La qualité de l’air dans la métropole québécoise était la plus mauvaise au monde

L’image est surréelle : un dimanche d’été, l’un des plus grands parcs de Montréal est déserté. En arrière-plan, la tour du Stade olympique s’incline dans la grisaille. Son toit scintille de reflets orangés. Les Montérégiennes, ces montagnes qu’on voit habituellement à l’horizon, ont disparu.

Montréal s’est tenu au sommet du palmarès des grandes villes avec la pire qualité d’air au monde dimanche, en raison des incendies de forêt. Ce goût de fumée a touché des dizaines de villes dans la province et forcé l’annulation de tournois sportifs et d’activités culturelles.

Il y avait encore 116 incendies de forêt à des centaines de kilomètres au nord de la métropole dimanche. Un vent en provenance du nord-ouest a poussé les panaches de fumée jusque dans le sud du Québec, a expliqué Samir Al-Alwani, météorologue pour Environnement Canada.

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Fait rare pour un dimanche estival : le parc Maisonneuve, dans l’est de Montréal, était pratiquement désert.

Une alerte de smog était aussi en vigueur dans la majorité des régions de la province.

« Ça donne une sensation dans la gorge, ce n’est pas bon du tout », a observé David, croisé au parc Maisonneuve, dans l’est de Montréal. Il faisait partie des rares groupes qui ont osé s’aventurer dehors.

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David plie bagage au parc Maisonneuve, lui qui espérait faire un barbecue avec deux amis et leurs enfants.

Avec deux amis et leurs enfants, il espérait faire un barbecue. À notre arrivée, il était plutôt en train de plier bagage.

Dimanche matin, l’indice de qualité de l’air au centre-ville de Montréal a atteint 407. Elle est considérée comme mauvaise à partir de 51.

Un indice pire qu’à Jakarta, en Indonésie, à New Delhi, en Inde, ou à São Paolo, au Brésil, selon le site internet IQair.

Classement des villes avec la pire qualité de l’air*

  • Montréal, Canada
  • Koweït, Koweït
  • New Delhi, Inde
  • Hanoï, Viêtnam
  • Jakarta, Indonésie
  • Chengdu, Chine
  • Tachkent, Ouzbékistan
  • Karachi, Pakistan
  • Katmandou, Népal
  • Dubaï, Émirats arabes unis

* Dimanche à 18 h 25, selon IQair

La métropole a trôné au sommet du palmarès des grandes villes avec la pire qualité de l’air au monde toute la journée.

« C’est sûr que c’est inquiétant », a noté Mariama Diallo, âgée de 68 ans. La dame qui vient de la Rive-Sud de Montréal prévoyait visiter le Jardin botanique avec son mari, sa fille et ses petits-enfants. Le groupe s’est buté à une porte fermée, en raison de la piètre qualité de l’air.

M. Diallo, à ses côtés, a des problèmes cardiaques, selon sa fille Fatoumata. « Moi, je suis enceinte et j’ai oublié mon masque », a-t-elle ajouté.

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Ousmane et Mariama Diallo

Après avoir laissé les enfants dépenser un peu d’énergie, le groupe est reparti vers le stationnement du parc Maisonneuve.

Mais tous n’ont pas décidé d’éviter l’exercice physique. Julie-Anne, en patins à roulettes, est surtout inquiète pour la planète.

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Julie-Anne, en patins à roulettes, au parc Maisonneuve

Végétalienne, active, elle considère « qu’on est en train de vivre les conséquences de ce qu’on fait. Mais est-ce que ça va m’empêcher d’aller dehors ? Non », tranche-t-elle.

Sans compter ceux pour qui être dehors est un gagne-pain. « Le smog, c’est sûr qu’aujourd’hui, c’est quelque chose », déplorait Michel Bourdeau, propriétaire de Crème mobile.

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Michael Ouzilleau et son patron Michel Bourdeau

Son employé Michael Ouzilleau – qui manœuvre le chariot à crème glacée – ne portait pas de masque. « Avec un masque et la chaleur, il fait encore plus chaud ! », a-t-il expliqué. La solution, pour eux : des bouteilles d’eau.

