Le drapeau panafricain flottera pendant tout le mois de février devant le QG de la police de Montréal. Un message d’inclusion.

Rouge pour le sang versé, noir pour l’esclavagisme, vert pour les richesses naturelles. Le drapeau panafricain, d’ordinaire utilisé dans des contextes diplomatiques ou militants, vient de faire son entrée à Montréal. Et pas n’importe où.

Depuis mercredi, ce symbole politique décolonial flotte devant le QG du service de police de la Ville de Montréal (SPVM), à côté des drapeaux de la ville, du Québec et du Canada. L’initiative, lancée par le regroupement des employés noirs et afrodescendants du SPVM, coïncide avec le mois de l’Histoire des Noirs, et se poursuivra jusqu’à la fin de février.

« Ce symbole veut dire qu’il y a une solidarité entre les employés et que la communauté noire et afrodescendante est bienvenue dans l’organisation, explique Rose-Andrée Hubbard, conseillère au département d’Équité, diversité et inclusion (EDI) du SPVM. On veut montrer que la diversité est attendue au SPVM. »

Mais l’objectif est plus vaste, ajoute Mme Hubbard. Avec ce pavillon, on s’adresse aussi à la rue : « C’est un message qu’on envoie à la population. Et ce message, c’est que si nous considérons nos employés à l’interne, la population peut aussi nous faire confiance, que nous ne sommes pas dans l’inertie et que nous allons tout mettre en œuvre pour être à l’écoute de tous les Montréalais. »

Le geste n’est pas anodin, alors que le problème du racisme systémique continue de nourrir l’actualité, ici comme aux États-Unis. C’est la première fois, sauf erreur, que le drapeau panafricain flotte devant les bureaux d’un service de police en Amérique du Nord. Et c’est une prise de position inhabituelle, compte tenu du caractère apolitique normalement exigé par le SPVM.

Des voix discordantes

L’initiative ne fait pourtant pas l’unanimité. Sur les réseaux sociaux, des voix ironisent sur sa valeur, dans un contexte où le profilage racial demeure pratique courante. « Au lieu de nous remplir de vos symboles… commencez donc une réelle autocritique sur votre rapport avec les minorités à Montréal », écrit notamment Jogoy Maak sur Twitter.

Porte-parole pour la Coalition rouge, organisation militante contre le profilage racial au Canada, Alain Babineau abonde dans ce sens… jusqu’à un certain point. Il reconnaît qu’il reste beaucoup à faire pour enrayer le racisme systémique au pays. « Cinq policiers de la GRC viennent d’être inculpés pour le meurtre d’un Autochtone dans l’Ouest. Il n’y a pas un chef de police qui a dénoncé ça », déplore-t-il.

Mais il ne critique pas pour autant l’initiative du SPVM. « Les gens sont vites à dire que le SPVM ne fait rien, et lorsqu’il fait quelque chose, ils critiquent encore. À un moment donné, où arrête la critique et où commence la reconnaissance d’un geste ? Le drapeau est symbolique, mais il est quand même important », dit-il.

Fait à noter, le SPVM n’est pas la seule institution à avoir hissé le drapeau panafricain. Il flotte aussi devant l’hôtel de ville de Montréal, l’Université de Windsor et le musée Dufferin d’Orangeville, en Ontario.

Le drapeau panafricain a été créé le 13 août 1920, lors de la première convention de l’UNIA-CL (Universal Negro Improvment Association and African Communities League), initié par le Jamaïcain Marcus Garvey, un des pionniers du décolonialisme.

À la fois mouvement intellectuel et idéologie politique, le panafricanisme fait la promotion de l’indépendance du continent africain et de la solidarité entre Africains et afrodescendants partout dans le monde. Bob Marley, Malcom X, Patrice Lumumba et Thomas Sankara comptent parmi les grandes figures du panafricanisme. La plus grosse organisation panafricaine est l’Union africaine, fondée en 2002.