La Ville de Longueuil a annoncé lundi qu’elle allait augmenter considérablement la superficie de milieux naturels protégés sur son territoire d’ici 2030. Pour aider Longueuil à atteindre ses objectifs, la mairesse Catherine Fournier invite cependant Québec à modifier son projet de loi sur l’expropriation.

« Un héritage pour les générations futures »

D’ici 2030, Longueuil veut protéger au moins 1500 hectares de milieux naturels sur son territoire, qui viendront s’ajouter aux 1060 hectares déjà protégés par la municipalité. La superficie de territoires protégés dans la cinquième ville en importance au Québec passerait ainsi de 9 % à 21 %. La superficie pourrait grimper à 1800 hectares, selon les estimations de la Ville. Plus de 70 % de ces nouveaux terrains destinés à être protégés à perpétuité appartiennent déjà à la Ville. Environ 500 hectares appartiennent à des propriétaires privés. « On est en train de léguer un héritage aux générations futures », a lancé Catherine Fournier en conférence de presse.

CARTE FOURNIE PAR LA VILLE DE LONGUEUIL

Carte des milieux naturels protégés à Longueuil

« Québec a tout entre les mains »

Pour permettre aux villes d’atteindre leurs objectifs, le gouvernement du Québec doit modifier son projet de loi 22 sur l’expropriation, soutient Catherine Fournier. « Québec a tout entre les mains, le projet de loi est là. Ça prend seulement une modification pour exclure les milieux naturels de la définition d’expropriation déguisée. On va économiser du temps, on va économiser de l’argent. Ce sont les contribuables qui doivent en faire les frais. On sert les mêmes citoyens, et c’est pourquoi je tenais à interpeller Québec sur cette question-là aujourd’hui. » Rappelons que le projet de loi 22 a été déposé en mai dernier. Le gouvernement procède actuellement à l’étude détaillée du projet avant son approbation finale.

Un modèle de développement à revoir

« On ne doit plus développer nos villes comme on le faisait auparavant. On doit à la fois freiner l’étalement urbain tout en protégeant nos milieux naturels. Il faut préserver ces milieux qui nous rendent des services écologiques essentiels », a plaidé la mairesse de Longueuil en conférence de presse. Pour l’avocat spécialiste en droit de l’environnement Jean-François Girard, l’effort de Longueuil mérite d’être souligné. « Nous sommes dans un contexte où nous n’avons plus le choix. On est placés dans une urgence d’agir. [Il y a] les changements climatiques et la perte de biodiversité, sur un territoire, à l’échelle de la CMM, où on sait qu’on est en deçà du seuil critique pour maintenir la biodiversité. C’est 30 % de milieux naturels [protégés] que ça nous prend. »

La Ville dit renoncer à des revenus importants

Catherine Fournier croit par ailleurs que le nouveau plan de protection des milieux naturels de Longueuil permettra de mieux planifier le développement du territoire. « Ce plan-là, on veut s’en servir comme outil de prévisibilité pour les promoteurs », précise-t-elle. La mairesse a mentionné que cette annonce était « un impératif environnemental », mais qu’il y avait également « un coût de renonciation ». La Ville estime qu’elle renonce ainsi à des revenus fonciers d’environ 18 millions de dollars. Mais selon Mme Fournier, la valeur des services écologiques obtenus en retour « est plus élevée que 18 millions de dollars ».

30 % d’aires protégées en 2030

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Massimo Iezzoni, directeur général de la CMM

À l’échelle de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), l’annonce de la Ville de Longueuil permettra d’ajouter 1 % à la superficie de milieux naturels protégés, a précisé le directeur général de la CMM, Massimo Iezzoni. Si 22 % du territoire de la CMM se trouve ainsi protégé, M. Iezzoni reconnaît qu’il ne sera pas simple d’atteindre la cible de 30 % fixée pour 2030. « Chaque point de pourcentage, c’est très important, parce qu’on est dans une région très urbanisée. » Le DG signale que 80 % des milieux naturels sont en zone agricole et qu’il en reste seulement 20 % en milieu urbain. « Il faut grafigner pour en obtenir [plus] et les conserver. »

Québec appelé en garantie

Selon Massimo Iezzoni, les villes et la CMM agissent conformément aux orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire quand elles décident de protéger des milieux naturels. « Tout ce qu’on fait en aménagement, ce sont les orientations que le gouvernement a prises et qu’on exécute. On est liés avec le gouvernement pour ces objectifs-là. » Le DG rappelle que chaque fois que la CMM est poursuivie pour expropriation déguisée pour ce type d’enjeu, le gouvernement du Québec est appelé en garantie par ses avocats.

Des terrains privés qui valent au moins 200 millions

La mairesse de Longueuil a aussi précisé qu’on devait songer à protéger la capacité de payer des villes et des contribuables. Selon la Ville, les terrains privés appelés à être protégés par son nouveau plan valent 200 millions de dollars au registre foncier, et probablement le double en ce qui concerne la valeur marchande. « Mais quand on fait des investissements, ça fait partie de risques [de ne pas avoir toujours un retour sur son investissement] », avance Mme Fournier. Face à la perte de biodiversité et à la lutte contre les changements climatiques, il faut casser le modèle où « les profits sont privés et les coûts sont collectifs », soutient pour sa part l’avocat Jean-François Girard. « Où c’est écrit [dans les lois] que la municipalité va adopter des règlements pour que vous fassiez le plus d’argent possible avec votre terrain ? »