L’agglomération de Québec s’éloigne de sa cible de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), principalement à cause du transport routier, indiquent les données de l’année 2021, montrant selon divers observateurs la nécessité d’investir « massivement » dans les transports en commun.

Les villes de Québec, de L’Ancienne-Lorette et de Saint-Augustin-de-Desmaures, qui composent l’agglomération, ont généré 3,5 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) durant cette deuxième année de la pandémie de COVID-19, révèle leur inventaire des émissions de GES de 2021, que La Presse a obtenu – l’agglomération ne rend pas encore ses inventaires publics.

Il s’agit d’une hausse de 2,5 % par rapport à 2010, alors que la capitale ambitionne de réduire ses émissions de 45 % par rapport à cette année-là d’ici 2030.

Cet objectif « commence à être vraiment, vraiment difficile à atteindre », s’est inquiété Christian Savard, directeur général de Vivre en ville, une organisation établie à Québec vouée au développement de milieux de vie de qualité.

Le secteur des transports est à lui seul responsable de près des deux tiers des émissions de l’agglomération de Québec, principalement attribuables au sous-secteur du transport routier, contre un peu plus du tiers dans l’agglomération de Montréal.

Cette part « beaucoup plus importante […] montre bien qu’on est beaucoup plus étalés, beaucoup plus dépendants de l’automobile qu’une ville comme Montréal », a réagi Alexandre Turgeon, directeur général et vice-président du Conseil régional de l’environnement de la région de la Capitale-Nationale, qui ne s’étonne pas de ce bilan.

Il y a « plus de véhicules par tranche de 1000 habitants à Québec qu’à Montréal » et moins d’industries lourdes, observe Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.

L’inventaire souligne d’ailleurs que l’augmentation du nombre de « véhicules de promenade » a été de 12 % sur le territoire de l’agglomération entre 2010 et 2021, soit le double de l’augmentation de la population.

« Les autos se reproduisent deux fois plus vite que les gens, à Québec », ironise Christian Savard.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Savard, directeur général de Vivre en ville

Continuer d’aggraver le problème

Les émissions de GES de l’agglomération de Québec continuent d’augmenter en raison de « l’immobilisme » qui perdure depuis des décennies dans la planification des infrastructures de transport et l’aménagement du territoire, déplore Alexandre Turgeon.

« Oui, on fait des gestes pour essayer de changer les choses, mais on continue de faire les gestes qui contribuent à aggraver le portrait », dit-il, donnant l’exemple des nouveaux quartiers construits en périphérie des villes et du financement du réseau routier, qui accapare 75 % du budget québécois des transports.

PHOTO FOURNIE PAR ALEXANDRE TURGEON

Alexandre Turgeon, directeur général et vice-président du Conseil régional de l’environnement de la région de la Capitale-Nationale

En Ontario, ça fait déjà 15 ans qu’on a renversé ça et que c’est plus des deux tiers [du budget] qui vont dans le financement du transport collectif.

Alexandre Turgeon, directeur général et vice-président du Conseil régional de l’environnement de la région de la Capitale-Nationale

« Comment ça se fait qu’en Ontario, ils sont capables, mais que nous, on est encore pris au XXe siècle dans une mentalité du tout à l’automobile ? », demande-t-il.

Ces choix font en sorte que « le cercle vertueux de la diminution de la dépendance à l’auto ne s’enclenche pas, et on se retrouve avec les résultats du bilan des GES de 2021 », ajoute Christian Savard.

Tous deux estiment que ce nouveau bilan démontre l’erreur de mettre sur pause le chantier du tramway de Québec, un projet dans les cartons depuis plus de 20 ans.

« Compte tenu du bilan qu’on a, on n’a pas le choix d’investir massivement dans les transports en commun », explique Alexandre Turgeon.

Christian Savard cite l’exemple de Lyon, troisième ville de France, avec une population semblable à celle de Québec, qui a réduit à moins de 50 % la part des déplacements qui se font en voiture depuis 15 ans, en investissant dans le métro, le tramway, le service rapide par bus (SRB) et le transport actif.

« La preuve est faite que ça marche », lance-t-il.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal

Le bilan montre qu’à peu près aucun progrès n’est réalisé dans la réduction des GES, [ce qui illustre] très bien l’absence complète d’efficacité des mesures actuelles déployées par les gouvernements en matière de lutte contre les changements climatiques.

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal

La Ville de Québec a décliné la demande d’entrevue de La Presse, affirmant qu’une annonce sur l’inventaire des GES est prévue au début de l’année 2024.

« Nous souhaitons attendre ce moment pour préciser les actions à venir », a indiqué son porte-parole, Jean-Pascal Lavoie.

Le cabinet du maire Bruno Marchand a de son côté indiqué être « très conscient » du travail à faire pour inverser la tendance.

« On ne peut pas continuer comme ça, sans rien changer, a indiqué le maire dans une déclaration transmise par son attaché de presse. Il faut faire mieux en valorisant le transport en commun, en moussant les options de mobilité active ou encore en intégrant une meilleure gestion de notre offre en logement et en aménagement du territoire. »

En savoir plus
  • 63,5 %
    Proportion des gaz à effet de serre provenant du secteur des transports dans l’agglomération de Québec (2021)
    Source : Ville de Québec
    38,7 %
    Proportion des gaz à effet de serre provenant du secteur des transports dans l’agglomération de Montréal (2021)
    Source : Ville de Montréal