« Ça monte à la tête »

« Si on enlève le masque pendant cinq ou dix minutes, ça monte à la tête », s’exclame Jean-Maxime. Nous l’avons croisé dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, en plein déménagement. Chaque membre du groupe d’amis portait un masque.

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Jean-Maxime, en plein déménagement

À quelques jours du 1er juillet, entre la pluie de samedi et celle prévue pour le reste de la semaine, les camions de déménagement sillonnaient la ville.

« Ce n’est pas le fun, mais c’est correct pour l’instant », a souligné Kate, en déposant une table de salon en bordure du trottoir, sur la 1re Avenue.

« On avait un peu d’appréhension, mais finalement, ce n’est pas si pire ! », a observé de son côté Karine Hervieux, de son nouveau balcon de la rue de Rouen, dans Hochelaga-Maisonneuve.

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Karine Hervieux décharge une boîte de son camion de déménagement.

Le groupe d’amis, dans la trentaine, a décidé qu’il n’avait pas besoin de masque. Mais ils prévoyaient plonger dans une piscine en fin de journée, et boire beaucoup d’eau.

Annulé, annulé, annulé

Si les déménageurs sont obligés d’être à l’extérieur, plusieurs activités sportives et culturelles ont été annulées dimanche.

« Afin d’assurer la santé respiratoire de la population, la Ville de Montréal annonce la fermeture de ses plateaux sportifs extérieurs et l’annulation de ses activités culturelles extérieures jusqu’au 26 juin à midi, a indiqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante, sur Twitter. Les piscines et les pataugeoires sont aussi visées par cette mesure d’exception. La situation sera réévaluée demain selon l’évolution de la situation. »

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Un voile de fumée enveloppait le pont Jacques-Cartier.

Les épreuves des séries des Championnats du monde de triathlon en relais mixte, qui se tenaient dans le Vieux-Port, n’ont pas eu lieu, tout comme le spectacle spécial Saint-Jean de Piknik Électronik, qui devait se tenir au parc Jean-Drapeau à Montréal dimanche à 16 h.

À Mont-Tremblant, dans les Laurentides, la compétition Ironman 70,3 a aussi été annulée.

La plupart des sports extérieurs ont été suspendus dans les villes touchées par le smog. Chez Soccer Québec, les matchs prévus dimanche et les compétitions provinciales ont été annulés, a indiqué la fédération sportive.

À Val-d’Or, la plage municipale et des jeux d’eau ont été fermés et les activités de la roulotte Lire au parc ont été annulées. La Ville de Rouyn-Noranda avait déjà averti ses résidants de prendre les mesures nécessaires samedi, tout comme la Ville de Sept-Îles, sur la Côte-Nord.

La qualité de l’air devrait revenir à la normale dans l’après-midi de lundi, grâce à un changement dans la direction des vents, selon M. Al-Alwani, d’Environnement Canada. De la pluie prévue dès lundi après-midi aidera aussi à faire retomber les particules fines en suspension dans les airs.

La fumée des incendies de forêt dans le nord du Québec est si importante qu’elle sera visible jusqu’en Europe, où elle pourra être aperçue sur la côte ouest à partir de lundi, selon ce qu’a indiqué sur Twitter le directeur scientifique du Service Copernicus pour la surveillance atmosphérique, Mark Parrington.

Avec Vincent Larin, La Presse

Des enjeux pour la santé

« Les personnes atteintes d’une maladie pulmonaire [comme l’asthme] ou d’une maladie cardiaque, les personnes âgées, les enfants, les femmes enceintes et les personnes qui travaillent à l’extérieur risquent davantage de subir des effets de la fumée des incendies de forêt sur leur santé », prévient Environnement Canada.

Les symptômes ressentis en raison du smog sont :

  • un essoufflement
  • une respiration sifflante
  • une toux sévère
  • des étourdissements
  • des douleurs thoraciques

« Si vous avez des symptômes ou que vous ne vous sentez pas bien, restez à l’intérieur », renchérit l’agence fédérale. Il est aussi recommandé de communiquer avec un professionnel de la santé si ces symptômes apparaissent. Urgences-santé n’a toutefois pas observé une hausse de ses interventions à Montréal dimanche, a indiqué le porte-parole Jean-Pierre Rouleau.