Le Québec dispose d’un « cadre de gouvernance climatique » parmi les meilleurs du monde, indique un rapport indépendant, au moment où le gouvernement Legault pense avoir « enfin cassé » la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la province.

« Le cadre québécois se classe parmi les chefs de file », à côté de ceux du Royaume-Uni, de la Californie et de l’Allemagne, devançant ceux du Canada et de la France, indique une évaluation comparative préparée par Dunsky, une firme québécoise d’analyse et de stratégie spécialisée en transition énergétique, qui sera rendue publique ce mercredi et que La Presse a pu consulter.

Le document évalue l’ensemble des mécanismes qui encadrent l’adoption de mesures de lutte contre les changements climatiques, leur mise en œuvre et leur suivi.

« Ce n’est pas un document dans lequel on juge [directement] de certaines mesures », explique Lorenzo Daieff, consultant principal chez Dunsky, comparant plutôt l’exercice à une évaluation comptable.

Il ne s’agit pas de déterminer « quelle entreprise offrira le meilleur retour sur investissement en 2030, mais laquelle offre le plus de détails, de transparence et de suivi à propos de ses chiffres », illustre-t-il.

Transparence, clarté et reddition de comptes

Le Québec se distingue notamment par le fait que son plan de lutte contre les changements climatiques est mis à jour chaque année et parce qu’il calcule uniquement l’impact des mesures adoptées et financées, indique le rapport.

Ironiquement, cette rigueur jugée favorablement par Dunsky a valu au gouvernement Legault de nombreuses critiques de la part d’observateurs lui reprochant de n’avoir identifié à ce jour que 60 % des mesures permettant d’atteindre la cible québécoise de réduction des émissions de GES de 37,5 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

Le rapport salue aussi la clarté budgétaire du cadre québécois, « un des rares plans à présenter un coût par action et par année dans ses plans de mise en œuvre, ainsi que l’estimation des réductions attendues par mesure », de même que la reddition de comptes qu’il offre.

Rétablir le lien de confiance

Même si ce sont les mesures de lutte contre les changements climatiques qui auront un impact, la qualité du cadre de gouvernance est primordiale, a déclaré mardi dans une entrevue éditoriale à La Presse le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.

« [Les] critiques du Fonds vert, au départ, c’était beaucoup ça, l’absence de gouvernance », a-t-il rappelé, se disant très heureux des conclusions du rapport, que son gouvernement a commandé pour pouvoir se comparer, mais aussi s’améliorer.

La gouvernance, à la base, c’est le lien de confiance avec la population, et c’est là où je pense qu’on a rétabli une crédibilité.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Le gouvernement voudra « donner suite » aux recommandations du rapport, assure le ministre Charette, qui se dit d’emblée ouvert à ce que son plan climatique donne une meilleure idée des mesures envisagées, mais qui ne sont pas encore officiellement adoptées et financées.

« Mais je tiendrai toujours à ce qu’il y ait deux colonnes ; une qui est sûre, qui est vraie, et la deuxième colonne deviendrait en quelque sorte nos prochains chantiers », dit-il.

Le ministre Charette se dit aussi « certainement favorable » à ce que le comité consultatif sur les changements climatiques produise un bulletin annuel de l’action climatique québécoise ; ce comité étant indépendant, il a « toute la latitude pour se donner ce mandat-là », souligne M. Charette.

En revanche, le ministre est moins chaud à l’idée de doter le Québec d’un budget carbone, qui indiquerait une limite d’émissions de GES pour chaque secteur de l’économie, soulignant que le marché du carbone plafonne déjà 80 % des émissions de la province.

Pourtant, le rapport souligne que marché et budget sont « deux mécanismes qui se renforcent mutuellement », invitant Québec à se doter du second.

Le rapport appelle aussi Québec à miser davantage sur la réglementation, comme celle imposant aux constructeurs automobiles un minimum de ventes de véhicules à zéro émission, une proposition accueillie plus froidement.

« On n’est pas ceux qui veulent juger du choix des consommateurs », dit le ministre, rejetant par exemple l’idée de proposer des incitatifs à l’achat de véhicules moins énergivores.

GES « enfin » en baisse

Le rapport de la firme Dunsky est rendu public le même jour que l’inventaire provincial des émissions de GES pour l’année 2021, qui démontrera le début d’une tendance à la baisse, a affirmé le ministre Charette.

Les données devraient être très semblables à celles de l’inventaire fédéral, rendu public en avril, qui indiquait que le Québec avait généré 77 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) en 2021, soit un peu plus que pendant l’année pandémique de 2020, mais moins que les 82 Mt éq. CO2 de 2019.

« On ne reviendra plus au pic des années 2019, a assuré le ministre. On pense avoir enfin cassé la courbe [qui était à la hausse]. »

Le rapport de Dunsky mentionne d’ailleurs que Québec gagnerait à « publier plus fréquemment des estimations de sa trajectoire GES », soulignant que les données les plus récentes disponibles en novembre 2023 dataient de 2020, mais le ministre Charette estime difficile de faire plus rapidement.

La stratégie sur le caribou repoussée après les Fêtes

Québec repousse « à la mi-janvier ou à peu près » le dévoilement de sa stratégie de rétablissement du caribou, qu’il avait promise pour la fin de 2023, après moult reports, a révélé le ministre Benoit Charette, mardi, en entrevue avec La Presse. « Elle est en consultation au sein des ministères, elle est pour ainsi dire prête, a indiqué le ministre. On n’est plus dans des reports [se comptant en] mois. » La stratégie devra être soumise au Conseil des ministres, « probablement dans les premiers jours de janvier », puis fera l’objet de trois mois de consultations auprès des Premières Nations, conformément aux obligations constitutionnelles du Québec – ces dernières avaient vertement critiqué ce qu’elles en avaient vu. La stratégie déplaira « aux groupes qui sont campés », environnementalistes, autochtones et industriels, prévient le ministre, qui pense néanmoins que le grand public y verra des avancées tangibles. « On sera le premier gouvernement à réellement se doter d’une stratégie », a-t-il souligné.

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    Note accordée au cadre de gouvernance climatique québécois
    source : Dunsky