Les érablières bouillonnent déjà d’activité à la suite des coulées hâtives déclenchées par un redoux survenu au début de février. Les acériculteurs espèrent une collecte faste pour remplir les cuves de la réserve stratégique de sirop d’érable qui est à son plus bas niveau depuis 2008.

Ce qu’il faut savoir

Les acériculteurs observent des coulées d’eau d’érable particulièrement hâtives en raison du dégel survenu début février dans l’ensemble du Québec.

Plusieurs acériculteurs envisagent d’entailler beaucoup plus tôt dans les prochaines années.

Il reste 15 millions de livres de sirop dans la réserve stratégique, qui peut en contenir 133 millions.

« Ça nous prend une bonne saison », résume Joël Vaudeville, directeur des communications des Producteurs et productrices acéricoles du Québec.

Chaque saison des sucres, l’eau d’érable coule entre cinq et sept semaines en suivant le rythme des gels et dégels. Dans le sud du Québec, cette période s’échelonne en règle générale de la mi-février à la mi-mars, alors que plus au nord, elle s’étend de la mi-mars jusqu’en mai.

Ce qui a été particulier cette année, c’est que le premier dégel qui a eu lieu il y a trois semaines, ça a été un dégel à la grandeur du Québec. Ce qui veut dire qu’il y a des producteurs qui ont laissé du sirop sur la table parce qu’ils n’avaient pas complété leur entaillage.

Joël Vaudeville, directeur des communications des Producteurs et productrices acéricoles du Québec

C’est surtout dans les régions du Bas-Saint-Laurent et de Chaudière-Appalaches que les producteurs ont été pris de court.

L’acériculteur Denis Chouinard, de l’érablière Chouinard à Sainte-Perpétue-de-L’Islet, n’avait pas terminé ses 48 000 entailles lorsque l’eau de ses érables a commencé à couler le 8 février. L’homme de 72 ans se souvient d’un seul autre dégel survenu si tôt, dans les années 1980. « Pour la région, c’est beaucoup plus tôt parce que normalement, ça ne commence jamais vraiment avant la dernière semaine de mars », dit-il.

Déjà, ses érables ont coulé à trois reprises et il a fait bouillir deux lots. « On se prépare pour les alentours du 15 de mars, mais il va falloir penser à le faire pour le 15 de février » à l’avenir, croit-il.

Le président des Producteurs et productrices acéricoles de Montérégie-Ouest, Jean-François Touchette, abonde dans le même sens.

« Avant, la période des sucres, on parlait du mois de mars, mais là, les gros acériculteurs commençaient déjà à entailler au mois de janvier pour être prêts à une possible journée ou deux au mois de février. De plus en plus, au mois de février, il faut que ton installation soit prête, parce qu’il y a des redoux et ça commence tôt. »

Réserves

La production de sirop d’érable fluctue grandement d’une année à l’autre. Le Québec est doté d’une réserve stratégique de sirop d’érable afin de stabiliser l’offre d’une année à l’autre. Les surplus de sirop sont entreposés dans trois immenses entrepôts à Laurierville, Plessisville et Saint-Antoine-de-Tilly.

Actuellement, il reste 15 millions de livres de sirop dans la réserve stratégique, qui peut en contenir 133 millions. Les stocks des transformateurs étaient de plus de 80 millions de livres en octobre 2023, mais le syndicat de producteurs estime qu’ils auront fondu de moitié d’ici la fin du printemps.

Ce qui veut dire qu’il ne manquera pas de sirop pour 2024, mais il faut une bonne récolte parce qu’il faut commencer à reconstituer la réserve pour qu’elle puisse bien jouer son rôle dans les années à venir puis également suivre la demande à l’international.

Joël Vaudeville, directeur des communications des Producteurs et productrices acéricoles du Québec

Fluctuations de température, tempête de verglas, vents violents : la récolte de 2023 a été maigre. Le Québec a produit seulement 124 millions de livres de sirop d’érable comparativement à 211 millions de livres en 2022.

Pour éviter que la réserve tombe à sec comme en 2008, l’ajout de près de 7 millions de nouvelles entailles d’ici 2026 a été annoncé au printemps. « Le chiffre qu’on a, c’est 739 entreprises qui vont se créer d’ici 2026. »

Mais il faudra aussi la collaboration de dame Nature.

« Il ne faut pas que la chaleur s’installe, c’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’on soit en haut de 0 degré la nuit pendant trop longtemps parce que ce qui va se passer, c’est que l’arbre, il va penser que c’est l’heure de commencer à créer les bourgeons et ça donne littéralement un goût de bourgeon au sirop d’érable », explique M. Vaudeville.