Des résidants de Longueuil décrient la volonté de l’administration Fournier de leur facturer quelque 20 000 $ chacun afin de financer la construction d’un mur antibruit entre la route 116 et leur quartier résidentiel.

La municipalité est la troisième du Grand Montréal, après Mascouche et Brossard, à proposer dans les derniers mois l’imposition d’une « taxe d’amélioration locale » pour une telle structure. Chaque fois, des citoyens s’y opposent en faisant valoir que c’est l’ensemble de leurs concitoyens qui devraient mettre la main à la poche.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Longueuil s’est engagé il y a déjà plusieurs années à construire le mur à même son budget. Quelques centaines de mètres ont d’ailleurs déjà été construits il y a 10 ans. Mais devant l’explosion du budget de son projet, depuis la pandémie, Longueuil a opté pour une solution originale : offrir aux 265 résidants de l’arrondissement de Saint-Hubert qui profiteront directement du mur d’assumer la différence entre l’estimation de 2018 et le coût réel, à défaut de quoi le projet sera abandonné.

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Segment du mur antibruit déjà construit

Facture prévue, en l’absence de dépassements de coûts : jusqu’à 23 600 $ pour ceux qui veulent payer d’un coup ou jusqu’à 36 300 $ étalés sur 20 ans.

« Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on vient vous présenter ce scénario-là. Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on constate l’explosion des coûts dans ce projet-là », a dit la mairesse Catherine Fournier aux citoyens, lors d’une récente séance d’information.

« C’est un projet parmi énormément de projets », a-t-elle ajouté. Plus tôt dans la rencontre, ses fonctionnaires avaient expliqué aux citoyens que leur projet représentait 12 réfections de parc ou 2 terrains de soccer synthétiques.

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La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier

Moi, je suis responsable de l’ensemble de la Ville de Longueuil en tant que mairesse, et il y a des choix qui ne sont pas faciles.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

Catherine Fournier a promis une décision finale à court terme.

Mais ses explications ne passent pas.

« On veut le mur », a fait valoir Marc Pastor, en entrevue avec La Presse. « On ne devrait pas avoir une cenne à payer étant donné que ça a été décidé il y a plusieurs années et que c’est dû au trafic qui a augmenté depuis une dizaine d’années. »

« J’ai acheté cette maison-là en 2020 parce que j’ai appelé à la Ville et on m’a dit que c’était budgété et que ça allait se faire », a expliqué Alejandra Camacho, une résidante du secteur, en séance publique. « Votre équipe s’est présentée chez nous et m’a promis que j’allais avoir mon mur. »

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La route 116, à Longueuil, où se trouverait le nouveau mur antibruit. À droite, l’avenue Raoul.

Le mur séparerait le quartier de la route provinciale 116, où la circulation a beaucoup augmenté avec les années, mais aussi d’une voie ferrée et de l’aéroport de Saint-Hubert.

Mascouche et Brossard abandonnent

Si Longueuil va de l’avant avec ce projet, la Ville utiliserait un pouvoir de taxation prévu de longue date dans la loi, a expliqué Marie-Claude Prémont, professeure à l’École nationale d’administration publique (ENAP).

« C’est une très vieille taxe », a-t-elle expliqué. Traditionnellement, elle était notamment utilisée pour faire payer l’installation du réseau de distribution d’eau uniquement aux maisons qui y étaient raccordées. « C’est le cas classique où c’est assez clair. »

Mais la loi n’encadre que très minimalement le type de projets qui peuvent faire l’objet d’une telle taxe locale, a-t-elle continué.

Depuis le début de l’année 2023, Mascouche et Brossard ont aussi offert à certains de leurs citoyens de financer – totalement ou partiellement – la construction de murs antibruit le long d’artères passantes.

Ce printemps, des voisins qui résident à proximité de l’A25 à Mascouche avaient été estomaqués d’apprendre qu’ils auraient peut-être à payer jusqu’à 437 000 $ en taxe d’amélioration locale pour ériger une barrière antibruit. « On ne va pas payer tout ça pour le caprice de quelqu’un », avait dénoncé le résidant Miguel Thomas en entrevue avec La Presse. « Je n’ai pas ça. Je suis à la retraite. Avec notre retraite, on arrive, on s’en sort, mais c’est impossible. » Après un sondage qui montrait une forte opposition, Mascouche a abandonné le projet.

Même scénario à Brossard. La Ville a annoncé la semaine dernière qu’elle n’irait pas de l’avant dans la construction d’un mur antibruit de 13 millions le long de la 132. Elle proposait d’assumer 75 % de la contribution municipale au projet et de refiler 25 % de cette facture à 712 propriétaires.

Souvent « très contesté »

Selon Danielle Pilette, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et experte du monde municipal, l’utilisation de la taxe d’amélioration locale était pourtant en diminution dans les dernières années.

Ce type d’utilisation – pour un mur antibruit – est souvent « très contesté », a-t-elle souligné.

Dans beaucoup de cas, le bénéfice est aussi pour l’ensemble de la ville. [Une taxe d’amélioration locale], ça peut rapidement devenir très inéquitable.

Danielle Pilette, professeure à l’UQAM et experte du monde municipal

Comme les autres décisions d’un conseil municipal, l’imposition d’une taxe locale d’amélioration pourrait faire l’objet d’une contestation devant les tribunaux, ou encore d’un processus d’approbation référendaire. Mais une fois la taxe imposée, elle devient obligatoire pour tous les citoyens visés. Des immeubles peuvent être saisis et vendus aux enchères en cas de non-paiement, comme pour le reste des taxes municipales.

Fréquent ou pas, le projet ne semble pas passer à Longueuil. Pas un seul citoyen ne s’est exprimé en faveur du projet, lors de la séance de la fin de juin.

« Le monde qui est ici n’est pas content, a résumé Alejandra Camacho. Il y a quand même une limite à prendre les gens pour des imbéciles. »

« Avoir ce prix-là à payer sur mon compte de taxes, je n’en veux pas du mur », a déclaré Hugo Bergeron, qui habite tout près depuis 1999. « Dans 10 ans, je veux vendre ma maison à un prix raisonnable, avec un compte de taxes raisonnable, pour que la petite famille qui va habiter chez nous ait un prix raisonnable à payer. »

En savoir plus
  • De 16 350 $ à 23 600 $
    C’est la contribution par adresse prévue par Longueuil en paiement unique. La contribution peut aussi être de 1250 $ à 1815 $ par année pendant 20 ans.
    Source : Ville de Longueuil