La concentration de pollen dans l’air ne cesse d’augmenter en raison des changements climatiques et de l’aménagement urbain. En août, la Ville de Montréal a même enregistré un record de concentration de pollen d’herbe à poux.

Le 29 août, le Laboratoire de recherche en aérobiologie (LRA) a mesuré une concentration de pollen d’herbe à poux de 292,59 grains/m⁠3 à Montréal, un record depuis cinq ans.

« Au Canada, depuis les 25 dernières années, on observe une tendance à la hausse du pollen dans l’air. Avec des saisons plus chaudes et plus longues, il y a plus de pollen qui est produit », explique Daniel Coates, directeur du LRA.

En 1998, le Laboratoire a mesuré une quantité totale de pollen de 18 000 grains/m⁠3. Depuis, la quantité moyenne de pollen dans l’air dans les villes canadiennes a augmenté de 6000 grains/m⁠3.

Une étude menée par l’Université du Wisconsin indique également une augmentation de 21 % de la concentration du pollen en Amérique du Nord depuis les années 1990.

Les changements climatiques prolongent la saison de floraison, et donc la période des pollens dans l’air. On observe ainsi une augmentation de la durée des symptômes des allergies, souligne Magalie Canuel, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Elle note les éternuements, les écoulements et congestions nasales et le larmoiement des yeux comme symptômes dominants. Une personne sur cinq souffre de rhinites allergiques dans la province, ajoute la spécialiste.

« Cette année, c’en est une bonne »

« Cette année, c’en est une bonne », déplore Michelle Paradis, allergique depuis toujours à l’herbe à poux. La résidante de Blainville traverse toutefois une saison « particulièrement intense » cette année, souligne-t-elle. Depuis trois semaines, elle endure de fortes démangeaisons de la gorge et des yeux. « Mes yeux piquent au point de vouloir les arracher », déplore-t-elle.

Josée-Anne Laporte, quant à elle, s’en tient à la médication quotidiennement depuis plus de trois semaines pour minimiser ses symptômes. Autrement, elle souffre de démangeaisons à la gorge, aux yeux et aux oreilles. « Une fin de semaine, j’avais oublié mes médicaments. C’était horrible », souligne-t-elle.

Magalie Canuel précise que la tendance à la hausse du pollen dans l’air représente un problème important pour la santé publique, puisque les allergies saisonnières peuvent déclencher, voire exacerber les symptômes d’asthme chez ceux qui en souffrent.

La saison du pollen s’étend d’avril à octobre au Canada. Les allergènes proviennent notamment des arbres au printemps, et des graminées en été. La saison de l’herbe à poux s’étire ensuite d’août à octobre.

Pollution atmosphérique

La pollution atmosphérique fragilise les muqueuses nasales et peut rendre certaines personnes encore plus sensibles à l’action des pollens, souligne Magalie Canuel. La pollution augmente l’allergénicité des pollens : elle dégrade la structure des pollens, ce qui libère plus d’allergènes plus rapidement, explique-t-elle.

Le dioxyde de carbone stimule la croissance des plantes et la production des pollens. On va ainsi observer des concentrations plus élevées de pollen dans l’air.

Magalie Canuel, épidémiologiste à l’INSPQ

Par ailleurs, les étés, qui deviennent plus chauds au Québec, favorisent la propagation de certaines plantes comme l’herbe à poux, ajoute Magalie Canuel.

Cette plante, qui ne tolère pas la concurrence, a besoin d’une seule chose pour exister, soit un sol exposé à nu, explique Alain Paquette, professeur en sciences biologiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Pour s’en débarrasser, il faudrait alors cesser la tonte intégrale des terrains, selon le professeur.

Masculinisation de la forêt urbaine

Outre les changements climatiques, Alain Paquette attribue l’augmentation des pollens dans l’air à l’activité humaine. Au cours des dernières années, la proportion d’espèces mâles a augmenté dans les forêts urbaines pour des raisons « purement esthétiques », souligne le spécialiste. Les municipalités « abusent » de certaines espèces, selon lui.

En ville, on préfère les espèces mâles aux espèces femelles parce qu’elles ne produisent pas de fruits. Toutefois, ce sont les fleurs mâles qui produisent les pollens, explique-t-il.

Pour remplacer un problème d’intolérance et d’esthétique, on a créé un problème de santé publique.

Alain Paquette, professeur en sciences biologiques à l’UQAM

Les plantes qui posent un problème en matière d’allergies sont notamment pollinisées par le vent, souligne le professeur. « Déjà, si on faisait attention au choix d’espèces pour favoriser [celles qui sont] pollinisées par les insectes plutôt que par le vent, on réduirait le problème. »

Selon Alain Paquette, la diversification des espèces dans les forêts urbaines est nécessaire pour réduire la concentration de pollen dans l’air. « Comme toutes les espèces ne fleurissent pas en même temps, on va aussi mieux distribuer dans le temps les concentrations de pollen. »