Les 15 kilomètres de berges publiques donnent des maux de tête aux dirigeants de Verdun. Hors de la plage urbaine surveillée, elles comportent leur lot de risques, comme en témoignent les noyades des dernières années. L’arrondissement s’avoue impuissant devant ceux et celles qui vont s’y baigner.

Le 23 juin dernier, un jeune homme de 22 ans s’est noyé dans le fleuve Saint-Laurent, dans un secteur avoisinant la plage urbaine de Verdun. Le 8 juin 2022, le corps d’un homme a été repêché dans les mêmes eaux. Le 2 septembre 2021, un homme de 30 ans qui pêchait à L’Île-des-Sœurs s’est noyé. Ce type de drame se répète, année après année, dans l’arrondissement riverain.

Ces évènements ont tous eu lieu en dehors de la zone de baignade surveillée mise à la disposition des citoyens par l’arrondissement. « La plage de Verdun, on y a investi des millions de dollars, souligne la mairesse de Verdun, Marie-Andrée Mauger, en entrevue. Le littoral a été organisé selon une certaine pente sécuritaire. On a fait comme une digue pour couper le courant. »

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Même si l’accès à l’eau est facile dans l’arrondissement, la baignade n’est surveillée qu’à la plage de Verdun.

L’arrondissement soutient qu’il n’a pas l’autorité d’interdire la baignade en dehors de cette zone. « La baignade, c’est à nos risques et périls, renchérit la mairesse. Simplement en regardant le fleuve, on voit que le courant est important. Il ne faut pas présumer que le littoral est dans une descente constante. C’est une descente qui est parfois très abrupte. »

La mairesse estime qu’il ne suffit pas de bien savoir nager pour se baigner dans le fleuve. Selon elle, il faut faire preuve « de prudence et d’humilité » devant ce grand plan d’eau dont « on ne voit pas le fond et dont on ne peut pas nécessairement anticiper les courants ».

Se baigner, coûte que coûte

Il y a deux semaines, La Presse s’est rendue sur le terrain, à la plage urbaine de Verdun. La baignade y était exceptionnellement interdite de manière préventive, en raison de refoulements d’égouts causés par les fortes pluies de la veille. C’est également un souci de qualité de l’eau qui a causé la fermeture de la plage Jean-Doré annoncée mercredi. Sa réouverture est prévue samedi.

À Verdun, la mauvaise qualité de l’eau n’a pas freiné les baigneurs les plus déterminés. Comme nous l’avons constaté lors de notre passage, ils se sont installés tout juste en dehors de la zone surveillée.

« Il fait tellement chaud ! C’est sûr que j’aurais préféré me baigner à la plage, parce qu’il y a moins de roches, mais c’est mieux que rien », a lancé Éléonore Maltais de Lalonde, qui se rafraîchissait dans l’eau avec ses amis.

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Gabriel Gallindo et ses enfants se baignaient à l’extérieur du secteur surveillé à la plage de Verdun puisque la baignade y était interdite il y a deux semaines.

Verdunois et père de deux enfants, Gabriel Gallindo connaît bien la plage. Mais comme la baignade y était interdite, il s’était éloigné du secteur surveillé avec ses fils pour ne pas se faire réprimander. « Je vais rester quelques minutes, puis les amener à la piscine. »

Pour la mairesse, faire abstraction de la mauvaise qualité de l’eau ou faire preuve de témérité, c’est une question de jugement. « À un moment donné, on ne peut pas prendre les gens par la main. »

Un centre aquatique qui tarde… et tarde

Cours de natation riment avec prévention des noyades. Mais à Verdun, comme à plusieurs endroits au Québec, trouver une place où apprendre à nager n’est pas une mince affaire.

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Contrairement à Verdun, qui attend toujours le sien, Rosemont s’est doté d’un nouveau centre aquatique l’an dernier.

À l’heure actuelle, l’arrondissement de 70 000 habitants dispose d’une seule piscine intérieure offrant des cours de natation. Située à l’Académie Beurling, elle peut accueillir seulement 75 baigneurs. Et elle est fermée pour l’été.

Les citoyens attendent depuis 2008 la construction d’un centre aquatique qui pourrait offrir son lot de cours de natation. L’arrondissement avait alors annoncé la mise en chantier d’un bâtiment à deux pavillons, mais celui-ci n’a jamais vu le jour.

En 2018, l’administration de Valérie Plante avait annoncé la construction de deux centres aquatiques, un à Pierrefonds-Roxboro pour 2023, ainsi qu’un second à Verdun en 2024. Mais à ce jour, toujours rien.

Ce sont de gros projets, très coûteux, souligne en entrevue la mairesse de Verdun, Marie-Andrée Mauger. « La Ville de Montréal, avec son programme d’installations aquatiques, mène de front un projet à la fois. On a terminé le centre aquatique Rosemont, on enchaîne avec Pierrefonds-Roxboro. Verdun est en lice pour le prochain projet. »

Trouver le bon emplacement

Marie-Andrée Mauger assure que l’arrondissement est « à fond » dans la planification du centre aquatique. Or, pour le moment, l’emplacement exact du projet n’a pas encore été choisi.

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Marie-Andrée Mauger, mairesse de Verdun

L’enjeu, c’est de trouver un terrain municipal qui a une superficie d’au moins 3000 mètres carrés, qui se trouve près des grands bassins de population et qui est accessible en transport actif et collectif.

Marie-Andrée Mauger, mairesse de Verdun

Il n’y a pas énormément d’options. Et ultimement, il faudra inévitablement faire un choix entre Verdun et L’Île-des-Sœurs.

« À L’Île-des-Sœurs, il y a un manque de services à plusieurs égards, et les sports et loisirs en font partie, explique la députée solidaire de Verdun, Alejandra Zaga Mendez, jointe au téléphone. Depuis mon élection, je travaille sur un projet de construction d’une troisième école à L’Île-des-Sœurs, primaire et secondaire, à l’intérieur de laquelle on pourrait construire une piscine. »

Pour le moment, le projet est mis en veilleuse, précise la députée.

« C’est sûr que c’est un projet qui est long, mais il avance, souligne Marie-Andrée Mauger. À Verdun, on a la chance d’avoir quatre piscines extérieures. C’est vraiment sur les installations aquatiques intérieures qu’on a un grand défi. »

En attendant la construction d’une piscine intérieure, les Verdunois doivent opter pour des cours estivaux dans les piscines extérieures, ou alors se tourner vers d’autres arrondissements.

« On a tenté des démarches pour donner priorité aux résidants de Verdun dans les piscines des arrondissements adjacents de LaSalle et du Sud-Ouest, précise Marie-Andrée Mauger. Mais ces infrastructures aquatiques intérieures sont déjà au maximum de leur capacité. »