L’adaptation aux changements climatiques passe notamment par des solutions basées sur la nature, comme la « ruelle bleue-verte », un projet-pilote du sud-ouest de Montréal qui vise à rendre les infrastructures plus résilientes et diminuer les risques d’inondations.

La semaine dernière, les pluies torrentielles ont surchargé les égouts de Montréal et mis à rude épreuve les infrastructures de la métropole. La liste des dégâts causés par les pluies soudaines est longue et onéreuse.

Le réseau souterrain a été incapable d’avaler la quantité d’eau déversée par le ciel. Des routes, comme le boulevard Décarie, sont devenues de véritables piscines, des maisons ont été inondées, l’eau s’est également introduite dans le métro et des bouches d’égout se sont littéralement envolées sous la pression de l’eau.

Mais dans le quartier Pointe-Saint-Charles, près du bâtiment 7, qui abrite une épicerie, une brasserie, une fermette et plusieurs projets communautaires, les pluies torrentielles de jeudi dernier ne semblent pas avoir causé de dégâts et c’est peut-être grâce à la ruelle bleue-verte, qui vient d’être aménagée par des organismes communautaires et deux firmes d’urbanisme.

« Les aménagements de la ruelle bleue-verte ont prouvé leur efficacité », a indiqué le Centre d’écologie urbaine de Montréal sur les réseaux sociaux en faisant référence aux pluies torrentielles.

« On va faire une analyse hydrologique, mais tout semble fonctionner comme prévu, l’eau contenue dans les aires de biorétention n’est pas allée rejoindre le système d’égouts déjà saturé avec toute cette pluie », a précisé Vincent Ouellet-Jobin, chargé de projet en environnement au Centre d’écologie urbaine de Montréal.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Les aires de biorétention sont essentiellement des petits jardins, dans la ruelle recouverte de terre, plutôt que d’asphalte, et qui absorbent l’eau de pluie qui provient notamment du toit du bâtiment 7, un ancien atelier ferroviaire du Canadien National.

« À Montréal, la majorité des bâtiments ont un toit plat, avec un drain au centre du bâtiment, donc l’eau des rues et des toits se retrouve dans les égouts pluviaux qui sont, dans les deux tiers des cas, mélangés aux égouts domestiques », a expliqué Vincent Ouellet-Jobin.

Mais dans la ruelle bleue-verte, les drains du bâtiment 7 ont été débranchés du système d’égout vieillissant de la ville et les gouttières sont aménagées de telle sorte que l’eau de pluie se rend directement dans les aires de biorétention où poussent des végétaux.

« On a ajouté un drain au centre (des aires de biorétention) pour absorber le trop-plein pour éviter des débordements. Dans le cas de pluies centenaires, le trop-plein va se rendre au réseau d’égout. » Ce qui ne se serait pas produit jeudi dernier.

Déminéraliser la ville

Ce type de solution basée sur la nature permet de s’adapter aux changements climatiques en offrant une meilleure résilience aux inondations, mais aussi en diminuant les effets d’îlots de chaleur.

« Ça enlève l’eau du réseau d’égout pluvial, ça réduit la pression sur les infrastructures, ça crée aussi un milieu de vie et ça permet de réduire les îlots de chaleur parce qu’il n’y a pas d’asphalte qui absorbe les rayons du soleil », a souligné Vincent Ouellet-Jobin.

En arrosant des végétaux avec l’eau pluviale, on évite également un gaspillage d’eau potable.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

« Une seule ruelle bleue-verte ne fera pas la différence sur l’île de Montréal, mais c’est pour ça qu’il faut en construire d’autres » et « il faut que ça devienne une nouvelle façon de gérer l’eau de pluie à la grandeur de la ville », a plaidé le chargé de projet en environnement.

« Ça fait longtemps qu’on sait qu’il va falloir le faire et que les professionnels le disent. L’idée d’utiliser ce type d’espace pour gérer l’eau de pluie est en train de faire son chemin », a souligné Catherine P. Perras, conseillère en aménagement et urbanisme chez Vivre en ville.

« Plus largement, ça amène également des bénéfices pour la santé de la population, parce que la verdure permet de filtrer les polluants atmosphériques » et « les espaces verts contribuent à diminuer le stress et l’anxiété », a ajouté Catherine P. Perras.

Elle a indiqué que l’adaptation aux changements climatiques dans les villes passe notamment par la déminéralisation, qui consiste à retirer des surfaces minérales comme l’asphalte, pour faire place aux végétaux.

« Il va falloir enlever de l’asphalte, dégager de l’espace pour capter l’eau. Ça fait partie des solutions pour s’adapter à deux des principaux aléas des changements climatiques dans les grandes villes : les vagues de chaleur et les inondations. »