À New York, les dosettes de détergent à lessive et pour lave-vaisselle pourraient disparaître. Un projet de loi visant à interdire ces sachets en polymère est à l’étude par des élus, car leur utilisation n’aurait rien d’inoffensif.

Selon de nouvelles études scientifiques, la popularité des dosettes auprès des Américains est à l’origine d’une hausse des polluants observés dans le fleuve Hudson et ses affluents. Les capsules de PVA (alcool polyvinylique, aussi appelé PVOH) ont beau se dissoudre dans l’eau, elles laissent des traces, s’entendent pour dire des experts, notamment de l’Arizona. Des traces éternelles à l’image du plastique.

Le conseiller municipal démocrate James Gennaro raconte avoir sorti ses confrères de la torpeur hivernale, au début de février, en présentant les grandes lignes de son projet. Il propose d’interdire la vente ou la distribution de dosettes de détergent ou de feuilles de lessive contenant du PVA dans les cinq arrondissements : Manhattan, Bronx, Queens, Brooklyn et Staten Island.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Les grands producteurs de savon ont commercialisé les capsules au tournant de 2012. Les ventes ont explosé depuis.

« C’est du sérieux »

Joint par La Presse avant une réunion avec l’exécutif de la Grosse Pomme, le vieux routier de la politique admet qu’il ne se fera pas d’alliés chez les géants de la lessive, tel Procter & Gamble, qui a commercialisé les fameux « Tide Pods 3 en 1 ». L’homme représente les citoyens du district 24. Il rappelle qu’il a déjà été professeur adjoint de science politique et de politique publique environnementale au Queens College. Il connaît son sujet, assure-t-il.

Je ne veux pas interdire juste pour interdire. C’est du sérieux, comme pour les métaux lourds. Les dosettes sont de plus en plus populaires. Des millions de capsules sont utilisées chaque jour par les citoyens. Et quand le PVA se dissout dans l’eau, il laisse des résidus microscopiques qui se mélangent à d’autres contaminants. C’est la quantité, le problème majeur.

James Gennaro, conseiller municipal démocrate à New York

Selon une récente étude publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, 650 000 tonnes de PVA sont produites chaque année à l’échelle planétaire. Avec une hausse estimée de 4,09 % par année, de 2018 à 2023.

En plus de servir à fabriquer les capsules de détergent (en y ajoutant du polyéthylène glycol ou PEG, un composé de pétrochimie utilisé comme agent moussant), le PVA est utilisé dans les adhésifs, les peintures, les mastics, les revêtements et les textiles. Il a aussi des usages médicaux, notamment pour la fabrication des lentilles de contact et de certaines gouttes pour les yeux.

Professeur titulaire à la faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé est spécialiste de la chimie des sols, de l’eau, de l’environnement. Il a beaucoup étudié les polluants chimiques et les contaminants émergents. Afin d’expliquer de façon simple l’effet du PVA dans l’eau, il trace un parallèle avec le sucre et le sel.

On ne verra plus le contenu d’une cuillère de sucre ou de sel une fois qu’il est mélangé dans un verre d’eau. Mais il n’a pas disparu pour autant. C’est exactement la même chose avec le PVA.

Sébastien Sauvé, professeur titulaire à la faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal

Il existe une solution pour l’éliminer complètement des eaux usées, enchaîne le professeur. Les municipalités pourraient introduire dans les usines de filtration un processus complexe de dégradation à l’aide d’un catalyseur à base de cuivre et de manganèse.

« Mais ce serait extrêmement coûteux », ajoute-t-il.

La fin de la poudre

Par ailleurs, le professeur fait remarquer qu’il est de plus en plus difficile de se procurer une bonne vieille boîte de détergent en carton, avec du savon en poudre.

« La solution va peut-être venir des consommateurs, avance-t-il. D’autant plus qu’il est reconnu que les capsules reviennent plus chères que la poudre. On n’a pas besoin de tout ce savon pour un cycle de lavage. »

À la Ville de Montréal, un projet d’ozonation visant à désinfecter les eaux usées avant de les rejeter dans le fleuve accuse des années de retard. Et il ne dissoudra pas le PVA ou les microbilles de plastique. À la direction des relations avec les médias de l’exécutif de la mairesse Valérie Plante, on a décliné une demande d’entrevue avec un élu responsable. Cependant, on indique que Montréal n’envisage pas actuellement d’interdire les capsules de détergent à lessive et pour lave-vaisselle.

« Nos experts restent à l’affût et suivent de près les recherches sur la pollution de l’eau, et ce, en collaboration notamment avec la Chaire en eau potable de Polytechnique Montréal. Il n’y a toutefois pas de projet directement en lien avec les microplastiques », précise Kim Nantais, de la direction des relations avec les médias.

Empoisonnement

Au-delà de la question environnementale, les dosettes de détergent liquide ont fait l’objet d’un avertissement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en raison de la hausse des empoisonnements d’enfants. Une multiplication par dix en cinq ans était recensée en 2015 en Europe. « Elles ressemblent à des bonbons avec leurs couleurs vives et leurs odeurs », a prévenu l’organisation.