(Washington) Fin de l’impunité dans les robinets : les autorités américaines ont pour la première fois annoncé mercredi instaurer des seuils limites dans l’eau courante pour les PFAS, surnommés « polluants éternels » et liés à de graves problèmes de santé, dont des cancers.

Cette nouvelle réglementation doit permettre de réduire l’exposition aux PFAS d’environ 100 millions de personnes, et empêcher « des milliers de décès », selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).  

Il s’agit de la mesure « la plus forte jamais prise sur les PFAS par l’EPA », a déclaré son patron, Michael Regan.  

La mesure est louée par les associations environnementales, mais suscite l’inquiétude des opérateurs privés, qui en ont critiqué le coût.

Les per et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une grande famille de molécules de synthèse utilisées depuis les années 1940 et ayant été développées pour leur résistance à la chaleur ou encore leur imperméabilité.  

Ils sont par exemple utilisés dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (Téflon), des détergents, des cosmétiques et biens d’autres objets.

Problème : ces propriétés les rendent quasi indestructibles, leur permettant ensuite de s’accumuler dans la nature ou le corps humain.  

Or l’exposition à certains PFAS a été liée à des cancers et peut affecter la fertilité ou encore le développement des jeunes enfants, a souligné l’EPA.  

« Il ne fait aucun doute que ces composés chimiques ont été importants pour certaines industries et certains usages des consommateurs », a déclaré Michael Regan. « Mais il ne fait pas non plus de doute que beaucoup d’entre eux peuvent être nocifs pour notre santé et l’environnement ».

Selon une étude de 2023 d’une agence gouvernementale américaine, au moins 45 % de l’eau des robinets aux États-Unis est contaminée aux PFAS.

Délai de 5 ans

Dans le détail, la nouvelle réglementation concerne cinq types de PFAS – notamment les PFOA et PFOS, les plus étudiés et les plus souvent détectés.  

S’il existe des milliers de PFAS, viser ceux-là permettra d’en filtrer d’autres au passage, selon David Andrews, scientifique à l’Environmental Working Group (EWG), une organisation très engagée sur ce sujet.  

Et même si d’autres sources d’exposition existent (nourriture…), l’eau en est une « importante » et la nettoyer des PFAS est faisable rapidement, puisqu’elle est filtrable, a-t-il expliqué.

L’EPA estime qu’entre 6 % à 10 % des systèmes fournissant de l’eau potable (66 000 au total) devront prendre des mesures pour se conformer aux nouvelles normes.  

Ils auront d’abord trois ans pour tester leur eau et informer la population des niveaux de pollution observés. Puis deux ans supplémentaires pour agir, par exemple en installant des filtres spécifiques.  

Plusieurs organisations représentant l’industrie se sont inquiétées du coût de ces mesures, « sous-estimé » par l’EPA selon elles.

« Se mettre en règle avec ces normes fédérales va coûter des milliards de dollars », a argué Robert Powelson, de l’Association nationale des compagnies des eaux. Ce coût va retomber de façon « disproportionnée » sur « les consommateurs », a-t-il assuré.

Le gouvernement de Joe Biden souligne que les bénéfices engendrés en termes de santé publique excèdent ces coûts. Il a aussi annoncé mercredi la mise à disposition d’un milliard de dollars pour aider à financer ces installations – des fonds issus d’une grande loi de rénovation des infrastructures adoptée en 2021.

« Victoire »

Une dizaine d’États américains avait déjà des limites pour les PFAS dans l’eau potable et pourra les conserver si elles sont plus strictes que les nationales.  

D’autres pays, ainsi que l’Union européenne, ont également déjà des seuils limites.  

Mais ceux annoncés mercredi par les États-Unis sont « parmi les plus stricts du monde, voire les plus stricts », selon Melanie Benesh, de l’Environmental Working Group.

La nouvelle réglementation est « historique », a-t-elle dit à l’AFP. « C’est une grande victoire pour la santé publique aux États-Unis. »

Ailleurs aussi, les PFAS se retrouvent de plus en plus visés par les autorités : en France, l’Assemblée nationale a approuvé la semaine dernière en première lecture l’interdiction de certains produits contenant des PFAS.

Le gouvernement Biden avait lui annoncé s’attaquer aux PFAS en 2021, en lançant des actions sur plusieurs fronts.

En février, les autorités sanitaires américaines ont par exemple annoncé la fin de la vente d’emballages d’aliments contenant des PFAS (emballages de restaurant-minute, plats à emporter, sachets de maïs soufflé…), supprimant ainsi l’une des principales sources d’exposition alimentaire.  

Parmi les futures mesures encore attendues : l’EPA travaille à classer plusieurs types de PFAS comme « substances dangereuses ».