La Grande Bibliothèque a accueilli mardi la septième édition de Camelot d’un jour de l’organisme L’Itinéraire, où des personnalités publiques sont jumelées à des personnes vendant ce magazine partout dans la métropole.

Lieu de ressourcement et d’action culturelle, située en plein cœur de Montréal, la Grande Bibliothèque est aussi aux premières loges de la lutte à l’itinérance. Parmi ses outils : une halte-chaleur, un jardin communautaire et des activités pour que des citoyens de tous les horizons se rencontrent.

« Je me suis souvent réfugié dans les bibliothèques », confie Siou Deslongchamps, camelot pour le magazine L’Itinéraire depuis maintenant sept ans. « La Grande Bibliothèque, ah ! Ici, j’ai de la concentration. Le beau bois, les mezzanines, ça m’apaise », décrit-il.

M. Deslongchamps vit désormais dans un studio, mais son amour des bibliothèques date de l’enfance. Et il n’est pas le seul à trouver dans la bâtisse emblématique du cœur de la métropole une forme de refuge.

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Le camelot Siou Deslongchamps et le comédien Stéphane Demers au travail au métro Bonaventure

Dès 2015, la Grande Bibliothèque a embauché une personne dédiée à favoriser la cohabitation entre tous ses usagers, incluant les plus vulnérables. « C’est important pour nous d’être une partie intégrante de la communauté, et d’apporter des solutions », résume Marie Grégoire, la présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Située à l’angle du boulevard de Maisonneuve et de la rue Berri, la Grande Bibliothèque se trouve dans un secteur où les questions d’itinérance et de toxicomanie ont fait les manchettes depuis des mois.

Mais en ses murs, la tranquillité demeure. En 2022, par exemple, 104 « retraits » de personnes ont été effectués à la Grande Bibliothèque, par rapport à 220 avant la pandémie, en 2019 (l’achalandage avait aussi diminué de moitié en 2022), indique Claire-Hélène Lengellé, responsable des relations avec les médias pour BAnQ.

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La présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Marie Grégoire et Marie-Pierre Gadoua, coordonnatrice de la médiation sociale et de l’action culturelle

Désormais, certaines personnes peuvent arriver avec des problématiques plus intenses, mais elles ne sont pas plus nombreuses, affirme aussi Mme Grégoire. Le but de la Grande Bibliothèque : offrir un lieu sécuritaire et accueillant. À tous.

Faire partie de la solution

En février dernier, quand le mercure est descendu à -40 sous zéro, la Grande Bibliothèque s’est transformée en halte-chaleur, en collaboration avec L’Itinéraire et la Société de développement social (SDS). Une expérience appelée à se reproduire cet hiver.

Ce n’est que l’un des services mis sur pied pour aider les plus vulnérables. Par exemple, les agents de sécurité ont été formés des organismes spécialisés en itinérance. Et une personne n’a pas besoin d’avoir une adresse fixe pour s’abonner à BAnQ.

Depuis deux ans, un jardin communautaire situé à l’arrière de la Grande Bibliothèque est aussi entretenu par des jeunes de l’organisme Spectre de rue. « À la fin août, on avait remis 100 kilos de denrées à une bonne dizaine de banques alimentaires. Et ce n’est pas terminé », souligne Marie-Pierre Gadoua, coordonnatrice de la médiation sociale et de l’action culturelle à BAnQ.

Autre nouveauté : une unité mobile de la mission Old Brewery se stationne une fois par semaine à la Grande Bibliothèque, depuis août. Les intervenants font des rondes et peuvent aider les sans-abri avec leurs démarches administratives (impôts, recherche de logement).

C’est sans compter toutes sortes d’ateliers et d’activités culturelles – visite des lieux, exposition photo, lectures de poésie, etc. – créés en lien avec des organismes comme L’Accueil Bonneau et L’Itinéraire.

« Pour une personne en itinérance, entrer à la Grande Bibliothèque, c’est faire partie de la société », estime le directeur général de L’Itinéraire, Luc Desjardins. L’Itinéraire est un magazine de rue bimensuel qui vise la réinsertion sociale des personnes marginalisées.

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Luc Desjardins, directeur général de L’Itinéraire.

« [Comme directeur] je vais entendre beaucoup plus nos membres parler d’un passage à un atelier ou une discussion à la bibliothèque que de vendre un magazine ! », remarque-t-il.

La prochaine étape, pour la Grande Bibliothèque, est d’engager ses propres intervenants, un projet inspiré de ce qui se fait déjà à la bibliothèque de Drummondville.

Camelot d’un jour

Autre exemple de son implication dans le quartier : la Grande Bibliothèque a accueilli mardi la septième édition de Camelot d’un jour, dans une ambiance festive. À cette occasion, des personnalités publiques sont jumelées à des camelots de L’Itinéraire et passent quelques heures à vendre le magazine partout dans la métropole.

« C’est vraiment très difficile, le rejet », observe l’acteur Stéphane Demers, rencontré au métro Bonaventure avec Siou Deslongchamps. « Mais j’aime l’idée de m’impliquer et de vivre l’expérience, comme Siou ou les autres camelots la vivent », ajoute celui qui en est à sa deuxième année avec Camelot d’un jour.

À la Grande Bibliothèque, l’actrice et réalisatrice Mariloup Wolfe a trouvé l’espace dans son horaire pour participer à Camelot d’un jour pour la première fois. Elle est jumelée à Samir, qu’elle voit depuis des années devant le Jean Coutu près de chez elle, sur l’avenue du Mont-Royal. « J’ai hâte d’en connaître plus sur son histoire ! », lance-t-elle au passage.