Lors d’une inondation, la clé pour réagir le mieux possible, c’est l’information. Quel secteur est le plus à risque, quelles infrastructures sont les plus menacées par la montée des eaux, où faut-il intervenir en priorité ? Des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont mis au point une plateforme qui répond à ces questions.

C’est en 2017 que des chercheurs de l’INRS ont lancé Geosapiens, une firme spécialisée dans la modélisation et la gestion des risques d’inondation. L’entreprise a commencé par offrir ses services dès 2019 à certaines municipalités, comme Pointe-Fortune, Notre-Dame-des-Prairies et Saint-André-d’Argenteuil.

L’outil qui leur est proposé s’appelle E-nundation. Cette plateforme offre une cartographie « complète » des risques d’inondation et de nombreuses informations en temps réel aux municipalités. E-nundation permet de connaître les zones à risque d’inondation fluviale et côtière « et de gérer plus efficacement l’exposition des biens et des personnes à ce risque », affirme l’entreprise.

Dans un contexte où les changements climatiques augmentent les risques d’inondation dans plusieurs régions du Québec, l’intérêt pour une telle solution est grand. Geosapiens a récemment annoncé que sa plateforme E-nundation serait maintenant offerte dans tout le Québec. « Le nouveau produit de Geosapiens fournit la modélisation la plus exhaustive à ce jour, avec une résolution spatiale d’un mètre. Il couvre toutes les rivières et tous les ruisseaux de la province, et propose un niveau de précision sans précédent pour une telle cartographie à grande échelle », affirme-t-on.

« Le but, c’est de rendre les infos disponibles à tout le monde », confirme Hachem Agili, PDG de Geosapiens, qui soutient qu’il n’y a actuellement pas d’équivalent à l’offre de Geosapiens au Canada. « Il y a un vrai engouement pour nos données, notre modèle. On est en discussion avec la majorité des gros joueurs au Québec et au Canada », ajoute-t-il.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Hachem Agili

De son côté, Rigaud n’a que de bons mots au sujet de sa collaboration avec Geosapiens. « La Ville de Rigaud est très satisfaite de cet outil [E-nundations], qui permet à l’équipe de l’organisation municipale de sécurité civile d’avoir un portrait réel des situations sur son territoire, tout en faisant des projections selon les données provenant des stations hydrométéo et du barrage Carillon, a réagi par courriel son directeur général, Maxime Boissonneault. Nous sommes ainsi en mesure de voir les propriétés isolées, inondées, les routes praticables, non praticables ou isolées, tout en anticipant les réalités sur le territoire pour mettre en œuvre les mesures requises », ajoute-t-il.

Très utile en temps réel

Si le produit de Geosapiens est « pertinent », il faut néanmoins « mettre des bémols », estime pour sa part Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

C’est un bon outil pour faire de la gestion de risque à court terme. Ils [l’équipe de Geosapiens] viennent combler un besoin.

Philippe Gachon

Là où M. Gachon émet des réserves, c’est sur les capacités de Geosapiens à faire des prédictions au sujet des inondations. « Ce sont des modèles à très haute résolution, ça prend du temps à développer, ajoute le chercheur. Il ne faut pas faire dire à des modèles ce qu’ils ne sont pas capables de dire aujourd’hui », nuance-t-il.

Cependant, pour la gestion des risques en temps réel, c’est un bon outil, croit le chercheur.

Geosapiens, de son côté, essaie de s’intégrer aux nombreux projets de cartographie de zones sujettes aux inondations en cours. Tant le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial planchent là-dessus, tout comme la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui veut élaborer ses propres cartes, signale Philippe Gachon.

« C’est un de nos objectifs, que le gouvernement du Québec utilise nos modèles, mais il y a une certaine complexité. […] Il y a plusieurs projets qui sont menés par Québec, justement pour produire une cartographie pour toute la province, donc on essaie de s’intégrer dans ces projets », précise Hachem Agili.

Les coûts d’utilisation d’E-nundation varient selon la taille de la municipalité. La fourchette de prix varie « entre quelques milliers de dollars et quelques dizaines de milliers de dollars », explique le PDG.

Des sommes qui peuvent devenir dérisoires si elles permettent d’éviter le pire lorsqu’une inondation survient.

Avec La Presse Canadienne

De plus en plus d’humains dans les zones inondables

Les humains s’établissent de façon croissante dans des zones fortement exposées à de dangereuses inondations, notamment en Chine, avertit une étude dirigée par un économiste de la Banque mondiale, publiée récemment.

Depuis 1985, la croissance de l’urbanisation dans les zones inondables a largement dépassé la croissance dans les zones sûres.

« À une époque où le choix de l’installation des humains devrait s’adapter au changement climatique, de nombreux pays augmentent rapidement leur exposition aux inondations », a indiqué à l’AFP l’auteur, Jun Rentschler.

Son étude a analysé des images satellites sur 30 ans, retraçant l’évolution du peuplement à l’échelle mondiale, ainsi que des cartes des inondations.

L’étude a aussi révélé qu’en 2015, 20 % de toutes les zones habitées se trouvaient dans des zones présentant des risques d’inondation moyens ou élevés, contre 17,9 % 30 ans plus tôt. L’augmentation en pourcentage peut sembler modeste, mais elle représente une superficie énorme en raison de la rapidité avec laquelle le peuplement s’est développé à l’échelle mondiale depuis 1985.

Agence France-Presse

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