(Québec) Le répit s’annonce bref pour les pompiers forestiers : la fonte hâtive des neiges force la SOPFEU à diffuser un bulletin de risques d’incendie dès cette semaine, un record pour l’organisme. Ce déficit de précipitations fait craindre une autre « saison des feux importante ».

Ce qu’il faut savoir

La SOPFEU diffuse un bulletin de risques d’incendie pour les régions de la Montérégie, de l’Estrie et du Centre-du-Québec le 7 mars, un record.

Après des incendies historiques en 2023, les faibles précipitations cet hiver rendent nos forêts vulnérables à une autre « saison des feux importante ».

Environnement Canada prévoit un printemps chaud, ce qui n’améliorera pas les choses, prévient un météorologue.

« Je n’ai jamais vu ça », lance Stéphane Caron, responsable des communications à la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

« Généralement, on ouvre les premières stations météo dans la première semaine d’avril, et ce, pour la Montérégie et l’Estrie. Cette année, non seulement nous commençons le calcul du danger d’incendie dans ces deux régions, mais nous le faisons également pour la région du Centre-du-Québec. La carte devrait donc être en ligne sur notre site web [ce jeudi] matin », ajoute-t-il.

Date d’ouverture des stations météo de la SOPFEU lors des printemps hâtifs

1995 : 12 avril

2000 : 18 avril

2002 : 1er avril

2006 : 11 avril

2009 : 11 avril

2010 : 30 mars

2012 : 18 mars

2016 : 13 mars

2021 : 19 mars

2024 : 5 mars

Source : SOPFEU

Depuis 2003, l’ouverture la plus hâtive des stations météo de la SOPFEU avait eu lieu à la mi-mars, en 2016. Mais « jamais aussi tôt que cette année ». « C’est ça, les changements climatiques », affirme Stéphane Caron.

Manque de neige

La situation s’explique par un hiver doux, mais surtout par le manque de neige, qui ne s’est pas fait sentir que sur les pentes de ski et dans les centres de glisse. Le couvert de neige a donc fondu ou fondra très rapidement en forêt.

Dans le sud du Québec, le risque d’incendie n’est pas à prendre à la légère, parce qu’au printemps, la végétation est « sèche et morte ». « Un autre impact du déficit de précipitations cet hiver, c’est que le sol sera moins gorgé d’eau à la fonte et va être plus sec », dit M. Caron. Ce qui pose le plus de danger pour les incendies : les gens qui font brûler des déchets, comme des tas de feuilles, dans leur cour arrière, par exemple.

M. Caron souligne également que le nord-ouest de la province, en Abitibi et dans le Nord-du-Québec, durement frappé par des incendies de forêt historiques en 2023, n’a pas eu beaucoup de neige.

On traînait déjà un déficit de précipitations de l’an dernier, et il y a encore eu moins d’eau que d’habitude. Et c’est cumulatif. On a commencé l’hiver avec un sol plus sec, il y a moins de neige, et on aura un déficit important au printemps.

Stéphane Caron, responsable des communications à la SOPFEU

La conséquence : « On a des signaux qui montrent qu’on se dirige vers une saison des feux importante. » Cela pourrait toutefois être contrebalancé par de la pluie abondante en avril ou en mai, ajoute M. Caron. Le Québec a déjà connu, en 2010, une saison hâtive des incendies de forêt. On y a enregistré l’incendie le plus précoce, le 11 mars.

Records de chaleur

Météorologue à Environnement Canada, Simon Legault souligne lui aussi que l’hiver a été très sec dans le sud du Québec. « En Estrie, par exemple, il y a eu 8 mm de précipitations en février. La normale est de 56 mm. En janvier, il y a eu 44 mm, alors que la normale est de 73 mm. La neige est un réservoir d’eau pendant l’hiver et fond au moment où la végétation en a besoin lorsqu’elle pousse. Si la neige n’est plus là à ce moment, ça va assécher davantage le sol et ça a le potentiel de générer davantage d’incendies de forêt », explique-t-il.

C’est sans compter les records de chaleur qui ont été fracassés récemment, souligne de son côté le météorologue Gilles Brien, qui parle de « la semaine de relâche la plus douce jamais vue au Québec ». Et la situation pourrait perdurer : il montre du doigt l’aperçu saisonnier d’Environnement Canada, qui prévoit des températures au-dessus des normales des 30 dernières années pour les mois de mars, d’avril et de mai. « Les conditions risquent de ressembler à l’an dernier », prévient-il.

« Matagami [dans la région administrative du Nord-du-Québec] est dans un secteur qui représente bien les régions de la forêt nordique touchée sévèrement par les feux l’an passé. En janvier et février 2023, les précipitations totales pour les deux mois ont atteint 30 mm. Et cette année, c’est 32 mm. Loin de la normale de 80 mm pour les deux mois. Bref, même chose que l’an passé », souligne le météorologue.

Les incendies historiques de 2023, qui ont ravagé 1,1 million d’hectares de forêt, une superficie trois fois plus importante que le dernier record en date, ont poussé le gouvernement du Québec à changer ses pratiques.

En novembre dernier, le ministre de la Sécurité publique François Bonnardel a déposé un projet de loi créant une « réserve d’intervention d’urgence » devant permettre de soutenir les autorités, notamment la SOPFEU, en cas de catastrophe naturelle. Le gouvernement doit préciser, dans son budget présenté la semaine prochaine, les sommes qu’il prévoit injecter dans cette force de frappe.

En savoir plus
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    Nombre d’incendies de forêt qui ont brûlé en mars 2010 au Québec. En avril de cette même année, 107 incendies ont fait rage. La SOPFEU croit que le record de l’incendie de forêt le plus hâtif pourrait être battu cette année.
    source : SOPFEU