformation de l’artère en place publique, prévue dans les prochaines années.

L’été dernier, Ottawa avait promis d’y contribuer à hauteur de 28,9 millions, soit 40 % de la facture.

Éviter « une rue en chantier pendant 12 ans »

Or, la complexité du sous-sol au cœur du centre-ville et la multiplication des travaux dans ce secteur ont ensuite convaincu l’administration de faire une croix sur ce projet, a indiqué Maja Vodanovic, responsable de l’eau au comité exécutif.

« C’est super compliqué dans ce coin-là », a-t-elle dit en entrevue téléphonique. « C’est plein, plein, plein de choses sous la terre. Il y a des tunnels, l’énorme station du REM, le tunnel [du REM]. »

L’avenue McGill College est fermée depuis 2018, a souligné Mme Vodanovic, indiquant ne pas vouloir « se retrouver avec une rue en chantier pendant 12 ans ».

Les travaux d’aménagement de la future place McGill College, dont le concept a remporté un concours international de design, doivent commencer en 2025. L’avenue « deviendra une imposante place publique piétonne sur la totalité de son emprise, soit entre les rues Cathcart et Sherbrooke », indique la Ville de Montréal.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR CIVILITI + MANDAWORKS ET SNC-LAVALIN

Concept de la future place McGill College

Quant aux bassins de rétention auxquels on a renoncé, « les plans et devis n’étaient pas faits », a ajouté Maja Vodanovic. « C’était très, très peu avancé. » La Ville prépare actuellement un projet de remplacement dans un autre lieu du même secteur, non dévoilé pour l’instant, et Mme Vodanovic est convaincue de pouvoir récupérer une somme équivalente à celle qu’offrait Ottawa : « Normalement, on l’a toujours [l’appui du fédéral]. Ça va de soi : quand on fait des bassins de rétention, le fédéral nous offre toujours un financement. »

« J’ai de la misère à suivre l’administration »

L’opposition officielle à l’hôtel de ville ne l’entend pas de la même oreille.

« J’ai de la misère à suivre l’administration Plante », a affirmé Alan DeSousa, porte-parole en matière d’infrastructures, dans une déclaration écrite.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Le porte-parole de l’opposition municipale en matière d’infrastructures, Alan DeSousa

D’un côté, elle demande plus d’argent des [ordres] de gouvernement supérieurs afin d’adapter nos infrastructures pour faire face aux impacts des changements climatiques, mais de l’autre côté, elle laisse des dizaines de millions de dollars sur la table dans un programme fédéral finançant l’adaptation de nos infrastructures.

Alan DeSousa, porte-parole de l’opposition municipale en matière d’infrastructures

C’est l’opposition officielle qui a découvert l’existence de ce projet abandonné en passant au crible un rapport du ministère des Affaires municipales.

« Avant de demander toujours plus d’argent, Projet Montréal devrait s’assurer de réaliser les projets dont le financement a déjà été approuvé par le gouvernement », a ajouté M. DeSousa.

L’engagement financier d’Ottawa provenait de son Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC). L’an dernier, Radio-Canada a rapporté que cette enveloppe fondait à vue d’œil, avec la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes un peu partout au pays.

« Chaque projet soumis aux programmes de financement d’Infrastructure Canada est évalué selon des critères axés sur le mérite », a indiqué Caleb Spassov, responsable des communications d’Infrastructure Canada. « Afin de maintenir la confidentialité de nos partenaires, le Ministère n’offre pas de détails sur les projets qui ne sont pas publiquement annoncés. »