Le ministère de l’Environnement a ouvert une enquête pénale sur la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, en plus de la mettre à l’amende, en lien avec de forts vents qui ont transporté du concentré de cuivre et des résidus miniers dans l’environnement et dans le quartier Notre-Dame, voisin de l’usine appartenant à la multinationale Glencore.

Le 7 mars dernier, de forts vents se sont abattus sur Rouyn-Noranda, emportant du concentré de cuivre entreposé dehors sur le site de la Fonderie Horne dans le quartier Notre-Dame voisin ainsi que sur le lac Osisko, qui borde la ville au nord-est.

La même journée, des résidus miniers entreposés dans le parc à résidus Horne 5 ont aussi été rejetés dans l’environnement ainsi que sur le lac Pelletier, au sud-ouest de la municipalité.

Les résidus transportés par le vent étaient visibles là où ils ont été déposés, assombrissant la neige et les glaces des deux lacs.

PHOTO ÉMILIE PARENT-BOUCHARD, COLLABORATION SPÉCIALE

Travaux de récupération de neige souillée réalisés dans le quartier Notre-Dame, à Rouyn-Noranda

Après ces forts vents, il a fallu une semaine pour que Glencore commence à ramasser la neige, comme l’exige le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). L’entreprise dit avoir pris connaissance de « l’emportement éolien » de concentré de cuivre entreposé sur son site seulement le 9 mars, « alors que des citoyens ont fait des signalements ».

« Nous sommes allés sur place pour constater l’incident et les endroits touchés, écrit la surintendante aux communications et relations avec la communauté de Glencore, Cindy Caouette. Par la suite, nous avons travaillé pour mettre en place des équipes de ramassage, ce qui prend un certain temps et ce qui explique que le ramassage n’ait débuté que le 15 mars. »

PHOTO STÉPHANE BLAIS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La Fonderie Horne, de la société Glencore, à Rouyn-Noranda

C’est d’ailleurs ce que le Ministère reproche à Glencore en vertu de l’article 21 de la Loi sur la qualité de l’environnement, qui indique que « quiconque est responsable d’un rejet accidentel […] doit, sans délai, en aviser le ministre ». Il doit également « faire cesser le rejet » et « enlever les matières contaminées de la zone affectée et les expédier vers un lieu autorisé ».

« La loi est très claire, il faut que l’ensemble du rejet soit récupéré, fait valoir la directrice régionale du contrôle environnemental au MELCCFP, Annie Cassista. On a suivi de façon quotidienne les travaux sur le terrain. C’est certain que des choix ont été faits. Les zones qui ont été récupérées en premier sont les zones publiques, les parcs, la presqu’île Osisko. »

Enquête pénale

L’évènement a convaincu le MELCCFP d’ouvrir une enquête pénale, qui pourrait donner lieu à la remise de l’ensemble du dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), qui déciderait alors de la suite des choses.

« Ce sont eux qui vont établir quels seront les constats d’infraction en lien avec le dossier. Ensuite, s’il n’y a pas de plaidoyer de culpabilité, le dossier peut se déplacer en cour, où ce sera au juge d’aller fixer le montant des amendes en fonction des types d’infraction », indique Annie Cassista, précisant qu’il reviendrait à un juge de fixer l’amende en lien avec ces infractions, la loi prévoyant une fourchette pouvant varier de 6000 $ à 6 millions de dollars.

À la suite de l’évènement du parc à résidus Horne 5, le MELCCFP dit d’ailleurs avoir transmis vendredi dernier un avis de non-conformité assorti d’une sanction administrative pécuniaire de 10 000 $ à Glencore en lien avec le rejet de ces résidus miniers dans l’environnement.

Pour le Ministère, le dossier est loin d’être clos, même si la neige est pratiquement disparue à Rouyn-Noranda, ce qui compliquera vraisemblablement l’opération de nettoyage.

C’était beaucoup plus facile visuellement d’aller récupérer les concentrés de cuivre à travers les strates de neige. Ils étaient visibles et ça se récupérait beaucoup plus vite.

Annie Cassista, directrice régionale du contrôle environnemental au MELCCFP

« Avec la fonte des neiges, on continue à effectuer nos suivis. Pour nous, les travaux ne sont pas terminés, ça doit se poursuivre. C’est certain que la méthode d’intervention doit changer », poursuit Mme Cassista.

Le MELCCFP dit devoir discuter avec l’entreprise afin de déterminer avec elle la façon de procéder pour récupérer l’ensemble des rejets émis dans l’environnement. « Présentement, on a exigé le retrait complet des résidus miniers et concentrés, réitère-t-elle. Et là, on donne suite à ce manquement par une sanction administrative pécuniaire [pour le parc à résidus] et une enquête [pénale pour le concentré de cuivre]. »

Aucune récupération du concentré de cuivre sur le lac Osisko

Or, les délais de ramassage de la neige ont fait en sorte qu’il est désormais impossible de s’aventurer sur le lac Osisko de manière sécuritaire. Le concentré de cuivre se retrouvera donc vraisemblablement dans les eaux du lac, déjà contaminé par des métaux lourds – aluminium, cuivre, cadmium et plomb, selon une étude menée en 2015 – en lien avec les activités de la fonderie depuis 1927, mais aussi par le déversement d’eaux usées municipales.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lac Osisko, à Rouyn-Noranda

« L’opération de ramassage de neige s’est poursuivie jusqu’à ce que ce soit impossible de la ramasser dû aux températures chaudes des derniers jours qui [ont] accéléré la fonte. Seule la neige sur les sols environnant le lac Osisko [a] été amassée, car après analyse de risque il est apparu qu’il était trop dangereux d’aller sur le lac avec de la machinerie pour procéder au ramassage de la neige », écrit Cindy Caouette, ajoutant que des « barrières à sédiments ont été installées ».

Le Collectif territoire, qui vise à revitaliser le lac Osisko en vue du centième anniversaire de la ville en 2026, avait installé des cabanes de pêche communautaires sur le lac pendant l’hiver. Plus d’une centaine d’enfants devaient s’adonner à des activités de pêche sur la glace dans un cadre scolaire au cours du mois de mars. Malgré l’absence de directives claires de la Santé publique en ce sens, le Collectif a jugé bon d’annuler la tenue de ces activités.

Interrogée à ce sujet, la Santé publique a dit mardi être « rassurée puisque la neige souillée a été retirée des lieux publics » et nous a dirigé vers le ministère de l’Environnement. Malgré de nombreuses relances insistant sur le fait que l’entièreté du concentré de cuivre et des résidus miniers n’avait pas été récupérée, il n’a pas été possible d’obtenir de plus amples informations, notamment sur les comportements à adopter en cas d’exposition et sur les possibles effets sur la santé.

Interpellée au sujet d’une éventuelle poursuite pénale, la Fonderie Horne dit ne pas avoir « reçu d’information » en ce sens et a préféré ne pas faire d’autres commentaires.