(Dubaï, Émirats arabes unis) Des manifestants déguisés en dugongs ont réclamé la fin de l’exploitation des énergies fossiles, vendredi après-midi, dans l’un des nombreux édifices de l’immense site de conférence où se tient la COP28.

Ce mammifère marin vivant en zone côtière, où il se nourrit presque exclusivement d’herbiers, ce qui lui vaut le surnom de vache marine, est menacé par de nouveaux forages gaziers menés… par l’entreprise pétrogazière dirigée par le président de la COP28, Sultan Ahmed Al Jaber, déplorait une coalition d’organisations environnementales dans un rapport publié au début du mois.

PHOTO JEAN-THOMAS LÉVEILLÉ, LA PRESSE

Des manifestants déguisés en dugong ont réclamé la fin de l’exploitation des énergies fossiles, samedi après-midi, à la COP28.

Mais il y a peu de chances que les Émiratis entendent parler de cette action militante, puisqu’elle s’est déroulée dans la très opaque « zone bleue », où se tiennent les négociations et les autres évènements officiels de la COP28.

IMAGE FOURNIE PAR LA COP28

Carte montrant la « zone bleue » à la COP28

Les manifestations y sont permises parce que la zone bleue est un territoire international sous la responsabilité du service policier des Nations unies pour la durée de la conférence – comme l’avait été le Palais des congrès de Montréal durant la COP15, l’an dernier.

Lisez « COP15 : le Palais des congrès devient territoire onusien » (1er décembre 2022)

« En dehors de cet endroit, il n’y a rien, zéro, les manifestations sont strictement interdites dans ce pays », déplore Kjell Kühne, directeur et fondateur de l’organisation Leave it in the Ground, qui appelle, comme son nom l’indique en anglais, à laisser les combustibles fossiles dans le sol.

« Quand je me dirigeais vers la station de métro pour apporter ces affiches ici, dans l’espace onusien, des policiers m’ont interpellé pour savoir ce que je faisais », raconte-t-il, lui-même déguisé en dugong.

PHOTO JEAN-THOMAS LÉVEILLÉ, LA PRESSE

Le directeur et fondateur de l’organisation Leave it in the Ground, Kjell Kühne (à droite), lors d’une manifestation dans la zone bleue, samedi

Tenir des actions dans la zone bleue n’a pas le même impact que de le faire en public, dans les rues de la ville, dit Kjell Kühne, expliquant que les règles des Nations unies encadrant les manifestations interdisent de nommer un pays, une entreprise ou un individu.

C’est Sultan Al Jaber qui fait ce forage dans l’habitat des dugongs, et on ne peut pas mentionner son nom, son entreprise, son pays.

Kjell Kühne, directeur et fondateur de l’organisation Leave it in the Ground

« C’est la pire de toutes les COP, la plus aseptisée », s’offusque celui qui en est à sa 10COP.

Première manifestation en 15 ans

Ces restrictions à la liberté d’expression sont « un vrai problème », affirme Nicolas Haeringer, directeur de campagne pour l’organisation 350.org et spécialiste de la mobilisation durant les COP, qui coordonnait samedi après-midi l’unique grande marche de la COP28.

Des centaines de personnes ont défilé dans les allées propres de la zone bleue pour réclamer un accord climatique ambitieux marquant le début de l’abandon des énergies fossiles, ainsi qu’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, clamant qu’« il n’y a pas de justice climatique sans paix et sans droits de la personne ».

  • Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

    PHOTO FOURNIE PAR MÍDIA NINJA

    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

  • Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

  • Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

  • Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

  • Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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    Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

  • Une rare manifestation s’est tenue à la COP28, samedi, dans la zone internationale sous la responsabilité de l’ONU.

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Leurs slogans, leurs chants et leurs discours auront certes été entendus par les délégués présents sur le site, dont l’envoyé spécial du président des États-Unis pour le climat, John Kerry, qui a croisé le cortège dans une voiturette de golf électrique le transportant d’une rencontre à l’autre, mais cela n’a pas le même impact, estime M. Haeringer.

« La société civile, elle, a besoin de se mobiliser à l’extérieur [du site de la conférence], massivement, pour pouvoir peser sur les négociations, pas simplement à l’intérieur », dit-il, soulignant que chaque endroit a son importance.

Les actions menées entre les murs de la conférence sont quant à elles directement liées aux négociations et visent à avoir des répercussions immédiates, explique-t-il à La Presse, avant qu’un responsable de la police onusienne l’interrompe pour lui demander de mettre fin à la manifestation.

« On entretient des relations plutôt bonnes avec eux, sans eux on ne pourrait pas se mobiliser du tout », précisera-t-il à son retour, soulignant que cette manifestation est la première se tenant aux Émirats arabes unis depuis 2008 – des gens étaient alors descendus dans la rue pour soutenir la Palestine, raconte-t-il.

On a eu la même expérience l’année dernière en Égypte, donc ça fait deux années de suite qu’on ne peut pas manifester à l’extérieur. Ça fera trois années avec l’Azerbaïdjan, l’an prochain.

Nicolas Haeringer, directeur de campagne pour l’organisation 350.org

Sur un air des Backstreet Boys

Toute manifestation tenue dans l’enceinte d’une COP doit avoir été préalablement autorisée par les autorités onusiennes 24 heures à l’avance.

« Il faut indiquer ce qui sera écrit sur nos affiches, ce dont nous allons parler, l’heure précise, l’endroit », énumère Marina Guião, une Brésilienne faisant partie du mouvement des grèves scolaires pour le climat (Fridays for Future, en anglais), lancé par la désormais célèbre militante écologiste Greta Thunberg.

Son groupe avait misé sur l’originalité pour se faire entendre, samedi, chantant ses réclamations environnementales sur l’air de I Want It That Way, des Backstreet Boys, devant l’entrée des salles de négociation.

« Notre principal objectif est de cibler les négociateurs », a-t-elle expliqué à La Presse.

Manque de chance, les rencontres de la journée avaient été décalées, mais le cadre strict des Nations unies ne permettait pas au groupe de décaler lui aussi son action.

« Toutes ces limitations ont évidemment un objectif : on n’a pas autant d’impact, notre message ne rejoint pas autant de gens », a-t-elle regretté, estimant qu’une manifestation dans la rue était plus efficace.

« J’étais à Glasgow [à la COP26, en 2021] et le moment qui m’a le plus marquée était la marche que nous avons pu faire à l’extérieur, raconte-t-elle. Nous étions des milliers dans les rues, et assurément nous pouvions exprimer nos demandes publiquement, mais ici, nous sommes contraints à l’intérieur dans de petites boîtes. »

Après les Émirats, l’Azerbaïdjan

La COP29 se tiendra en Azerbaïdjan, l’an prochain, a annoncé samedi le ministre de l’Écologie et des Ressources naturelles de ce pays du Caucase, Mukhtar Babayev, en rencontre plénière, dénouant un blocage inédit. Le blocage de la candidature de la Bulgarie par la Russie, dans le contexte de la guerre en Ukraine, avait forcé les pays d’Europe de l’Est, où doit se tenir la prochaine COP en vertu de la tradition de rotation entre les grands blocs régionaux du monde, à s’entendre sur un plan B. La COP30, elle, se tiendra à Belém, au Brésil, en 2025.