(Québec) Il « faut travailler sur différentes trajectoires d’adaptation » aux changements climatiques, pas seulement en fonction de ce qui est prévu et souhaitable, mais en fonction du pire.

C’est l’avertissement lancé par le président du Comité consultatif sur les changements climatiques, Alain Webster, qui rappelle que des milliards de dollars et des infrastructures critiques sont en jeu.

Dans une synthèse présentée récemment à la haute fonction publique, le comité a présenté plusieurs scénarios sur les impacts de la hausse des températures dans le sud et le nord du Québec.

Or, ces données donnent encore une conception « trop simple » de l’adaptation climatique, selon M. Webster, qui travaille à perfectionner divers scénarios.

Les changements climatiques forcent à revoir notamment la gestion des eaux pluviales, l’aménagement forestier, les mesures contre l’érosion des berges, l’entretien du réseau électrique, etc.

« Dans les scénarios de gestion de risques, on ne peut pas seulement s’adapter au scénario qu’on veut avoir, a expliqué M. Webster, en entrevue avec La Presse Canadienne. Il faut penser à être un peu plus prudent. »

Un seul degré Celsius de variation par rapport aux prévisions peut entraîner une suite de conséquences.

Dans le scénario le moins pire construit à partir des hypothèses du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la hausse moyenne des températures se limite à 3 degrés Celsius dans le sud du Québec d’ici à 2050 et la hausse des précipitations sera de 5 %.

Dans le « Québec des ressources », la montée de la température avoisinerait 3,5 degrés et les précipitations croîtraient de 9 %. Dans le nord du Québec, on évoque une hausse de 4,5 degrés Celsius et des précipitations en hausse de 12 %.

Le scénario optimal, c’est-à-dire la cible d’une hausse moyenne des températures de 1,5 degré prévue par l’Accord de Paris de 2015, est quant à lui encore difficile à modéliser finement sur l’ensemble du Québec, a indiqué M. Webster. Les chercheurs ont donc retenu une autre hypothèse, soit une hausse moyenne de plus de 2 degrés, qui donnerait une moyenne de 2,6 degrés au Québec.

« Si on veut gérer les risques adéquatement, il faut être un peu plus prudent dans nos stratégies de prévention, parce que la réduction des émissions de GES par les États pourrait être moins rapide et efficace », renchérit le président du Comité consultatif.

« Avec des enjeux de très, très long terme, avec des infrastructures qui sont très à risque, peut-être qu’il faut aller encore plus loin, soyons très, très prudents. Si jamais les scénarios peu probables se réalisent, il faudra augmenter (les mesures) d’adaptation. »

Mais dans le pire scénario, si rien n’est fait et que l’exploitation des énergies fossiles se poursuit allègrement, la hausse moyenne des températures dans le sud du Québec sera de 6 degrés et les précipitations de 15 % d’ici à 2100, tandis que dans le Nord ce sera pire. La moyenne des températures grimpera de 10 degrés et les précipitations de 35 %.

« Ce serait le scénario le plus catastrophique, (possible) si on ne fait rien. Fort heureusement c’est le moins probable, parce que beaucoup d’États ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre. »

La synthèse compile les coûts et retombées déjà évalués en matière d’adaptation. Ainsi, un 1 $ investi en adaptation rapporterait jusqu’à 15 $ en bénéfices directs et indirects.

Hydro-Québec a chiffré que ses coûts d’entretien du réseau passeraient de 656 millions à 1 milliard. Pas moins de 46 000 maisons seront à risque d’ici à 2050 en raison des inondations côtières. Également, les coûts des inondations intérieures dans les domiciles se chiffreront à 829 millions, en hausse de 230 %.

Le comité estime aussi que les coûts en matière de santé augmenteront, en se basant sur ce qui avait été enregistré dans le réseau de la santé lors des canicules de 2010.

Plusieurs avis à venir

C’est un printemps très chargé sur le plan de la recherche sur le climat au Québec. En effet, trois documents essentiels seront rendus publics prochainement.

Un groupe d’experts dont fait partie M. Webster déposera bientôt des recommandations sur l’adaptation climatique destinées au ministre de l’Environnement, Benoit Charette.

Il y aura aussi un bilan de l’ensemble de la démarche climatique du Québec, qui venait d’être finalisé récemment et qui devait être remis au ministre pour ensuite être rendu public.

Enfin, il y a aussi un avis qui allait être rendu au ministre sur la tarification du carbone.

Les avis sont rendus publics 30 jours après avoir été remis au ministre, à moins qu’il demande qu’ils soient rendus publics avant.